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CHAPITRE I Contexte Général et Problématique

B. Le risque de listériose lié à la consommation de fromages à pâte molle au lait pasteurisé

3) Appréciation de l’exposition au risque de listériose lié à la consommation de fromages à pâte

fromages à pâte molle au lait pasteurisé

Malgré sa faible incidence mais probablement à cause de sa forte létalité, entre 25% et 30%, L. monocytogenes

a fait l’objet de nombreux travaux de recherche en microbiologie et en microbiologie prévisionnelle. De plus, les épidémies de listériose ayant coïncidé avec la mise en place de l’analyse des risques au niveau des instances internationales, ces recherches ont conduit à plusieurs appréciations quantitatives du risque de listériose (Anonymous, 2004b; Bemrah et al., 1998; Gallagher et al., 2003; Lindqvist and Westöö, 2000; Sanaa et al., 2004), notamment celui lié à la consommation de fromage au lait cru.

Dans ce cadre, les connaissances actuelles sur les procédés de fabrication des fromages à pâte molle au lait pasteurisé et leurs risques et celles sur L. monocytogenes suggèrent et permettent d’entamer une appréciation de

Tableau 2 Description des principales étapes de la chaîne de fabrication des fromages à pâte molle et risques microbiologiques associés

Etape Fabrication Utilité Sources d’augmentation du

risque microbiologique Mesure de maîtrise Prélèvements

Réception du lait cru Maîtrise renforcée de l’hygiène de

l’atelier de réception du lait cru Lait cru

Stockage Standardisation

Thermisation

Réduction de la flore pathogène à un niveau ne permettant pas son développement pendant la phase

de maturation primaire.

Maturation primaire

Multiplication des ferments naturellement présents et/ou

ajoutés dans le lait cru.

Offre des conditions de pH et T° non inhibitrices de la flore pathogène éventuellement

présente. Pasteurisation (CCP) Réduction du risque de

transmission de germes pathogènes non sporulés

Conception, de l’installation, de la conduite, surveillance et maintenance du pasteurisateur.

Cloisonnement de l’usine.

Lait pasteurisé, de l’environnement (sol, égouts,

pasteurisateur)

Ensemencement Maturation

La quantité de ferments injectés doit être nécessaire à une acidification rapide et suffisante et

la T° du lait doit permettre la croissance des ferments recherchée

pH, T° et état liquide du lait pendant le stockage dans les tanks

offrent des conditions de croissance optimale pour des

germes contaminants.

Sélection des ferments et dosage sont des points critiques. Surveillance des procédures de nettoyage et de désinfection de

façon programmée. Mesure de la T° et du pH du lait.

Qualité bactériologique des ferments et des autres produits.

Agitateur + environnement

Emprésurage

Permet le caillage du lait. La présure est une enzyme catalyseur issue de l’estomac des

veaux.

Coagulation Tranchage

Caillage du lait dans des bassines et tranchage à l’aide d’outils

introduits dans la bassine.

Automatisation du procédé, Lavage des bassines à chaque tour

de circuit. Nettoyage, désinfection du matériel et hygiène du personnel.

Environnement + couteaux utilisés pour le tranchage (s’il n’est pas automatisé) + cuves + mains et

Moulage Répartition du caillé dans des moules

Nettoyage, désinfection du matériel de moulage plateaux et

stores avant chaque utilisation.

Environnement+ moules

Egouttage

Egouttage dans des salles conditionnées en T° et hygrométrie. Retournes.

Nettoyage des batteries de conditionnement de l’air.

Qualité de l’air. Hygiène du personnel. Qualité bactériologique des trois

éléments ci-dessus.

Retourneurs + batteries de conditionnement + air + sol +

évacuation eau (égouts)

Démoulage

Les fromages sont sortis de leurs moules, soit par retournement

manuel, soit par machine automatique et soulèvement par

ventouse.

Mêmes précautions que pour

l’égouttage. Retourneur

Salage

Le salage est conditionné par le degré de saturation de la saumure,

sa température, et le temps de trempage (de l’ordre de 40 minutes

pour un camembert). Existe aussi le salage à sec.

La charge microbienne de la saumure augmente au cours du

temps.

La maîtrise repose sur une rupture de cycle par un processus d’assainissement de la saumure

par pasteurisation ou filtration. La périodicité des ruptures de

cycles est conditionnée en fonctions des données directes ou

indirectes sur sa pollution.

Saumure ou sel sec + batteries de conditionnement

Ressuyage Affinage en cave

10 à 16 jours importants pour la qualité. Consiste en retournes,

pulvérisation de Penicillium, contact avec l’air ambiant conditionné en T° et humidité par des batteries de conditionnement.

Conditions de T° (10 à 13°C) et d’humidité (proche de la saturation) favorables au développement de Listeria. Nécessite (entre autres) une manipulation des produits par l’intermédiaire d’une machine ou

du personnel.

Nettoyage et désinfection des locaux et du matériel de conditionnement entre chaque

cycle.

Surveillance de la durée d’affinage.

Sol, plafond, murs, matériel, batteries + personnel + fromages

Conditionnement Emballage des produits.

Nécessite une manipulation des produits par l’intermédiaire d’une

machine ou du personnel. Emballages porteurs de poussières qui peuvent véhiculer des germes.

Gants jetables jetés fréquemment. Hygiène du personnel. Filtration de l’air et précautions

pour séparer les zones ou les fromages sont nus des zones

d’emballage.

