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Partie II : Analyse d’instruments politiques favorables au développement de

3. Les systèmes agroforestiers dans les Stratégies Locales de Développement

3.3. Regroupements de propriétaires : quels enseignements pour les RCAF ?

Les actions visant aux regroupements de propriétaires figurent très majoritairement parmi les actions visant à répondre aux enjeux liés à la mobilisation des bois. D’autres thématiques impliquant des regroupements de propriétaires apparaissent sporadiquement, telles que la cueillette des champignons ou la préservation du patrimoine bâti vernaculaire (CFT de la Montagne de Lure).

Cela montre que, si les dimensions environnementales des forêts sont omniprésentes dans les CFT, les actions visant le regroupement des propriétaires sont majoritairement associées à des visées économiques de production. Pourtant, compte tenu des effets de seuils écologiques présentés en amont, le regroupement des propriétaires pourrait également figurer pour traiter des problématiques environnementales liées à la gestion de la biodiversité ou de la qualité de l’eau par exemple. En cela, les enjeux de production liés au regroupement des propriétaires rejoindraient les enjeux environnementaux associés notamment aux SAF.

9 chartes sur les 29 étudiées sont discrètes, voire muettes, au sujet des regroupements. C’est le cas notamment de la charte du PNR Périgord-Limousin ou celle du massif forestier de Bouconne. Pour cette dernière, cela peut s’expliquer par le fait qu’il s’agit d’une forêt périurbaine située à proximité immédiate de Toulouse et dont la charte laisse une large place aux actions pédagogiques et récréatives en lien avec la forêt.

La question des dessertes implique souvent des regroupements et se pose de façon particulièrement aigüe pour la valorisation des peuplements montagnards ou dans les grands massifs. Bien qu’il s’agisse d’une question récurrente, nous ne la traitons pas dans la mesure où concernant les systèmes agroforestiers cette question pose moins de problème. Nous notons que le PNR des Grands Causses évoque l’intérêt des associations syndicales pour réaliser des dessertes.

Certaines chartes mettent davantage en exergue l’échange ou la vente de parcelles afin de constituer des îlots de taille plus importante, en facilitant les ventes par des aides (Pays de Guéret), une simplification des actes notariés, des bourses foncières forestières (Pays Midi-Quercy) ou en visant la communalisation des biens forestiers non gérés (Pays de Guéret, Pays de l’Aurence…).

Mise à part la volonté de mettre en place une structure collective permettant de rassembler l’offre de bois énergie (Pays Sud Charente) et l’élaboration d’un plan de gestion collectif du bocage du Véron dans le Pays du Chinonais couvrant 1,7 ha, les actions visant au rassemblement des propriétaires au sein d’unités de gestion commune ne concernent pas les systèmes agroforestiers dans les 29 chartes étudiées.

S’agissant des regroupements, nous distinguons deux cas de figure :

· le regroupement économique ponctuel pour des coupes et des travaux, informel ou formel, pouvant impliquer un Organisme de Gestion en Commun (OGEC), voire les moyens d’animation d’un PDM : 6 chartes associent la problématique du regroupement à la réalisation de PDM, 4 prévoient des actions liées à des regroupements économiques ;

· le regroupement de propriétaires au sein d’associations syndicales pour gérer en commun leur forêt : 9 prévoient des actions liées aux associations syndicales et une évoque le regroupement foncier sans évoquer directement les associations syndicales.

La différenciation de ces deux catégories tient au fait que les regroupements de propriétaires permettraient d’envisager des actions sur le long terme, alors que les regroupements économiques se limiteraient à des coupes ou chantiers épisodiques. Toutefois, en pratique, des propriétaires regroupés au sein d’une ASL sont libres de ne pas participer à des coupes et travaux collectifs et des propriétaires regroupés au sein d’un OGEC peuvent être amenés à collaborer sur une longue durée. Malgré ces réserves, et dans l’objectif de simplifier l’analyse, nous maintenons cette différenciation.

Les regroupements économiques ponctuels se réalisent au travers de la réalisation de Plan de Développement de Massif (Pays d’Ambert, Pays Bourian, PNR des Grands Causses, PNR du Morvan en 2008, Pays du Chinonais). La CFT peut être également le prolongement d’un PDM, comme c’est le cas dans le Pays d’Ubaye. Ces regroupements économiques ponctuels peuvent être encouragés par des dispositifs spécifiques, tels que, dans le cadre de la CFT du Pays de Guéret, par le dispositif de l’ADELI. Il permet de bénéficier d’aides pour l’amélioration des peuplements à condition qu’une surface de 4 ha minimum, rassemblant au moins trois propriétaires, soit engagée. La CFT de la communauté de communes de l’Orée-de-Bercé-Bélinois prévoit de signaler les coupes et les travaux par un affichage dans les mairies et une mention dans les bulletins municipaux, de manière à ce que des candidats supplémentaires se greffent au projet d’un propriétaire.

