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Fondé sur les propriétés des traits fonctionnels, un cadre conceptuel permettant d’analyser à l’échelle des communautés la réponse des espèces aux gradients écologiques ou changements environnementaux et leurs effets sur le fonctionnement des écosystèmes a été développé (le response- effect framework Lavorel & Garnier 2002; Suding & Goldstein 2008). Une hypothèse centrale de ce cadre, appelée l’hypothèse du « Holy Grail », permettrait d’établir, à partir des mêmes traits, un lien direct entre les processus liés à l'assemblage ou la dynamique des communautés et le fonctionnement des écosystèmes (Figure 5). Elle permettrait également de simplifier l’étude des écosystèmes et de faire le lien entre les changements environnementaux et le fonctionnement des écosystèmes en utilisant des variables continues, quantifiables et comparables entre systèmes d’études en s’affranchissant de l’identité taxonomique des espèces (McGill et al. 2006).

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Figure 5. Schéma du cadre conceptuel reliant les traits de réponse aux changements environnementaux et les

traits d’effet sur le fonctionnement des écosystèmes. Extrait de Lavorel & Garnier 2002.

Le cadre des traits de réponse et des traits d’effet a été majoritairement utilisé chez les plantes en mettant en évidence un lien fort entre les traits de réponse des plantes liés à la disponibilité de la ressource tels que la surface spécifique foliaire, la concentration en azote foliaire ou la hauteur végétative, et leur effet sur le fonctionnement de l’écosystème tel que la productivité (Lavorel et al. 2007; Gross et al. 2008; Pakeman 2011; Laliberté & Tylianakis 2012). Récemment, il a été proposé d’adapter le cadre des traits de réponse et des traits d’effet à l’étude des interactions trophiques. En effet, les processus écosystémiques reposent en partie sur les interactions entre les plantes et les niveaux trophiques supérieurs (de Bello et al. 2010; Cardinale et al. 2012; Mulder et al. 2012) tels que le maintien de la fertilité des sols (Schmitz 2008), la productivité (Moretti et al. 2013), ou la pollinisation (Kremen et al. 2007). Actuellement, il existe une réelle nécessité d’élargir les études portant sur les liens entre biodiversité et fonctionnement des écosystèmes aux interactions trophiques afin d’avoir une vision plus intégrative de la complexité des systèmes (Cardinale et al. 2006, 2012; Hillebrand & Matthiessen 2009; Reiss et al. 2009; Lavorel et al. 2013). A l’échelle des communautés, les traits qui permettent de prédire la réponse d’un niveau trophique supérieur aux changements environnementaux et de prédire comment cette réponse se transfère au niveau trophique inférieur et au fonctionnement des écosystèmes permettraient d’importantes avancées dans l’étude des relations biodiversité-fonctionnement des écosystèmes (Figure 6).

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Figure 6. Schéma du cadre conceptuel des traits de réponse et des traits d’effet adapté à l’étude des interactions

trophiques. Adapté de Lavorel et al. 2013.

Bien que ce cadre soit peu utilisé pour l’étude des interactions trophiques, il a été montré qu’il existe des liens entre les traits de réponse des plantes aux facteurs abiotiques et leurs traits d’effet sur d’autres niveaux trophiques, qui en retour influencent les processus écosystémiques. Par exemple, l’analyse corrélative des interactions entre les traits des plantes et les paramètres fonctionnels des organismes microbiens du sol a mis en évidence que les traits reliés à la réponse des plantes à la disponibilité de la ressource et au compromis entre exploitation et conservation de la ressource chez les plantes (Wright et al. 2004), peuvent également influencer l’activité des microorganismes du sol ainsi que la production de biomasse et la rétention du carbone et de l’azote dans le sol (Grigulis et al. 2013).

Quelques études ont, à partir d’analyses corrélatives, identifié des relations à l’échelle des communautés entre les traits des insectes herbivores et les traits des plantes le long de gradients environnementaux (van der Plas, Anderson & Olff 2012; Frenette-Dussault, Shipley & Hingrat 2013). Ces études montrent que l’influence des facteurs abiotiques sur la structure fonctionnelle des communautés de plantes peut en retour influencer celle des communautés d’insectes herbivores. Par exemple, van der Plas et al. (2012) ont montré le long d’un gradient de perturbation que les patrons de variations des traits au sein de communautés de criquets étaient influencés par la structure des communautés de plantes (contrôle « botttom-up »). Les communautés à forte hauteur végétative favorisent les communautés de criquets de grande taille corporelle et les communautés à forte surface

33 foliaire favorisent les communautés de criquets possédant de grandes ailes. De la même manière, Frenette et al. (2013) trouvent également un effet « bottom-up » des traits de la végétation sur la composition des communautés de fourmis. Les communautés de plantes caractérisées par de fortes teneurs foliaires en matière sèche sont dominées par des fourmis de grande taille corporelle. Les traits de chimie des plantes sont également reliés au régime alimentaire des fourmis et influencent notamment la présence des espèces granivores. Enfin, une autre étude récente a mis en évidence, par une approche corrélative le long d’un gradient d’utilisation des terres, que le mode de gestion des prairies influence la teneur en matière sèche des feuilles à l’échelle de la communauté de plantes ce qui favorise la présence de communautés de criquets caractérisées par une forte masse corporelle. Ceci a en retour diminué la production de biomasse des écosystèmes prairiaux (Moretti et al. 2013). Cette étude constitue une première avancée dans l’application du cadre des traits de réponse et des traits d’effet sur le fonctionnement des écosystèmes en tenant compte notamment de l’effet retour des communautés d’insectes sur la production de biomasse. Comme le proposent Ibanez et al. 2013a, coupler cette approche à une étude mécaniste entre les traits des herbivores, leur niche alimentaire et leur effet sur les communautés de plantes permettrait de comprendre et de déterminer les mécanismes qui contrôlent l’effet des interactions trophiques à l’échelle des communautés sur les processus écosystémiques.

Ces études confirment que les traits utilisés à l’échelle spécifique afin de comprendre les mécanismes d’interactions trophiques peuvent également s’appliquer à l’échelle des communautés de plantes et d’insectes herbivores. Ils permettraient ainsi un changement d’échelle en s’intéressant cette fois à l’effet de communautés entre niveaux trophiques sur le fonctionnement de l’écosystème. Les liens existants entre les traits des communautés de plantes et d’insectes herbivores influencent certains processus écosystémiques tels que la production de biomasse végétale. Cependant, les mécanismes contrôlant l’effet des communautés d’insectes herbivores sur la structure des communautés de plantes et sur le fonctionnement des écosystèmes paraissent plus difficiles à détecter et restent encore mal connus. L’effet des communautés peut être appréhendé en se concentrant sur les moyennes de traits des espèces constituant cette communauté mais également en analysant la diversité fonctionnelle au sein des communautés (Díaz & Cabido 2001).

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4 - Rôle de la diversité spécifique et fonctionnelle sur le fonctionnement des

écosystèmes