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L’aménagement d’un réseau écologique national visant l’intégration de la

Partie II : Analyse d’instruments politiques favorables au développement de

2. Les systèmes agroforestiers dans la Trame Verte et Bleue

2.1. L’aménagement d’un réseau écologique national visant l’intégration de la

économique

La Trame Verte et Bleue (TVB) constitue un « outil d’aménagement durable du territoire » (art. R. 371-16 du code de l’environnement) ayant pour objectif « d’enrayer

la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural » (art. L. 371-1 du code de

l’environnement).

Définie comme un « réseau de continuités écologiques terrestres et aquatiques » (art. R. 371-16), la TVB doit permettre aux espèces biologiques, animales et végétales, de se déplacer, et ainsi maintenir leur capacité d’évolution dans l’espace et dans le temps. Cet enjeu est d’autant plus fort dans un contexte de changement climatique qui contraint des espèces biologiques à quitter leur habitat pour migrer et élire domicile au sein d’habitats qui leur sont davantage favorables.

Les continuités écologiques intègrent « des réservoirs de biodiversité et des corridors

écologiques » (art. R. 371-19). La Trame Verte comprend les espaces naturels jugés

importants pour la préservation de la biodiversité et les corridors écologiques permettant de relier ces espaces naturels. La Trame Bleue comprend le réseau hydrographique, les zones humides et les surfaces végétalisées associées.

Si les politiques de conservation de la nature opéraient traditionnellement une dichotomie dans la gestion de l’espace (mise sous cloche d’espace naturels remarquables versus développement de zones de croissance économique), l’aménagement d’un réseau écologique implique de « gérer l’ensemble du territoire » (Mougenot et Melin, 2000) pour prendre soin de la nature ordinaire (Mougenot, 2003). Des ponts sont établis entre écologie et aménagement du territoire (Opdam et al., 2001), en rassemblant en un même lieu des espaces de production de ressources économiques et des espaces de protection des ressources naturelles. Dans cette logique, les paysages agricoles, y compris les plus « intensifs », sont concernés par l’aménagement des réseaux

écologiques de la TVB, dans l’objectif d’intégrer les processus écologiques et la biodiversité aux logiques économiques.

Les orientations générales de la TVB sont précisées au niveau national, notamment dans le code de l’environnement, mais également dans des guides édités par le ministère en charge de l’écologie (Allag-Dhuisme et al., 2010, a, b). Dans ce cadre national, les continuités écologiques sont identifiées dans les Schémas Régionaux de Cohérence Ecologique (SRCE) élaborés conjointement par les présidents des conseils régionaux et les préfets de région, qui, sur la base d’un diagnostic du territoire régional, établissent un plan d’action. Les continuités écologiques doivent être « prises en compte » dans les documents de planification territoriale aux échelons géographiques inférieurs, notamment les Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT) et les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU). Alors que la gouvernance de cette politique semble très « descendante » impliquant que les échelons géographiques inférieurs prennent en compte les échelons supérieurs, la TVB affiche également une volonté de gouvernance « ascendante » visant à prendre en compte les démarches locales non-identifiées aux niveaux supérieurs, mais également les modifications locales des orientations régionales en vertu du principe de subsidiarité laissant une marge de manœuvre aux applications locales.

2.1.1. Lutter contre la fragmentation écologique des paysages

A travers les notions de « continuités écologiques », « corridors », « réservoirs », la TVB s’apparente à une transcription politique de concepts scientifiques issus de l’écologie du paysage. Des écologues ont développé les notions de fragmentation et de connectivité qui, à l’échelle du paysage, sont à l’origine de la notion de réseau écologique, donc de la TVB. À travers ces notions, les paysages sont considérés comme étant formés de « taches » localisées au sein d’une « matrice » (Forman et Gordon, 1986). Les taches représentent des milieux favorables à la biodiversité, milieux riches sur le plan de la diversité biologique (encore appelés « réservoirs » de biodiversité). Ces taches sont dispersées au sein d’une « matrice », occupation dominante de l’espace, plus hostile à l’épanouissement de la diversité biologique que les « taches ».

La fragmentation écologique des paysages renvoie aux conséquences de l’anthropisation des milieux biologiques se traduisant entre autres par une diminution de la taille des « taches », leur multiplication et un éloignement croissant entre les taches sous le coup, par exemple, de l’urbanisation ou des pratiques agricoles qui simplifient les paysages agraires (rotations peu diversifiées, suppression d’éléments semi-naturels). Les milieux riches en biodiversité (les « taches ») s’en trouvent fragmentés, dispersés, et leur taille s’amenuise au point de compromettre le devenir des espèces en présence, soit du fait d’une raréfaction des ressources ou des milieux nécessaires à leur développement, soit du fait d’un arrêt du brassage génétique des populations, conduisant, sur le long terme, à l’extinction des espèces.