Dans le cadre de ces regroupements économiques ponctuels, la cohérence de voisinage, telle que nous l’avons définie dans la première partie de la thèse, n’est pas nécessairement recherchée. Les chantiers peuvent être éloignés. L’unité de gestion commune n’est que temporaire. C’est le cas des PDM qui permettent notamment de financer le travail d’animation aux chantiers groupés. Mais, comme le montre Sergent (2014), les PDM rencontrent le problème dit de la « fin des contrats » (que fait-on après le PDM ?) ou de la mainmise d’un acteur « dominant » sur le secteur (coopérative) dans le cadre d’une action qui, si au départ se voulait territoriale, finit pas devenir sectorielle.

Au XXe siècle, des associations de propriétaires ont été créées pour la réalisation de

travaux de boisement ou de desserte, et non pour la gestion forestière. Certaines chartes ont alors pour objectif de faire évoluer les ASA et les ASL de travaux vers des ASGF. C’est le cas notamment dans le Pays Sud Charente. Une dynamique similaire s’observe autour des Groupements Forestiers. Le PNR des Grands Causses note que les Groupements Forestiers (GF) sont en perte de vitesse. Le Pays de l’Ardèche Verte prévoit par exemple de redynamiser les GF. Nous observons que, parmi les 29 chartes étudiées, les GF sont peu mentionnés et font l’objet d’un nombre restreint d’actions, alors que, par le passé, les politiques forestières, notamment celle du FFN, visaient la création de GF. La tendance politique observée serait ainsi davantage favorable aux groupements économiques ponctuels tels que mentionnés ci-dessus, et aux Associations Syndicales de Gestion Forestière (ASGF).

Concernant les ASGF, nous portons une attention particulière à la charte du Pays Horte-et-Tardoire en Charente. Elle prévoit la création d’ASGF en démarchant les propriétaires voisins des propriétaires ayant mis en œuvre des PSG. L’action se situe ainsi pleinement dans la recherche d’une cohérence de voisinage telle que nous la définissons. Par ailleurs, la création de l’ASGF doit se faire en relation avec le PDM, ce qui est utile pour la perception des aides permettant de réaliser des chantiers d’amélioration ou des coupes. Cette charte nous montre clairement la voie pour aménager des REAF en associant la définition d’une politique territoriale (CFT), des groupements de gestion (ASGF), des plans simples de gestion (PSG) et des moyens techniques et financiers pour mobiliser les bois et réaliser les travaux (PDM).

D’autres chartes retiennent notre attention au sujet des ASGF, notamment en ce qui concerne les moyens alloués à la création de postes dédiés à l’animation foncière forestière. C’est le cas dans le Pays du Mont-Blanc ou à Chambéry Métropole, mais aussi dans le PNR de l’Ariège. Dans ce dernier cas, la création d’ASGF ne compte pas parmi les objectifs de la charte. Elle est simplement mentionnée parmi les politiques locales auxquelles se greffe la charte. L’animation foncière forestière est alors assurée par un technicien de la Fédération Pastorale de l’Ariège, avec des fonds du Conseil Départemental, en s’inspirant du travail d’animation réalisé pour la création d’Associations Foncières Pastorales.

Dans le cas du Pays Pyrénées-Méditerranée, l’objectif concerne le développement de deux ASGF (dont l’une est principalement dédiée à la valorisation du chêne liège), qui avaient été créées dans le cadre de CFT antérieures. Cela montre d’une part que l’animation foncière suit une dynamique au long court et d’autre part l’importance de la continuité des dispositifs pour poursuivre les dynamiques entreprises.

Nous observons à travers ces quelques exemples que, concernant les regroupements de propriétaires, la tendance est favorable aux ASGF plus qu’aux Groupements Forestiers (GF). Les ASGF bénéficient localement de moyens, fournis notamment par les collectivités locales, pour leur création et leur développement. A l’inverse, les GF connaissent un déclin.

déconcentrés de l’État pour leur animation technique et administrative. Lorsque l’État s’est désengagé à la fin du XXe siècle, les GF se sont trouvés dans des situations difficiles

sur le plan administratif et technique. C’est pourquoi dans le Tarn les GF s’organisent en association de GF pour se reprendre en main. Si les ASGF bénéficient de moyens humains et financiers par les collectivités locales, que deviendront-elles si les collectivités, pareillement à l’État pour les GF, se désengageaient ? Dans quelle mesure un groupement d’agriculteurs et de propriétaires pour l’aménagement d’un Réseau Collectif AgroForestier (RCAF) peut-il fonctionner indépendamment de l’aide des collectivités ? Notre modèle théorique anticipe un désengagement progressif des collectivités en prévoyant dès la création d’associations syndicales de gestion agroforestière (ou d’autres formes de groupements) des fédérations de groupements, au niveau départemental ou régional, pour mutualiser les coûts de gestion technique et administrative.

3.4.

Faire évoluer les cadres politiques nationaux pour infléchir les