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RUE POUR CHOISIR UN TERRAIN

2. Collectes documentaires

Les collectes documentaires sont photographiques, sonores ou encore des relevés urbains et architecturaux. C’est une façon de saisir et de décrire les phénomènes observés. Elles ont eu lieu en même temps que les observations, pendant les périodes de spectacles. Elles complètent les observations et constituent une véritable étape de captation, d’appréhension et de compréhension des lieux, des événements de tous ordres (spectaculaires, postures et 44 Voir pages suivantes : 2. Collectes documentaires.

45 Pour reprendre l’expression de Jean-Pierre Olivier de Sardan (1995). In « La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie. » Enquête, n°1, p. 72.

attitudes du public, effets sonores, etc.), des usages et pratiques, par les modes visuels et sonores.

a) Photographies

Des relevés photographiques sont faits en même temps que l’observation du spectacle.Ils peuvent permettre de rendre compte de la scénographie, de dispositifs particuliers liés aux actions artistiques. Ces photographies aident à garder en mémoire une trace de ce qui s’est passé et elles sont un support important pour enrichir des notes d’observation prises le plus souvent juste après les performances. Elles sont un complément indispensable aux observations.

Cela s’est parfois révélé difficile à entreprendre car il faut agir dans l’instant, sans trop se faire remarquer ni perturber le spectacle. S’il n’est pas inhabituel que des spectateurs prennent quelques photographies des spectacles, il est plus rare que l’on s’intéresse au public. C’est donc plus délicat à mettre en œuvre et quelques précautions sont donc à prendre, comme cadrer de façon à ce que les gens pensent spontanément que l’on vise le spectacle (la photographie comprend dans son cadre à la fois le public et à la fois les comédiens) ou utiliser un zoom qui permet des gros plans (sur des détails, des postures particulières) et qui passent ainsi plus inaperçus des intéressés. Nous avons toujours veillé à utiliser un appareil reflex, manuel, qui ne fait donc pas de bruits intempestifs pouvant déranger le public et les comédiens (juste le « clic-clac » du déclencheur). Le soir et la nuit, cela signifie travailler sans flash, donc avec une pellicule sensible et un temps de pause plus important. Ces contraintes fortes expliquent pourquoi peu de photos ont été prises lors de parcours car il est assez difficile de rendre le mouvement dans ces conditions ; parfois, bien que cela soit peu lisible, ou tout au moins peu compréhensible, ces photos sombres et floues ont quand même été un support de mémoire. Dans certains cas, en particulier pour « Circuit D » de Délices Dada, des photos ont été prises après le spectacle pour compléter la prise de vue déjà effectuée sur le moment. Ce spectacle se basant sur des éléments comme le mobilier urbain, les bâtiments, etc., tout existe encore et reste quasiment dans le même état, bien après la représentation. Il est donc possible de retourner sur place et de photographier, après coup et tranquillement, des éléments importants, structurants du spectacle.

b) Enregistrements sonores

Grâce à l’enregistrement sonore intégral de la plupart des spectacles46, la réécoute des bandes contribue à une retranscription la plus complète possible de ce qui s’est passé au niveau sonore, que ce soit le « texte » même du spectacle, les réactions des spectateurs, des signaux et des effets sonores, etc. Ces stimulations de la mémoire ravivent les souvenirs. Ces données sonores permettent à la fois de compléter les notes d’observations, de mieux appréhender le temps écoulé, la notion de durée mais aussi de focaliser son attention sur la dimension sonore de ces événements, en repérant les constituants de l’ambiance, du fond et des signaux sonores, en notant les variations d’intensité, en remarquant les effets sonores et les qualités acoustiques des lieux. Ces données sont parfois déjà notées lors des observations mais la réécoute systématique et méticuleuse des bandes permet alors une vérification et un affinement dans la connaissance et l’identification des phénomènes. La méthode et le matériel utilisés ont évolué entre les premières et les dernières enquêtes. Au début (pour les observations menées en D.E.A.) nous utilisions un matériel de bonne qualité mais encombrant et voyant47. L’avantage est une très bonne qualité d’enregistrement, les inconvénients sont le maniement un peu difficile et surtout une présence qui ne passe pas inaperçue. Ainsi, pour obtenir une bonne qualité, cela nécessite une place fixe et donc une limitation de l’aire d’enregistrement. De plus, la vision du micro par les spectateurs peut les faire parler ou au contraire se taire (outre le fait, pour l’enquêteur, de se faire remarquer).

