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CHAPITRE I Contexte Général et Problématique

B. Influence des catégories de prélèvement et des éléments prélevés

IV. Discussion

Les résultats de l’analyse des données d’auto-contrôles des trois industries laitières se déclinent sur plusieurs niveaux :

- des phénomènes connus concernant la présence de Listeria dans l’environnement fromager, et des

phénomènes moins connus,

- le risque d’implantation de Listeria dans l’environnement et son taux de renouvellement,

- l’adéquation entre environnement et produit en fonction des étapes et de l’échelle de temps, - les facteurs de risque de contamination des produits en cours de production,

- l’intérêt des données d’auto-contrôles et de typage génétique dans un cadre d’investigation et/ou de prévision,

- des informations relatives à la construction d’un modèle d’appréciation du risque.

Tout d’abord, la visualisation graphique des historiques des pourcentages d’analyses positives dans l’environnement et dans les produits a conduit à l’hypothèse d’existence de deux scénarios a priori pour la

dynamique temporelle de contamination de l’environnement : le premier scénario est la survenue accidentelle de

Listeria, suivie de son implantation dans l’environnement ; le deuxième est la présence de Listeria sous forme

d’écosystème régulier ou de bruit de fond. Cependant, l’évolution du pourcentage d’analyses non conformes dans l’environnement ne peut se faire en ignorant que la détection d’une souche engendre une augmentation du nombre d’analyses, ce qui met en doute la vraisemblance des courbes. Bien que l’approche qualitative (présence/absence) ait permis de s’affranchir de ce biais, elle n’a pas permis de confirmer ou infirmer cette hypothèse de deux scénarios distincts.

Pourtant, les résultats du Tableau 10 montrent que les ateliers des différents sites présentent des comportements similaires en termes d’indicateurs. Par ailleurs, l’hypothèse d’indépendance entre la présence des coliformes dans le produit et celle de Listeria n’a pas été rejetée. Or, les coliformes étant considérés comme un indicateur de

l’application des bonnes pratiques d’hygiène au sein des industries laitières (Kanbakan et al., 2004; Yucel and Ulusoy, 2006), bien que de moins en moins (Hutchison et al., 2005), on peut conclure que la présence de Listeria

n’est pas liée à un problème d’hygiène général. Ces deux observations contredisent l’hypothèse d’une dynamique de contamination sous forme de bruit de fond et appuient celle du scénario d’introduction accidentelle de Listeria suivie de son implantation dans l’environnement. Enfin, couplé au fait que les zones de

l’environnement et les catégories de prélèvement sont des variables significatives dans l’étude des facteurs de risque de contamination des produits, nous appuyons l’hypothèse d’une pression de contamination s’exerçant de manière similaire d’un site à l’autre, mais dépendant, évidemment, de l’agencement de chacun, des mesures de maîtrise et des flux mises en place, etc.

Ensuite, l’étude du suivi épidémiologique des souches par l’intermédiaire des indicateurs a confirmé le rôle majeur des ateliers d’affinage et d’emballage dans le risque de contamination des produits en cours de production. D’une part, les environnements de ces ateliers sont les plus susceptibles d’héberger des souches persistantes de Listeria dans l’environnement (Nelson, 1990; Pak et al., 2002). En effet, les conditions

environnementales physico-chimiques sont favorables à la croissance de Listeria qui présente de plus de grandes

capacités d’adaptation à des conditions environnementales extrêmes. Ainsi, suite à l’introduction d’une souche persistante dans l’environnement de ces ateliers, les mesures d’hygiène quotidiennes permettent difficilement son éradication. D’autre part, ils représentent les zones de l’environnement avec le plus fort taux d’adéquation environnement produit, d’après la relation mise en évidence entre ce dernier et la diversité génétique.

L’étude a montré que l’atelier de fabrication, où la température est élevée, présente un taux de renouvellement important, mais est moins favorable à l’implantation de souches que les autres ateliers. Sa diversité génétique, couplée à celles des ateliers de traitement et de salage, fournit pour cette zone un faible taux d’adéquation environnement produit. Pourtant, les résultats de l’étude des facteurs de risque de contamination montre qu’une souche détectée un mois donné en zone « Fabrication Salage » a environ 14 fois plus de chance d’être détectée dans un produit le même mois. Ces résultats a priori contradictoires illustrent le fait qu’une contamination de la

zone « Fabrication Salage » a des répercussions immédiates sur le produit par rapport à une contamination de la zone « Affinage Emballage », dont l’impact s’évalue sur de plus longues périodes. En effet, le taux d’adéquation Environnement / Produit est calculé sur une échelle annuelle, alors que les rapports de cotes issues de la régression logistique sont à l’échelle mensuelle. De plus, l’étude des facteurs de risque met en évidence que la zone « Affinage Emballage » contamine une plus grande proportion de produits que la zone « Fabrication Salage », caractérisée par un taux de renouvellement plus élevé que la zone « Affinage Emballage ».

