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CHAPITRE I Contexte Général et Problématique

A. Les phénomènes de contaminations secondaires et les modèles associés

1) La recontamination

Les catégories de l’environnement d’une usine susceptibles d’être contaminées sont: le milieu, le personnel,

les matières premières (intrants, additifs, matières consommables), les machines ou une combinaison de ces

catégories (cf. Chapitre II).

Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de la présence de microorganismes pathogènes dans ces lieux mais nous ne nous intéressons pas à la cause de cette présence supposant qu’elle n’a pas d’influence sur le mécanisme de recontamination. De plus, nous ne tiendrons pas compte des recontaminations par le personnel ou par la matière première, le personnel représentant le plus souvent un vecteur et la contamination des matières premières (les cartons d’emballage, par exemple) restant un événement rare (cf. Chapitre II).

Supposons qu’une de ces catégories de l’environnement est contaminée. La recontamination correspond au transfert des bactéries de ce lieu vers la surface des produits, par contact (recontamination par une machine) ou par l’intermédiaire d’un vecteur (recontamination par le milieu) (Reij et al., 2004).

Dans le cas d’une contamination du milieu, les vecteurs peuvent être les aérosols générés par les opérations de nettoyage (Holah et al., 1993; Mettler and Carpentier, 1998; Prendergast et al., 2004; Spurlock and Zottola, 1991). En effet, les jets sous pression peuvent disséminer des microorganismes issus de réservoirs isolés (les égouts, par exemple) et provoquer la contamination des produits (Rørvik et al., 1997), en produisant des gouttelettes dans l’air de plus ou moins grandes tailles (Burfoot et al., 2003). Les microorganismes adhérant à la poussière dont l’activité humaine et le mouvement des machines engendre la dispersion (Kang and Frank, 1989b), ou la présence d’insectes (De Jesus et al., 2004), peuvent aussi être à l’origine de la contamination des produits. Par contre, le risque de contamination par l’air semble moindre pour L. monocytogenes (Kang and Frank, 1989a). En effet, (Autio et al., 1999) constatent lors d’une étude

d’investigation dans une usine de saumon fumé, que malgré une contamination importante de l’environnement par L. monocytogenes, aucun échantillon d’air, parmi 125 prélèvements, n’était contaminé.

Le personnel, en cas d’hygiène déficiente, peut aussi jouer le rôle de vecteur entre un réservoir de l’environnement et les produits, bien que ce type de recontamination soit plus probable aux étapes suivant la production telle que la préparation avant la consommation (Chen et al., 2001; Kusumaningrum et al., 2004; Montville et al., 2001).

Dans le cas d’une contamination de la machine, la source de microorganismes se trouve sur une ou plusieurs surfaces de la machine et le contact entre les surfaces et les produits, direct ou indirect, induit la recontamination (Midelet and Carpentier, 2002; Pérez et al., 2004b). Ces réservoirs se situent notamment dans des zones de la machine difficilement accessibles aux mesures d’hygiène (Gill et al., 1999).

Quelques modèles, communément appelés mécanistiques, c’est-à-dire dont les paramètres ont un sens physique, existent. Ces modèles se basent sur le schéma suivant : un compartiment-source contaminé par des bactéries pathogènes transfère des bactéries dans un autre compartiment, par l’intermédiaire d’un vecteur ou non (den Aantrekker et al., 2003a). Le compartiment source représente généralement une partie de l’environnement (machine ou milieu) et le compartiment d’arrivée représente généralement une unité de production (Figure 18).

Figure 18 (1) Recontamination par une machine, (2) Recontamination par le milieu

La forme de ces modèles et le sens physique des paramètres dépendent du procédé considéré et des objectifs de la modélisation. Plusieurs cas de figure se présentent, dépendant des conditions suivantes :

- Si la source de contamination est connue (1)

- Si le niveau de contamination de la source reste stable au cours du temps (2) - Si la probabilité de contamination d’une unité de production est connue (3)

Toutes les combinaisons n’ont pas été explorées en termes de modélisation. Nous décrivons ci-après pour les combinaisons existantes, les modèles associés.

(1) Lorsque la source de contamination est inconnue, deux possibilités existent : soit la source est l’environnement lui-même auquel cas on est dans le contexte de la recontamination; soit la source est une unité de production auquel cas, on est dans le contexte de la contamination croisée. (van Gerwen and Gorris, 2004) propose un modèle de recontamination sans préciser la source de contamination. Cependant, l’étude détaillée de ce modèle suggère que le compartiment-source est une partie de l’environnement. Nous reviendrons sur cette étude.