Les écologues du paysage ont toutefois observé que dans un contexte d’habitats fragmentés, la connectivité des milieux pouvait réduire les effets néfastes de la fragmentation. En effet, « la capacité des individus d’une population de quitter une tache

pour en coloniser une autre de même type est le processus fondamental de maintien des métapopulations » (Burel et Baudry, 1999 :77). La connectivité écologique repose donc

sur la capacité des espèces à se déplacer d’une tache vers l’autre, à traverser une matrice paysagère plus ou moins hostile à leur développement en empruntant des chemins qui leur sont davantage favorables au sein de cette matrice. Ces lieux de circulation biologique prennent le nom de corridors écologiques. Il est communément admis que les corridors recouvrent trois formes distinctes : corridors linéaires, corridors en pas japonais, corridors de type paysager (Figure 8).

Les taches sont donc assimilables à des « réservoirs » de biodiversité pour un type d’élément paysager donné. Les corridors relient les taches entre elles afin d’assurer le déplacement des populations et leur maintien dans le temps. Pour les milieux forestiers, les haies situées à proximité immédiate des forêts constituent des corridors linéaires. Une dissémination de petits bois non reliés entre eux à l’échelle du paysage par des haies forment des corridors en « pas japonais » (en référence aux dalles de pierre posées de manière irrégulière mais fonctionnelle sur les chemins des jardins japonais). Pour les forêts encore, les corridors de type paysager désignent des paysages champêtres arborés, tels les bocages atlantiques ou les dehesas ibériques en Europe du sud.

Figure 8 : Les différents types de corridors (source : Allag-Dhuisme et al., 2010a))

2.1.2. Le rôle des systèmes agroforestiers dans la TVB

D’une manière générale, les systèmes agroforestiers contribuent à la conservation de la biodiversité en augmentant l’hétérogénéité écologique des paysages (Burel et Garnier, 2008 : 101-113). En introduisant des motifs paysagers divers et variés, les paysages agroforestiers présentent en effet une grande hétérogénéité écologique. Ils abritent de nombreuses espèces animales et végétales qui ne peuvent pas survivre dans les paysages agricoles classiques dépourvus d’arbres. La présence des arbres revêt une importance particulière, puisqu’elle diversifie les strates et les espèces végétales présentes au sein de l’écosystème agricole. Les arbres constituent également des zones pérennes dans des systèmes agricoles fréquemment perturbés. De ce fait, ils autorisent l’installation d’espèces qui ont besoin de cette stabilité. Les arbres multiplient ainsi les niches, les zones refuges, les sources d’alimentation, pour la faune et la flore naturelles des champs. En multipliant les strates végétales, l’agroforesterie contribue au rétablissement de chaînes alimentaires complexes, mobilisant un grand nombre d’espèces animales : herbivores, insectivores, carnivores, détritivores... Des zones naturelles d’intérêt écologique floristique et faunistique sont créées dans le feuillage des arbres (canopée), leurs troncs et leurs cavités, mais également dans les arbustes, les

arbrisseaux, les mousses, les plantes herbacées et les lianes, qui sont associés à la présence des arbres. Ainsi, les systèmes agroforestiers fournissent le gîte et le couvert à des plantes, champignons, microorganismes, mollusques, insectes, crustacés, arachnides, amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères (Ibid. ; Baudry et Jouin, 2003).

Il faut toutefois mentionner qu’il n’existe aucune espèce spécifique aux arbres des champs. Elles proviennent des bois, des landes et des prairies. La végétation des haies est souvent proche de celle des lisières forestières (Forman et Baudry, 1984). Les haies boisées sont donc d’autant plus importantes dans le maintien de la biodiversité d’un territoire que les forêts y sont peu représentées.

La TVB constitue en apparence un outil d’aménagement du territoire permettant de répondre à notre problématique en situant le développement de l’agroforesterie à la croisée des quatre champs sociaux. La TVB se décline en Schémas Régionaux de Cohérence Ecologique (SRCE). Quelle conception de l’agroforesterie ces SRCE véhiculent-ils ? Sur quel mode d’organisation de l’espace reposent-ils ? Intègrent-ils la production sylvicole des systèmes agroforestiers dans une perspective économique ? Incitent-ils au regroupement des producteurs sur un territoire donné ? Ces questions ont sous-tendu l’analyse de deux SRCE, celui du Val-de-Loire, ainsi que celui de Midi- Pyrénées qui concerne le territoire d’Auradé.

2.2.

Les systèmes agroforestiers dans le SRCE de Midi-Pyrénées