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Relations entre le système circadien et le cancer

Dans le document CHRONOTHEPARIE ET ANTICANCEREUX (Page 111-116)

LISTE DES TABLEAUX

VII. Relations entre le système circadien et le cancer

1. Rôle du système circadien dans les processus cancéreux

Le système circadien comprend un « pacemaker » central, les noyaux suprachiasmatiques de l’hypothalamus, qui génèrent et/ou contrôlent des rythmes comportementaux, hormonaux et neuronaux impliqués dans la coordination des horloges

moléculaires des cellules de l’organisme191. Ce système ajuste aussi la physiologie

circadienne et les rythmes cellulaires à l’alternance régulière de lumière et d’obscurité sur 24 heures, ainsi qu’aux autres cycles de l’environnement et socioculturels (Fig. 19). L’adaptation du système circadien aux synchroniseurs de l’environnement permet d’anticiper les besoins énergétiques et d’optimiser leur utilisation. En remettant quotidiennement à l’heure la structure temporelle circadienne, ces synchroniseurs rendent prévisibles les moments des pics et des creux des fonctions biologiques et, en particulier, celles qui règlent la pharmacologie antitumorale et la prolifération cellulaire191-195. À l’inverse, une dérégulation de la structure temporelle circadienne est la conséquence d’un défaut de perception des synchroniseurs ou de l’altération de la physiologie circadienne, de l’horloge moléculaire ou des fonctions contrôlées par l’horloge. Cette dérégulation du système circadien provoque l’amortissement, le déphasage, voire la suppression des rythmes de 24 heures, ce qui rend imprévisible les moments des pics ou des creux. Dans ces circonstances, des thérapeutiques spécifiques pourraient se révéler nécessaires pour restaurer la fonction circadienne. Une douzaine de gènes circadiens constituent le cœur de l’horloge moléculaire des mammifères (Fig. 20). Ces gènes sont impliqués dans des boucles d’activation et d’inhibition transcriptionnelles et post-transcriptionnelles, qui génèrent l’oscillation circadienne dans chaque cellule. En particulier, les dimères des protéines de l’horloge CLOCK : BMAL1 ou NPAS2 : BMAL1 jouent un rôle central dans le fonctionnement de l’horloge, en activant la transcription des gènes de l’horloge Per et Cry191, 194. Ces dimères protéiques exercent aussi une régulation négative sur le cycle cellulaire à la fois en réprimant l’oncogène c-myc et en activant p53 et wee1196, 197. Ce faisant, l’horloge moléculaire contrôle la transition de G1 en S (phase de duplication de l’ADN), la transition de G2 en M (mitose), ainsi que l’apoptose196, 198, 199. Les gènes de l’horloge Per1,

moindre que dans le foie ou dans les tissus sains dont ils dérivent. L’expression circadienne de ces gènes est le plus souvent très altérée, voire abolie, selon le type de tumeur et son stade évolutif. Cependant, les altérations des rythmes tumoraux à l’échelle tissulaire peuvent résulter dela désynchronisation des horloges des cellules cancéreuses au sein d’une même

tumeur200. Dans les cancers humains, il semble également que les gènes de l’horloge

présentent une expression moindre, notamment Per1, Per2 ou Per3 en comparaison du tissu d’origine. De même, la prolifération cellulaire et l’apoptose tendent à perdre ou à amortir leur organisation circadienne dans les tumeurs expérimentales et humaines200, 201. En outre, le système circadien contrôle les voies principales du métabolisme et modifie ainsi la pharmacocinétique (PK) et le métabolisme cellulaire des médicaments anticancéreux194. La régulation circadienne de la prolifération cellulaire et du métabolisme des médicaments est responsable de la chronopharmacologie des agents anticancéreux, dont certains exercent leur cytotoxicité dans une phase précise du cycle cellulaire. Ainsi le 5-fluoro-uracile (5-FU) est-il particulièrement toxique pour les cellules en phase S192, 194.

Figure 20: Représentation schématique du système circadien.

Les noyaux suprachiasmatiques (NSC) de l’hypothalamus constituent le pacemaker du système circadien, qui coordonne les rythmes des fonctions biologiques de l’organisme

au cours des 24 heures et les adapte aux cycles de l’environnement. Pour cela, les horloges moléculaires des NSC sont remises à l’heure par les synchroniseurs externes. Les NSC génèrent ou contrôlent de nombreux rythmes physiologiques, tels que ceux qui caractérisent l’activité/repos, la température corporelle et les sécrétions de cortisol et de mélatonine. Les NSC coordonnent les horloges moléculaires qui génèrent l’oscillation

circadienne dans les cellules. Ces horloges moléculaires contrôlent environ 10 % du transcriptome et régulent ainsi sur 24 heures tous les domaines de la physiologie, du métabolisme et de la prolifération cellulaires. De multiples redondances existent dans le

système circadien. Ainsi, la physiologie circadienne est aussi capable d’entrainer les horloges moléculaires des tissus périphériques.

Figure 21: Représentation schématique de l’horloge moléculaire et des principaux gènes qu’elle contrôle, en rapport avec le métabolisme des médicaments anticancéreux et la

prolifération cellulaire.

Le dimère protéique BMAL1 : CLOCK ou BMAL1 : NPAS2 (un homologue de CLOCK) joue un rôle essentiel dans la transcription rythmique des gènes contrôlés par

l’horloge.

2. Système circadien et possibilités thérapeutiques

Afin d’optimiser les interventions thérapeutiques, il est nécessaire d’approfondir les mécanismes de la perturbation circadienne liée au cancer ou à ses traitements. En particulier, les cytokines pro-inflammatoires pourraient jouer un rôle important dans cette perturbation

202-204. L’amélioration des connaissances dans ce domaine paraît essentielle pour choisir la stratégie chronothérapeutique la mieux adaptée au patient et à sa condition médicale ainsi qu’aux objectifs de sa prise en charge. D’une part, cette approche originale de la chronothérapeutique implique l’administration de schémas de chronothérapie différents selon le sexe et le système circadien du patient205-207. Elle s’appuie sur l’enregistrement continu de plusieurs biomarqueurs du système circadien au cours du traitement et possiblement sur des études de polymorphismes des gènes de l’horloge, afin d’adapter l’administration chronothérapeutique aux modifications induites par la chimiothérapie. D’autre part, un

traitement ciblant plus spécifiquement le système circadien pourrait être mis en œuvre chez les patients dont le système circadien est altéré. Cette perspective souligne l’intérêt du développement de médicaments dits « chronobiotiques », tels que la mélatonine ou ses agonistes/antagonistes, voire les inhibiteurs de caséine kinase ou d’autres molécules régulatrices de l’horloge moléculaire, mais aussi d’approches comportementales, dont l’exercice physique, la luminothérapie ou les thérapies interventionnelles psychiques.

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