Nous avons alors changé de matériel et opté pour un appareil permettant d’avoir toujours une bonne qualité d’enregistrement, mais plus petit et plus discret : un magnétophone D.A.T.48 garantissant la qualité (hors problème de connectique…) pouvant se glisser dans une grande poche ou, plus pratique encore, dans une pochette « banane » portée autour de la taille. Cet aménagement donnait la possibilité de régler, de déclencher ou encore d’arrêter l’enregistrement discrètement et de façon très maniable, sans que personne ne voie le matériel. L’autre intérêt du changement d’outils réside dans le type de microphone utilisé : une « têteartificielle », plus pratique et discrète qu’un microphone classique49. Une

46 Pas d’enregistrement pour [04], [05] et [06], incomplet pour [10].

47 Magnétophone TC-D5M Sony et microphone ECM -959V ; parfois la perche pour le micro.

48 Digital Audio Tape ; l’enregistrement est de très bonne qualité car il n’y a aucune compression du signal audio.

49 Cela se présente sous la forme d’un casque (type casque de baladeur) où l’on a remplacé les deux écouteurs par deux micros (d’aspect et de taille de micro-cravates), un de chaque côté.

petite stratégie de terrain qui nous a semblé importante est de ne pas porter le casque sur les oreilles mais autour du cou, parce qu’il peut paraître étrange à certains, ou du moins attirer l’attention, d’écouter le baladeur tout en regardant le spectacle. En plus de passer inaperçue, cette configuration est très pratique car elle libère les mains et permet de prendre des photos ou encore d’applaudir. Il faut tout de même faire attention à ce que les micros ne se trouvent pas trop exposés au vent et ne frottent pas sur les vêtements, pour ne pas parasiter l’enregistrement.

c) Relevés urbains et architecturaux

Pour connaître au mieux les espaces publics où se produisent les spectacles de rue, nous procédons à des collectes d’un genre particulier avec les relevés urbains et architecturaux. Il s’agit de regrouper toutes les données concernant la forme des lieux, la nature des bâtiments présents (habitat, commerces, etc.), etc. Cela consiste tout d’abord à récupérer des plans à une échelle permettant un niveau particulier de détails : y apparaissent alors le bâti, la voirie (chaussée, trottoirs), l’implantation des voies du tramway, la végétation, le mobilier urbain (cabines téléphoniques, fontaines, abris bus, bornes, luminaires, etc.). Ces plans sont complétés par le relevé des matériaux (revêtements de sols, façades). Ces documents sont utiles à la fois comme « mémoire » construite, physique des sites qui nous intéressent, pour s’y reporter au moment de l’analyse, mais aussi comme outils lors des observations. En effet, que ce soit en temps ordinaire comme au moment des représentations, ils constituent des fonds de plan précieux offrant un support pour noter des indications spatiales diverses : par exemple, la situation de l’aire de jeu et la localisation d’éléments de décor, d’accessoires, etc., les espaces occupés par des spectateurs ou les citadins, le tracé de parcours piétons, etc. Nous y cons ignons également l’emplacement de ou des enquêteurs (repérage des postes d’observation). Des croquis dessinés au moment des observations permettent de garder une trace la plus précise possible de ce qui a été observé et du(des) point(s) de vue tenu(s) à ces occasions.

Les collectes documentaires que nous avons faites concernent aussi bien la dimension visuelle (photographies et relevés) que la dimension sonore (enregistrements audio) des lieux et des événements étudiés. Elles sont utiles pour se souvenir de ce qui se passe, d’autant qu’il est difficile de faire attention à tout lors des observations. Cela permet donc autant de remettre ensuite en mémoire que d’offrir des documents à étudier, de retrouver que de trouver des éléments intéressant notre recherche. Les relevés aident à constituer des

documents qui servent ensuite de supports aux observations, ils sont un outil pour mener les analyses, complétant les relevés photographiques et sonores. Nous avons montré quelles contraintes guidaient en partie la façon d’effectuer ces collectes pour qu’elles n’interfèrent pas avec le bon déroulement des observations. Finalement, ces documents sont des outils précieux pour la stimulation de la mémoire et la détection d’éléments d’analyse.