Personnel + batteries de conditionnement + environnement

Stockage Expédition T° et pH pouvant favoriser la

croissance de certains pathogènes

Temps de stockage maîtrisé et vérification de la T° au

chargement.

CHAPITRE II

Dynamique de la Contamination au sein

d’une Industrie Fromagère : Analyse

Rétrospective de Données d’Auto-contrôles

pour Listeria

Bien que L. monocytogenes soit aujourd’hui reconnu comme une bactérie clairement pathogène, toutes les infections qu’elles provoquent ne sont pas à l’origine de maladie grave, sa détection dans un produit est immédiatement suivie d’une investigation poussée de la (des) source(s) de contamination au sein de la chaîne de fabrication. En effet, la contamination de produits alimentaires en cours de production par l’environnement est un phénomène identifié et observé dans de nombreuses industries fabriquant des produits d’origine animale (Tompkin, 2002). Deux cas se distinguent : lorsque la matière première ne subit pas de traitement de décontamination et lorsqu’elle en subit un, tel que la pasteurisation.

Dans le premier cas, les matières premières susceptibles d’être contaminées par Listeria (saumon, lait cru), permettent son introduction au sein de l’usine (Berrang et al., 2005). La contamination du produit fini par

Listeria dépend alors, d’une part, du niveau de contamination initial de la matière première, d’autre part, des

contaminations secondaires des produits en cours de production mettant en jeu l’environnement de l’usine. En effet, de nombreuses études montrent que les souches de L. monocytogenes retrouvées dans les produits finis peuvent également provenir de la chaîne de fabrication et des locaux (ci-après appelé l’environnement), notamment dans l’industrie laitière (Jacquet, 1993; Kells and Gilmour, 2004), l’industrie du poisson (Autio et al., 1999), et l’industrie de la viande (Thévenot et al., 2005). Dans le deuxième cas, la contamination du produit fini ne dépend que de la présence de Listeria dans l’environnement, et par conséquent de son introduction dans

l’environnement de l’usine puis dans le produit en cours de fabrication (Valeeva et al., 2005). C’est dans ce cadre que la présente étude s’inscrit, puisque nous nous intéressons au risque de contamination par Listeria des fromages au lait pasteurisé en cours de production.

L’impact de l’environnement sur la contamination du produit en cours de fabrication n’étant pas négligeable, L.

monocytogenes fait l’objet de nombreux prélèvements dans les industries agroalimentaires. Ces prélèvements

sont réalisés :

- sur les produits finis à l’occasion du contrôle libératoire des lots,

- en cours de production, sur les produits et dans l’environnement, dans le cadre d’auto-contrôles.

Leur fréquence est propre à chaque industrie. En effet, un des points du système HACCP recommande la mise en place d’un système d’évaluation de l’efficacité des mesures de maîtrise. L’identification des sources de contamination des produits est réalisée grâce aux méthodes de typage génétique (Scott et al., 2002).

Dans l’industrie laitière plus particulièrement, la maîtrise du danger commence à la ferme et se poursuit dans les entreprises qui transforment le lait en une grande diversité de produits. L’obligation de vigilance constante a amené les entreprises à mettre en place ces procédures d'analyse et de maîtrise des dangers de type HACCP. Les auto-contrôles commencent dès l’arrivée de la matière première et se poursuivent tout au long de la chaîne afin de vérifier que les produits sont sains jusqu’à leur mise sur le marché. Le risque de contamination du produit par l’environnement augmente à mesure que la localisation du danger est proche du produit et que la conservation des produits se prolonge. Ainsi, il est nécessaire de considérer différents types de prélèvements afin de graduer le niveau de risque (Pritchard et al., 1995; Silva et al., 2003) :

- les surfaces entrant en contact direct avec le produit nu

- les zones sensibles : l’environnement des ateliers dans lesquels les produits sont entreposés à l’air libre, - les zones non sensibles : l’environnement des ateliers dans lesquels les produits nus ne sont pas exposés

ou les zones annexes (vestiaires, maintenance).

Nous disposions des données d’auto-contrôles provenant de trois usines fabriquant des fromages à pâte molle au lait pasteurisé. Ces données concernent principalement la contamination de l’environnement et des produits par des coliformes et par Listeria, et s’étalent sur une période d’environ 10 ans. Elles sont initialement collectées, d’une part, dans un objectif d’évaluation de l’efficacité des mesures de maîtrise et, d’autre part, dans un objectif d’investigation des sources potentielles de contamination des produits. Ainsi, bien qu’elles présentent des plans d’échantillonnage variables au cours du temps, nous avons tenté de mettre en évidence les facteurs de risque liés à l’implantation de Listeria dans l’environnement industriel et à la contamination du produit en cours de production à travers une analyse rétrospective. La démarche choisie consiste à déduire de cas particuliers des principes généraux liés à la dynamique d’une contamination dans une usine fromagère.

Dans une première partie, nous présentons les données, leurs caractéristiques, intérêts, et origines, et les observations issues d’analyses descriptives. La deuxième partie vise à estimer les risques d’implantation de

Listeria dans l’environnement d’une usine. La troisième partie met en évidence les facteurs de risque de

contamination des produits par Listeria. Enfin, nous discutons les résultats obtenus et proposons des recommandations pour la collecte de données d’auto-contrôles dans l’environnement et les produits. Toutes les analyses son réalisées avec le logiciel SAS Version 8.2.