(2) Dans le cadre d’un compartiment-source représentant l’environnement, soit le niveau de contamination de la source de contamination varie au fur et à mesure du passage des unités de production, soit ce niveau reste constant. Dans le dernier cas, le nombre de bactéries transférées à l’unité de production est fixe et le modèle consiste en une équation simple reliant les différentes variables d’intérêt. Par exemple, la

Compartiment source Compartiment d’arrivée Vecteur 1 2

recontamination des produits par l’air est modélisée par une équation reliant la concentration dans l’air en microorganismes Cair, le flux de sédimentation SR, et la vélocité des particules d’air contenant ces bactéries νS

(den Aantrekker et al., 2003b) (Figure 19).

v

s Sedimentation plates

C

air

S

R air R S C S v =

Figure 19 Exemple de modélisation de la contamination par l’air (Source : (den Aantrekker et al., 2003b))

Ce type de modèle peut être intégré dans un modèle général de la chaîne de fabrication dans laquelle différents procédés se succèdent. La prévalence de contamination des produits à l’étape k de la chaîne est indépendante de celle à l’étape k-1 et la concentration des produits (ou des ensembles de produits) est indépendante de la prévalence.

Dans le cas où le niveau de contamination du compartiment-source varie au fur et à mesure du passage des unités de production, le recours à des systèmes dynamiques est courant. Leur solution analytique, si elle existe, permet l’estimation des paramètres du modèle par ajustement des équations sur des données expérimentales. Si le temps est continu, des systèmes d’équations différentielles sont utilisés, comme par

exemple dans le cas de la recontamination d’un liquide par un biofilm situé dans un tuyau. (den Aantrekker, 2003) simulent l’évolution de la concentration en microorganismes dans le liquide et sur la surface d’une canalisation au cours du temps, en tenant compte des transfert de microorganismes entre les deux compartiments (liquide et surface) et de leur croissance. Si le temps est discret, on a recours à des systèmes d’équations aux différences, tel que dans une étude du FSIS (Food Safety and Inspection Service) modélisant

la recontamination de produits par une machine, l’unité de production (et donc l’unité de temps du système dynamique discret) étant le lot de produit (Gallagher et al., 2003). Dans ce modèle, un réservoir de bactéries de l’environnement de l’usine alimente, en bactéries, quotidiennement et selon un certain niveau de concentration surfacique (en CFU/cm²), les surfaces en contact avec les produits. Ces dernières constituent alors le compartiment-source, en transférant une proportion p de bactéries vers les produits du lot. Le niveau de contamination du compartiment-source est recalculé après chaque transfert, en tenant compte de la fréquence et de l’efficacité des mesures d’hygiène ; le processus recommence au passage du lot suivant. Dans cet exemple, le résultat final correspond au nombre total de cellules par lot.

(3) Les modèles décrits ci-dessus permettent d’estimer le niveau de contamination des différents compartiments, en supposant que le compartiment-source, lorsqu’il est contaminé, contamine les produits selon une proportion de microorganismes transférés, dans le cas continu comme dans le cas discret. Certaines études visent aussi à modéliser la prévalence de produits ou des lots de produits contaminés, en supposant que la recontamination n’est pas systématique. Dans ce cas, les paramètres de transfert sont d’une autre nature. Ainsi, (van Gerwen and Gorris, 2004) calcule l’évolution de la prévalence de produits contaminés au cours d’une étape à l’aide d’une probabilité de recontamination des produits : Si la prévalence des produits contaminés est p à l’entrée du lot de l’étape k et la probabilité de recontamination est pr au cours de cette étape, la probabilité pour un produit d’être contaminé à la sortie de l’étape k est 1-(1-pr)(1-p) (Figure 20). Le nombre de bactéries contaminantes est indépendant de cette probabilité de recontamination.

Figure 20 Exemple de modélisation de la recontamination au cours du procédé (Source : (van Gerwen and Gorris, 2004))

Dans ce modèle, les variables d’entrée et de sortie de l’étape sont la prévalence des produits intra-lot et leur niveau de contamination. Le niveau de contamination de la source reste constant au cours du temps, mais il est possible de faire varier ce dernier. Ainsi, (Sauli et al., 2004) considère une probabilité de contamination de la source.

Dans le cas du modèle du FSIS, la prévalence inter-lot dépend de la fréquence et de la durée de contamination du compartiment-source, estimées au préalable.