• Aucun résultat trouvé

planctonique selon le type de nature d’eau et la saison

Etape 2 : Caractérisation des types de réseaux trophiques selon la diversité spécifique et fonctionnelle

3.3.2. Relation entre diversité spécifique et diversité fonctionnelle

La relation entre diversité et type de réseau trophique a été étudiée à travers l’utilisation de différentes métriques : la richesse, l’équitabilité (Washington 1983) et les espèces indicatrices (Dufrene & Legendre 1997).

Dans notre étude, les diversités spécifique et fonctionnelle évoluent dans le même sens. De manière globale, plus les réseaux trophiques présentent une forte diversité spécifique, plus la diversité fonctionnelle est importante. De la même manière, plus les réseaux sont diversifiés, plus les espèces ou groupes fonctionnels sont équitablement répartis. En marais doux, il est intéressant de remarquer que plus les réseaux multivores sont ‘forts’ (fortes biomasses des 3 classes de phytoplancton, des protozoaires bactéries et mésozooplancton), plus leur diversité phytoplanctonique et mésozooplanctonique diminue et plus une espèce ou un groupe fonctionnel domine la communauté. Ces réseaux se mettent donc en place lors de blooms phytoplanctoniques souvent monospécifiques.

145 La méthode des espèces indicatrices (IndVal) permet de proposer un assemblage d’espèces qui caractérise un site ou un groupe de sites (Dufrene & Legendre 1997, Modéran et al. 2010). Cette méthode a été appliquée à la fois sur les espèces et les groupes fonctionnels. D’un point de vue général, l’utilisation des groupes fonctionnels permet de simplifier l’interprétation des résultats, et plus particulièrement permet de mieux appréhender le fonctionnement des réseaux trophiques.

Même si le réseau multivore à fortes biomasses (F3) contient la plus faible diversité fonctionnelle, il comporte le plus grand nombre de groupes fonctionnels spécialistes : ceci implique une structure de communautés très différente des autres réseaux trophiques, avec des fonctionalités différentes. Plus particulièrement, ce type de réseau trophique est dominé par des phytoflagellés de moyennes (nano) à grandes tailles (micro). Une grande partie de ces phytoflagellés sont capables de mixotrophie, ces espèces peuvent donc être plus compétitives que les autres espèces de phytoplancton (Porter 1988). Il a, par exemple, été mis en évidence que les espèces mixotrophes pouvaient représenter 55 % de la bactérivorie de l’ensemble de la communauté hétérotrophe leur conférant un rôle central dans la boucle microbienne (Porter 1988).

Les réseaux multivores F3 et F22 et le réseau microbien S5 sont caractérisés par des espèces phytoplanctoniques potentiellement toxiques correspondant soit à des cyanobactéries, soit à des phytoflagellés. De manière générale observée dans d’autres systèmes, lorsque ces cellules dominent la communauté phytoplanctonique en période de bloom, les prédateurs semblent se nourrir en priorité de cellules non toxiques. Ainsi, les cellules toxiques seraient moins prédatées donc dominantes dans le milieu (Hansson et al. 2007). Les toxines produites par ces cellules peuvent être relarguées dans la colonne d’eau, engendrant des modifications au niveau des structures des communautés. Leur toxicité peut engendrer des phénomènes importants de mortalité des maillons supérieurs (Smith et al. 1999). De plus, les toxines produites sont dans certains cas des molécules entrant dans les phénomènes d’allélopathie : elles peuvent soit stimuler soit provoquer la mort d’autres cellules phytoplanctoniques, les rendant plus compétitrices, notamment durant les phénomènes d’eutrophisation (Karjalainen et al. 2007).

En ce qui concerne les algues des marais salés, les groupes fonctionnels montrent un mélange d’espèces marines et dulcicoles plus ou moins sténohalines, pouvant être benthiques ou planctoniques. Ces groupes se retrouvent sur la plupart des réseaux trophiques des marais salés et sont donc beaucoup trop généralistes pour être associés à un fonctionnement particulier. Cependant, cette hétérogénéité permet de mettre en évidence des mécanismes plus

146 globaux dus à la structure des marais salés. En effet, le mélange entre espèces dulcicoles et marines impliquent une double influence avec des apports d’eau douce par le bassin versant et des apports d’eau de mer par les phénomènes de marée. De plus, les courants de marée dans les canaux provoquent des phénomènes de remise en suspension du sédiment sur lequel se développe le microphytobenthos. Ces microalgues deviennent alors disponibles pour les organismes planctoniques et interviennent dans leur régime alimentaire. Le couplage benthos-pelagos est d’ailleurs un phénomène très important dans le fonctionnement des réseaux trophiques des vasières intertidales (écosystèmes connexes au marais situés en aval sur le méta-écosystème pertuis charentais ; Guarini et al 2008).

