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Les relations fonctionnelles non trophiques entre les plantes et les criquets

Pour déterminer les relations fonctionnelles entre les plantes et les criquets nous nous sommes fondés sur des traits qui permettent de prédire l’intensité de l’herbivorie et les relations alimentaires. Cependant les communautés de plantes ne constituent pas uniquement une ressource alimentaire pour les criquets. Elles influencent également la structure de leur habitat en termes de site de thermorégulation, de reproduction ou de site refuge contre la prédation créant ainsi des liens non trophiques entre les plantes et les insectes herbivores (Kéfi et al. 2012). Ces caractéristiques peuvent alors faire partie des déterminants importants de la structure des communautés de criquets via des processus « bottom-up » et de leur impact sur les communautés de plantes. L’architecture de la végétation qui influence les conditions abiotiques du milieu (Gross et al. 2008; Schaffers et al. 2008) telles que l’humidité, les variations de température journalières ou la densité de la végétation peut influencer la structure de la communauté de criquets en agissant sur leur habitat physique (Pitt 1999). Des milieux avec des végétations de forte stature et denses peuvent être favorables contre la prédation en offrant plus de zones refuges mais inversement peuvent être défavorables en limitant les déplacements et donc l’évitement de la prédation. Des végétations présentant une forte diversité de statures ont généralement des effets positifs en permettant aux criquets de se mettre à une hauteur optimale pour la thermorégulation soit pour se réchauffer soit pour éviter d’atteindre une température létale (Uvarov 1977). Des végétations denses avec beaucoup de litière pourraient avoir un impact négatif sur la reproduction en diminuant la surface de sol nu, c’est-à-dire la surface de sites d’oviposition pour les femelles. La perception des congénères serait diminuée et conduirait à limiter la compétition inter et intra spécifique ainsi que le risque de prédation par manque de détectabilité (Joern 1982). Les facteurs abiotiques représentent ainsi des paramètres importants déterminant l’impact des insectes herbivores sur la biomasse végétale. C’est ce que nous observons pour l’espèce

181 Pseudochorthippus parallelus dont le taux de mortalité très élevé a été associé sans doute à des conditions abiotiques non favorables diminuant son impact sur la biomasse végétale (Gardiner 2009).

Une récente étude réalisée sur la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre s’est intéressée à l’effet des pratiques agricoles sur la structuration fonctionnelle des communautés de plantes et sur l’abondance des criquets (Le Provost et al. 2013, stage de master 2). Cette étude a été réalisée sur les 25 parcelles de prairie que nous avons utilisées pour construire la base de données de traits de plantes à l’échelle de la zone d’étude (voir partie Méthodes). Au début de ma thèse, nous avons réalisé dans ces 25 prairies différentes mesures afin d’obtenir des estimations de la diversité spécifique et de l’abondance des criquets et des plantes et également des estimations de la diversité des communautés d’araignées (prédateurs principaux des criquets), de la productivité et du contenu en azote de la biomasse végétale. Nous avons également réalisé dans ces parcelles des mesures de microclimat à l’aide de sondes mesurant la température et l’humidité que nous avons placées pendant deux périodes de deux semaines au ras ou à hauteur de végétation et autour desquelles des relevés botaniques ont été réalisés. Un des résultats importants qui ressort de cette étude est que les pratiques agricoles impactent la structure fonctionnelle des communautés de plantes qui en retour influence l’abondance des criquets. L’abondance de certaines espèces de criquets est influencée par les traits moyens relatifs à l’architecture du couvert végétal et par les traits relatifs à la chimie des feuilles. Les espèces comme Chorthippus albomarginatus, Chorthippus dorsatus, Mecosthethus aliaceus et Pseudochorthippus parallelus qui fréquentent préférentiellement les milieux frais et humides, sont plus abondantes dans une végétation haute, avec de fortes surfaces foliaires et une forte surface spécifique foliaire (SLA). Ces trois paramètres sont des déterminants importants des conditions microclimatiques du milieu (Gross et al. 2008). Ainsi, dans les communautés où la végétation est haute et où la surface foliaire et la SLA sont fortes, l’humidité sera plus forte et la température plus faible. Le microclimat semble donc être un facteur important pour expliquer l’abondance des espèces (Figure 3). Pour aller plus loin dans cette étude il serait intéressant d’analyser les relations entre les traits des plantes tels que les traits d’architecture et leur effet sur les conditions microclimatiques (température et humidité) à l’aide des données extraites des sondes. Ainsi il serait possible de confirmer si les processus qui déterminent l’effet des traits des plantes sur l’abondance des criquets à l’échelle des communautés sont reliés aux conditions microclimatiques.

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Figure 3. En haut : Analyse factorielle des correspondances (AFC) de l’abondance des différentes espèces de

criquets. Les trois premiers axes respectivement 38%, 21% et 17% de la variance totale. Le nom des espèces de criquets sont : Ca : Chorthippus albomarginatus, Cb : Chorthippus biguttulus, Cd : Chorthippus dorsatus, Ci : Calliptamus italicus, Cp : Chorthippus parallelus (devenu depuis Pp : Pseudochorthippus parallelus), Ma : Mecosthethus aliaceus, Ee : Euchortippus elegantulus, Or : Omocestus rufipes et Pg : Pezotettix giornae. En bas : résultat d’un modèle linéaire testant l’effet des trais d’architecture sur l’abondance des espèces de l’axe 1 de l’AFC. Cette figure est extraite du rapport de stage de M2 de Gaëtane Le Provost, encadrée par H. Deraison, I. Badenhausser & N. Gross en 2013 au Centre d’Etudes Biologiques de Chizé.