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UN REGARD SYNOPTIQUE SUR LES SPECTACLES

La troupe est choisie par le commanditaire, l’espace de jeu est déterminé, les repérages et les adaptations sont effectués par la compagnie, l’heure est fixée. Le spectacle va commencer. Mais comment rendre compte du spectacle, faire en sorte qu’on le comprenne, qu’on puisse, dans le même temps saisir ce qui se passe, connaître, par une simple lecture, ce que sont les différents comportements des acteurs et des spectateurs d’un point de vue spatial ? C’est ce que nous avons essayé de construire avec ces monographies.

Cette ambition peut entraîner sans doute l’impression d’une « tentative d’épuisement d’un lieu », à la Perec1

, pour un moment donné, quand se produit un événement de type spectacle de rue ; tentative certainement impossible de « tout » voir, de tout entendre et, de plus, de décrire2

et de consigner tous les usages et les pratiques mais aussi la dimension sensible de l’environnement3, que des espaces donnés peuvent offrir. Si les fiches construites pour relater les représentations ne peuvent et ne veulent pas « épuiser » un lieu et un événement, leur forme particulière ouvre cependant à plusieurs lectures possibles. Les monographies consistent à la fois en une narration et en une description spatiales, aussi bien de l’action artistique elle-même que des comportements du public et l’espace public est considéré aussi bien dans ses dimensions physiques que sensibles ou sociales. Chaque spectacle y est présenté sous la forme d’une monographie raisonnée en deux sections, la première présentant le lieu de la représentation, la seconde proposant un tableau synoptique. Celui-ci rend compte d’une analyse spatiale du spectacle et de la situation. Par exemple, on peut choisir de ne lire que le récit du spectacle, ou de ne suivre que les attitudes des différents protagonistes, c’est-à-dire de la troupe ou des spectateurs. On peut encore ne s’intéresser qu’aux dispositions spatiales du public par rapport à l’action artistique et observer leurs variations au cours de la représentation, par le biais de figures synthétiques.

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Perec G. ((1975) rééd. 1982). Tentative d’épuisement d’un lieu parisien. Paris : Christian Bourgois (réed. article revue Cause commune n°1), 60 p.

2

Penser / classer, comme l’a essayé également G. Perec. (1985), Paris : Hachette, 155 p.

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Comme le font les anges du film de Wim Wenders (Les ailes du désir, 1987) qui voient et entendent tout et en tout lieu et en sont dépositaires pour l’éternité. Mais s’ils peuvent capter chaque chose du monde, ils ne peuvent pas ressentir « la matière » de ce monde, ne percevant, par exemple, ni les couleurs, ni les odeurs, ni la chaleur, ne pouvant rien filtrer ou choisir des informations qui leurs parviennent, et n’éprouvant aucun sentiment particulier envers qui ou quoi que ce soit, si ce n’est une éternelle tristesse, peut-être de ne pas être humains.

De ces lectures multiples naissent autant de « parcours » qui traversent chaque spectacle et qui, ensemble, tentent de rendre lisible un événement foisonnant d’actions, de personnages, d’effets sonores, etc., et « tissent » ainsi le phénomène des actions artistiques urbaines avec un contexte. Elles témoignent d’un moment précis en un lieu particulier et doivent aider le lecteur à l’appréhender et à le comprendre, et d’une certaine façon, elles « le rapprochent de façon plus sensible de l’univers de sens décrit, lui donnent un peu de chair, fournissent un accès aux mots employés ou aux scènes vécues »4.

1. Constitution des fiches analytiques

Chaque spectacle a été observé puis consigné dans une fiche qui a permis de faire une pré-analyse en répartissant les différents éléments de l’enquête suivant diverses catégories. Les paragraphes qui suivent visent à présenter cette fiche en explicitant les différentes rubriques. Chaque fiche est constituée de deux grandes sections distinctes, l’une présentant le lieu de la représentation, l’autre détaillant la représentation elle-même.

a) Première section : l’espace de jeu

Cette section de la fiche correspond à la présentation sommaire et non exhaustive du lieu du spectacle, d’une part en temps extraordinaire (c’est-à-dire avec les représentations) et, d’autre part, en temps ordinaire. Elle doit permettre à une personne ne connaissant pas le lieu de prendre connaissance de ses caractéristiques principales et de l’installation matérielle du spectacle. Une première rubrique informe du spectacle concerné par un petit résumé et par la mention du nombre de comédiens présents.

Une seconde rubrique donne des renseignements sur le jour de l’événement, l’horaire et les conditions climatiques. Un plan permet de situer le lieu de la représentation et du parcours emprunté par le spectacle, selon les cas. Les éléments éventuellement ajoutés par les compagnies y sont repérés (par exemple un décor, l’installation d’une sonorisation, etc.). Ce plan est complété, le cas échéant, d’une description de l’installation matérielle du spectacle.

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Olivier de Sardan J.P. (1995). « La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie. » Enquête, n°1, p. 117.

Une troisième rubrique présente le même site mais en temps ordinaire. Un plan le montre libre de tout événement. Elle est accompagnée d’une description sommaire (configuration spatiale, matériaux, ambiance).

b) Deuxième section : la représentation

La seconde section de la fiche concerne le spectacle proprement dit, dans l’intégralité de sa représentation. Elle est construite à partir des observations participantes complétées par les bandes-son et les photographies et elle constitue en quelque sorte un compte-rendu spatial et sensible, le plus détaillé et exhaustif possible de l’événement artistique étudié. Cette fiche se déroule généralement sur plusieurs pages, sauf pour [04] et [06].

Cette section de la fiche est partagée en cinq colonnes distinctes qui peuvent se lire les unes par rapport aux autres ou de façon indépendante si l’on ne s’intéresse qu’à un aspect de l’action artistique au moment où elle se déroule. Le déroulement est chronologique car chaque spectacle suivi est relaté du début à la fin. Toutes les indications portées dans les différentes colonnes apparaissent donc dans l’ordre où elles se sont produites ou ont été remarquées.

Extrait du début de la deuxième section d’une fiche :

Les Bourgeois de Calais

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