Pour le zooplancton, de manière générale, le même modèle se dessine entre espèces et groupes fonctionnels indicateurs : quand une espèce ou un groupe d’espèces est spécialiste d’un type de réseau trophique, le groupe fonctionnel auquel elles appartiennent est indicateur de ce même réseau trophique. Par exemple, Chydorus sp et son groupe fonctionnel correspondant (PE5IP) sont tous deux spécialistes du réseau F14. Deux explications peuvent être avancées : soit l’identification taxonomique n’est pas assez fine pour certains groupes, soit les traits fonctionnels choisis illustrent bien la sensibilité du zooplancton aux conditions environnementales ou au type de réseau trophique (Barnett et al. 2007). Les traits choisis, en particulier ‘la taille moyenne’, ‘la reproduction’ et le ‘temps de génération’, permettent d’avoir une idée sur les stratégies démographiques adoptées par les espèces constituant le groupe fonctionnel considéré : stratégie-r ou stratégie-K. Les espèces à stratégie-r sont caractérisées par de petits organismes qui allouent peu d’énergie à la reproduction (reproduction asexuée par parthénogénèse) et qui présentent un fort taux de reproduction (temps court entre l’éclosion et la première génération à se reproduire, Pociecha & Wilk-Wozniak 2006). Les espèces à stratégie-K sont des espèces de grandes tailles qui allouent plus d’énergie à la reproduction (reproduction sexuée uniquement) et qui ont un taux de reproduction plus lent (Pociecha & Wilk-Wozniak 2006). Les réseaux ‘hiver biologique’ et ‘herbivore’ des marais doux (F11, F12 et F13) sont constitués de zooplancton de tailles moyennes plutôt à stratégie-r peu sélectif et passif en termes de prédation (organisme filtreur :

Bosmina sp et Cerodaphnia sp) mais se nourrissant sur un spectre de taille étroit de proies

(Barnett et al., 2007) : ces organismes sont donc essentiellement herbivores, voire bactérivores puisqu’incapable de prédater des organismes hétérotrophes capables d’échappement (protozoaires ou microzooplancton). Par leur stratégie démographique et leur type de nutrition, ces organismes vont donc pouvoir se développer de manière rapide lors des faibles abondances de protozoaires et de microzooplancton tel qu’observé pour les réseaux

147 F11, F12 et F13. Le réseau trophique multivore à faibles biomasses F14 est quant à lui caractérisé par des cladocères de petites tailles (stratégie-r) capables de se nourrir sur des organismes de petites tailles. Le zooplancton de grande taille (copépodes) à stratégie démographique de type K est caractéristique du réseau multivore fort F3 capable de se nourrir sur une large gamme de tailles et de sélectionner leur nourriture. La taille moyenne des organismes mésozooplanctoniques, constituant le dernier maillon du réseau trophique planctonique , peut avoir un impact sur le transfert de la matière vers les maillons supérieurs, c’est-à-dire sur l’efficacité écotrophique, en particulier les larves de poisson préférant d’une manière générale des organismes de grandes tailles tels que des copépodes (Beaugrand 2005). Par conséquent, l’efficacité écotrophique serait plus importante dans les réseaux de types multivores, que dans les autres réseaux. Cependant, la perte de matière et d’énergie est moins importante dans un réseau herbivore que dans un réseau multivore, de par le nombre de voies de transfert de matière plus réduit. L’efficacité écotrophique au sein du réseau herbivore est donc plus élevée (Legendre & Rassoulzadegan 1995). Toutefois, les organismes de taille réduite du maillon supérieur (mésozooplancton de taille moyenne) peuvent-ils être prédatés par les larves de poisson, ou est-il nécessaire d’inclure un maillon entre ces larves et le mésozooplancton (par exemple, petites larves d’insectes) qui dans ce cas diminuerait son efficacité écotrophique ?

