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La présence de prédateurs pourrait également influencer l’impact des communautés de criquets sur la biomasse des communautés de plantes. Les prédateurs peuvent minimiser cet impact via la consommation des insectes herbivores diminuant ainsi la densité de leur population. Ils peuvent également modifier les comportements alimentaires des criquets qui tentent alors d’échapper à leurs prédateurs (Cardinale et al. 2009; Calcagno et al. 2011). En effet, il a été montré que les criquets peuvent changer de régime alimentaire en passant d’une plante appétente mais sur laquelle les risques de rencontrer un prédateur sont grands, à une plante de moins bonne qualité leur offrant un meilleur site refuge contre la prédation (Schmitz & Suttle 2001; Schmitz 2008). Ceci conduit alors à une redistribution de l’impact des herbivores sur les plantes. Cependant il est vraisemblable que toutes les espèces de criquets ne répondent pas de la même manière face à la prédation. C’est ce que suggère un travail préliminaire réalisé au CEBC en 2014 dans un dispositif nouvellement implanté sur le site. Ce dispositif est un mésocosme en toile insect-proof de 30 m sur 30 m établie dans un espace semi-naturel du CEBC (Figure 4).

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Figure 4. Photographie du mésocosme présent au Centre d’Etudes Biologiques de Chizé depuis 2013.

Ce travail préliminaire a consisté à faire une cartographie de la végétation initiale avant la mise en place des traitements expérimentaux (régimes de perturbations, comme la fauche ou la fertilisation, selon différentes modalités) et à étudier la faisabilité du suivi de la distribution spatiale de différentes espèces de criquets au cours du temps. Ainsi, grâce à des techniques de marquage, la distribution de trois espèces de criquets a été suivie, et cela en relation avec la densité d’araignées. L’étude montre que les prédateurs avaient une répartition aléatoire au sein du mésocosme et que leur présence a eu des effets différents sur les trois espèces de criquets étudiées (Figure 5). Certaines espèces ont répondu à la présence des araignées en les évitant (Euchorthippus elegantulus) tandis que les autres espèces n’ont pas modifié leur répartition en fonction de la densité d’araignées (Chorthippus dorsatus, Pezotettix giornae).

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Vers une approche multitrophique des expérimentations de biodiversité

En adoptant une démarche similaire à ce travail de thèse, une des perspectives serait de mettre en place des expérimentations de biodiversité à une échelle multitrophique afin d’intégrer les liens entre les différents compartiments biotiques constituant les écosystèmes. Il serait intéressant de déterminer si l’approche fonctionnelle permettrait d’établir des liens entre les traits des prédateurs et ceux des insectes herbivores et de comprendre quels sont les mécanismes qui contrôlent l’effet de l’identité et de la diversité fonctionnelle des communautés de prédateurs sur les communautés d’insectes herbivores, de plantes et les processus écosystémiques.

Notre étude met en avant que l’impact des communautés de criquets sur la production de biomasse est médié par des changements de la structure fonctionnelle des communautés de plantes et de l’abondance des espèces de plantes dominantes (Chapitre 3). Ainsi on pourrait s’attendre à des effets indirects de la diversité des communautés d’insectes herbivores sur d’autres niveaux trophiques tels que les pollinisateurs en modifiant positivement ou négativement l’abondance de leur ressource. Les mécanismes de régulation des communautés de plantes pourraient provoquer des décalages de phénologie et de la date de floraison et donc influencer la structure des communautés de pollinisateurs et les services écosystémiques (Elzinga et al. 2007). De la même manière, l’impact des insectes herbivores sur les plantes dominantes peut modifier l’intensité des interactions biotiques entre les espèces végétales et ainsi influencer les mécanismes d’assemblage des communautés végétales (Huntly 1991; Belsky 1992). Pour approfondir ce sujet, regarder comment la diversité fonctionnelle des communautés d’insectes herbivores module ces changements et les interactions entre les différents niveaux trophiques permettrait une meilleure intégration de l’effet des relations multi-trophiques sur les processus écosystémiques.

3 - L’effet des relations trophiques sur le fonctionnement des écosystèmes

Intégrer les relations trophiques dans les expérimentations de biodiversité représente un enjeu majeur pour comprendre l’effet de la biodiversité sur le fonctionnement des écosystèmes (Reiss et al. 2009 ; Lavorel et al. 2013). Il a récemment été proposé d’adapter le cadre conceptuel des traits d’effet et des traits de réponse (Lavorel et Garnier 2002) pour capturer les liens fonctionnels trophiques qui contrôlent le fonctionnement des écosystèmes. Le chapitre 3 de cette thèse a été fondé sur cette approche et constitue ainsi une avancée dans ce domaine de recherche visant à déterminer comment les relations fonctionnelles entre les communautés de plantes et de criquets influencent la production de biomasse dans un écosystème prairial. Plus précisément nous avons cherché à déterminer si les traits d’effet des communautés de criquets provoquent des modifications de la structure fonctionnelle des communautés de plantes modifiant en retour la production de biomasse. Nous avons identifié les traits de réponse des communautés de plantes à la perturbation engendrée par les criquets et les traits

185 d’effet des communautés de plantes sur la productivité. Cette analyse nous a permis de valider l’hypothèse du « Holy Gail » (Lavorel & Garnier 2002). En effet la teneur en matière sèche des feuilles au sein des communautés de plantes corrélée à leur hauteur végétative constitue une réponse des plantes face à l’herbivorie qui a ensuite déterminé leur effet retour sur la diversité végétale et la production de biomasse. Nous identifions ainsi un lien direct et un chevauchement entre les traits de réponse trophiques et les traits d’effet sur les processus écosystémiques.