Ainsi, on peut conclure que les souches persistantes, isolées d’ « Affinage Emballage » contaminent les produits pendant de longues périodes, alors que les souches de la zone « Fabrication Salage » contaminent les produits, sur de courtes périodes, et en plus faible proportion.

L’observation de souches persistantes, c’est-à-dire fréquemment isolées de certains environnement industriels, conduit à s’interroger sur l’inhérence de ce caractère (Lappi et al., 2004; Lunden et al., 2003b; Tompkin, 2002). Concernant L. monocytogenes, une étude montre que des cellules de cette espèce, fréquemment isolées

d’environnements industriels, sont caractérisées par la production de monocine E, la présence de plasmide et la résistance au cadmium (Harvey and Gilmour, 2001). Ces caractéristiques leur conféreraient un avantage pour persister dans l'environnement. Cependant, il n’est pas démontré que ces caractéristiques sont intrinsèques aux souches ; elles peuvent avoir été acquises en conséquence de l’adaptation des souches à l’environnement, hypothèse que nous appuyons suite aux résultats de l’analyse des données, n’ayant pas mis en évidence de

ribotypes persistants communs aux sites étudiés. Ces résultats sont confirmés par (Lunden et al., 2000) qui tentent de mettre en évidence l’existence d’une corrélation entre le caractère persistant des souches dans leur environnement et leur capacité d'adhésion, à partir de souches de L. monocytogenes isolées d'ateliers de

transformation alimentaire avec une fréquence plus ou moins grande. Les résultats montrent qu'après 1 ou 2 heures de temps de contact, les souches persistantes adhèrent mieux que les souches sporadiques, mais qu’après 72 heures, la différence entre les deux types de souches n'est plus aussi marquée.

Concernant l’étude de l’influence des catégories de prélèvement (machine, milieu, personnel, matière première), les résultats confirment des résultats connus (les surfaces qui ne sont pas en contact avec le produit présente moins de risque que celles qui le sont, et ces dernières présentent elles-mêmes moins de risque que si toutes les surfaces sont contaminées) mais apportent une classification des trois types de situations grâce aux rapports de cotes. Il est à noter que le passage du milieu contaminé aux machines contaminées présente presque trois fois plus de risque que le passage des machines contaminées à l’ensemble des surfaces contaminées, ce qui met en évidence le caractère déterminant des surfaces en contact avec le produit en termes de risque de contamination des produits en cours de production.

Parmi les résultats de l’étude sur l’influence des éléments prélevés, on peut constater que la variable « égout » n’est pas retenue par le modèle de régression logistique, en dépit des publications évoquant leur impact sur le risque de contamination secondaire des produits (Kells and Gilmour, 2004). L’impact supposé de la contamination des égouts sur la contamination des produits est attribué au fait qu’ils peuvent abriter des réservoirs de L. monocytogenes et que les mesures d’hygiène permettent la dissémination des cellules le

constituant dans l’environnement (Holah et al., 1993; Spurlock and Zottola, 1991). Cependant, ils ne sont pas une source directe de contamination des produits mais ont plutôt un rôle d’alimentation du milieu de l’environnement. Par contre, la significativité de la variable « saumure », en adéquation avec la significativité de la variable « matière première », confirme des résultats publiés dans la littérature (De Santis et al., 2004; Larson et al., 1999).

La non significativité de la variable « personnel » est attribuable au fait que peu de prélèvements sont effectués directement sur le personnel. Par contre, la significativité de la zone « Autre » peut être reliée à la capacité du personnel à véhiculer les microorganismes depuis des zones contaminées (mais où les produits ne sont pas exposés) vers les produits. Cela met en évidence l’importance des ruptures hygiéniques et de la maîtrise des flux pour prévenir la dissémination d’une contamination (Pritchard et al., 1995). De plus, la non prise en compte de cette variable dans le modèle de prévision de la proportion de produits contaminés peut expliquer son faible R2 ajusté. Cependant, ces résultats sont à manipuler avec précaution étant donné le très faible nombre d’observations par rapport au nombre de variables et étant donné les importants biais d’échantillonnage.

En conclusion, il semble, au vu des données propres à chaque site, qu’il n’existe pas un comportement propre aux sites, mais que la pression de contamination de l’environnement s’exerce différemment en fonction des endroits de l’environnement contaminés. La contamination d’un endroit de l’environnement est plus ou moins fréquente (impliquant des expositions différentes) et plus ou moins grave (impliquant des impacts différents) ; les résultats des plans de contrôle doivent être traités différemment selon les cas.