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Faire évoluer les cadres politiques nationaux pour infléchir les stratégies

Partie II : Analyse d’instruments politiques favorables au développement de

3. Les systèmes agroforestiers dans les Stratégies Locales de Développement

3.4. Faire évoluer les cadres politiques nationaux pour infléchir les stratégies

Sergent (2014) observe que les Stratégies Locales de Développement Forestiers (SLDF) constituent une « innovation de rupture » dans la politique forestière française, du fait qu’elles cherchent à « privilégier les démarches collectives [plutôt que les actions individuelles isolées], le ciblage de l’action sur des territoires à enjeux et l’adaptation des objectifs aux contingences locales [plutôt que des actions concernant l’ensemble du territoire national] » (Sergent, 2014 : 91). L’innovation se situe par conséquent dans la territorialisation de l’action publique visant à apporter des réponses spécifiques locales à des enjeux globaux (Cash et Moser, 2000). Les SLDF rejoignent en cela les politiques agro-environnementales et la Trame Verte et Bleue mentionnées plus haut qui s’inscrivent dans une démarche similaire.

Les SLDF innovent également en confiant leur maîtrise d’ouvrage à la FNCOFOR et au CRPF qui ne sont pas des administrations de l’État. Alors que depuis la promulgation du code forestier en 1827, voire l’ordonnance de Colbert en 1669, la politique forestière est une affaire d’État en lien avec les professionnels du secteur de la gestion forestière et de la transformation des bois.

Toutefois, Sergent (2014) observe qu’en pratique les SLDF restent relativement fidèles aux cadres nationaux. D’une part parce que la FNCOFOR et les CRPF dépendent étroitement des financements de l’État et, dans le cas des collectivités territoriales, ne disposent pas toujours des compétences, et sollicitent les professionnels du secteur.

Cela s’explique d’autre part par une crainte exprimée par l’État (Touzet, 1998) de voir sa politique forestière éclater sous l’effet de la dispersion de l’autorité. Cette crainte est d’autant plus vive que l’État souhaite relancer l’économie du bois et notamment développer le marché porteur du bois énergie. Ce retour de l’État dans les politiques locales s’exprime avec force dans la Loi forestière de 2010 qui instaure les Plans Pluriannuels Régionaux de Développement Forestiers (PPRDF). La politique forestière régionale et les objectifs de mobilisation des bois sont ainsi confiés au préfet de Région. Nous observons qu’en Midi-Pyrénées ou en Bretagne par exemple, les systèmes agroforestiers sont absents des PPRDF. La région Bretagne précise dans son PPRDF qu’un dispositif spécifique existe (le programme Breizh bocage). La région Midi- Pyrénées ne fait aucune référence à leur sujet. Or, comme le précise le code forestier, les SLDF doivent s’inscrire dans le cadre des PPRDF.

Cette analyse porte sur un élément marginal, généralement exclu de la politique forestière. Elle abonde néanmoins dans le sens des conclusions de Sergent (2014). Elle montre notamment que si localement des CFT font quelques entorses à la politique forestière nationale, majoritairement les CFT reproduisent les cadres nationaux. Les CFT n’intègrent pas spatialement la protection de l’environnement à la production économique concernant les systèmes agroforestiers. Il est d’ailleurs révélateur que les PDM ne concernent pas les systèmes agroforestiers. Cela souligne bien leur exclusion du champ économique forestier. Les CFT ne prévoient pas la constitution d’unité de gestion commune permettant de contrer les effets de seuils caractéristiques de l’économie forestière concernant les systèmes agroforestiers.

Une évolution des cadres nationaux visant à inclure explicitement les SAF dans la politique forestière favoriserait donc leur prise en compte dans les politiques territoriales.

Les Stratégies Locales de Développement Forestier (SLDF) tendent à reproduire les cadres nationaux de la politique forestière qui excluent les systèmes agroforestiers des objectifs de mobilisation des bois, en les cantonnant à des fonctionnalités environnementales. En effet, les Plans de Développement de Massif ne concernent pas les peuplements agroforestiers, et les Chartes Forestières de Territoires ne considèrent que de façon minoritaire leur dimension productive. Alors que les CFT ont pour objectif de mettre en place des regroupements de producteurs, cet objectif ne concerne pas les producteurs agroforestiers. Pour autant les expériences existantes en forêt fournissent des enseignements intéressants pour le développement de l’agroforesterie, notamment en articulant Charte Forestière de Territoire (CFT) pour la définition de la politique locale, Association Syndicale de Gestion Forestière (ASGF) pour la structuration des propriétaires autour de Plans Simples de Gestion (PSG) existants, et Plan de Développement de Massif (PDM) pour la réalisation concrète des travaux sylvicoles et des coupes.

Un parallèle pourrait alors être fait avec la gestion des systèmes agroforestiers. Les Projets Agro-Environnementaux (PAE) sur lesquels reposent la contractualisation de mesures visant à l’entretien ou la plantation de haies ou d’éléments arborés pourraient représenter l’équivalent des Plans de Développement de Massif, mais appliqués à la gestion des systèmes agroforestiers, dans l’objectif conjoint de répondre à des objectifs environnementaux et de fournir, à terme, des bois. Cela supposerait une évolution du discours agro-environnemental en intégrant la dimension sylvicole des peuplements agroforestiers. Ces Projets Agro-Environnementaux à visée sylvicole seraient alors potentiellement intégrés à des Chartes Forestières de Territoire plus ouvertes sur les systèmes agroforestiers, elles-mêmes incluses dans le Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE). Les systèmes agroforestiers ainsi aménagés viseraient à établir des continuités écologiques et économiques entre les massifs forestiers et les petits bois sous-valorisés dans les milieux cultivés.

Ce type de démarche reposerait alors essentiellement sur la capacité des producteurs agroforestiers à travailler en commun dans le cadre de structures de regroupements, telles des Associations Syndicales. Or, ce type d’association requiert des moyens considérables pour l’animation et la gestion technique et administrative généralement fournis par les collectivités locales. Un moyen de s’affranchir de la dépendance aux

collectivités réside dans la capacité des structures de regroupement à constituer des fédérations à l’échelle départementale ou régionale pour mutualiser les moyens techniques et administratifs.