Enfin, seuls les réseaux herbivores dans les marais salés (S51, S3 et S4) ont des groupes fonctionnels spécialistes du mésozooplancton, observations en accord avec les théories de Legendre et Rassoulzadegan (1995) sur la dominance du zooplancton métazoaire dans ce type de réseau trophique. Cependant, comme en eau douce, les stratégies démographiques des organismes mésozooplanctoniques différent selon le type de réseau herbivore. Les réseaux herbivore à biomasses faibles et moyennes (S3 et S4) sont caractérisés par des organismes de taille moyenne à stratégie-r (Bosmina spp et Chydoridae) alors que le réseau herbivore à forte biomasse (S51) par des organismes de grande taille à stratégie-K (principalement des copépodes). Il est possible que la taille moyenne des organismes mésozooplanctoniques dans ces réseaux soit conditionnée par la taille du phytoplancton. En effet, les cladocères de taille moyenne sont capables de filtrer du phytoplancton de taille plus petit que les copépodes (Barnett et al. 2007). Or, le réseau herbivore à forte biomasses est caractérisé par un bloom de microphytoplancton, alors que les autres réseaux herbivores sont caractérisés par du picophytoplancton.

En résumé, l’approche par diversité fonctionnelle permet d’améliorer la compréhension du fonctionnement des réseaux trophiques planctoniques des marais doux et

148 salés. Une observation simple de la taille du mésozooplancton sans une connaissance forte en systématique peut aider la détermination de certains types de réseau trophique : les petits cladocères sont caractéristiques d’un réseau multivore à biomasse faible dans les marais doux, les cladocères de taille moyenne des réseaux herbivores et ‘hiver biologique’ et les copépodes et cladocères de grande taille du réseau multivore fort. En marais salé, la taille permet surtout de discriminer le stade du réseau herbivore : les cladocères de taille moyenne sont présents dans les réseaux herbivores à biomasses faibles et moyennes, les copépodes dans le réseau herbivore à fortes biomasses.

149 Partie 4 : Facteurs influençant l’évolution spatio-temporelle des compartiments

planctoniques

4.1. Démarche statistique

Afin d’expliquer la variabilité spatio-temporelle des communautés planctoniques (M), une décomposition de variance a été utilisée sur les données de biomasses des compartiments planctoniques afin d’évaluer l’importance relative de trois groupes de paramètres (physico-chimie P, facteurs environnementaux F et matière organique particulaire M).

Cette technique permet d’évaluer différentes composantes de la variance de la matrice expliquée (M) : 1) l’effet ‘pur’ attribuable à chacune des matrices explicatives (P, F ou M) et non partagée avec l’une ou l’autre des 2 autres matrices, 2) la part redondante entre les trois matrices et 3) l’effet ‘résiduel’, c’est-à-dire la variance inexpliquée par l’utilisation de ces trois matrices (Figure 3 ; Borcard et al. 1992, Volis et al. 2011). Différentes Analyses de Redondances (ARD) et ARD partielles (ARDp) sont menées sur les diverses combinaisons possibles d’une, deux ou des trois matrices en contraignant tour à tour chaque matrice en covariables. L’analyse des redondances (ARD) (van den Wollenberg 1977) est également appelée Analyse en Composantes Principales sur Variables Instrumentales (ACPVI). Cette méthode est basée sur une ACP du tableau M. L’ARD est une ACP des prédictions du tableau M obtenues par les régressions multiples sur des variables contraignantes P et/ou F et/ou M. A partir des diverses ARD et ARDp, la variance associée à chaque composante peut être calculée (‘P, ‘F’, ‘M’, ‘P+F’, ‘P+M’, ‘F+M’, ‘P+F+M’, ‘composantes résiduelle’), le calcul de chacune est détaillée dans Legndre et Rivkin (2008).

Dans une décomposition de variance, le nombre de variables explicatives doit être inférieur au nombre de variables expliquées. Le nombre de variables explicatives a donc été réduit en appliquant une ACP sur chaque matrice explicative (P, F et M). Les valeurs des premiers axes de chaque ACP sont alors utilisées comme nouvelles variables explicatives dans la décomposition de variance. Le nombre d’axes de chaque ACP est choisi afin de représenter le plus de variation de la matrice de départ. Ces tests ont été réalisés en utilisant le package ade4 (Thioulouse et al. 1997) et le package vegan (Dixon 2003) du logiciel R.

150 4.2. Résultats