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notre « regard » et de notre rapport au monde, lié aux technologies

Dans le document Cinéma, audiovisuel, son (Page 66-68)

à une époque artisanale, de l’autre, ce que la techno- logie numérique lui offre aujourd’hui.

La spatialité complexe de la miniature ottomane pourrait être étudiée de façon immersive à travers le mapping vidéo. Ce saut spatio-culturel et temporel révèlerait également la convergence des arts numé- riques et prémécaniques vers une logique de variation. À travers un processus de modélisation 3D, de construction de maquette et de projection, le mapping vidéo pourrait être utilisé afin de créer des « miniatures tridimensionnelles » et de proposer une expérience sensible d’une vision de l’espace étrangère et oubliée, mais pourtant familière. On pourrait ainsi changer notre rétine et voir à travers les yeux d’un miniaturiste ottoman, depuis un hammam du palais de Topkapi, et se promener entre les paysages trans- figurés des villes du continent eurasiatique, à l’instar de Belgrade, Budapest, Erevan et Bagdad.

Dans le cadre des réflexions actuelles sur « la recherche par le projet », cette méthodologie expéri- mentale vise à explorer une façon d’articuler la recherche scientifique et la création plastique. Allant au-delà des questions d’archivage et de statistique dans le domaine des humanités numériques, elle construit une alliance entre l’expérimentation techno - lo gique et les études historiques. Les outils de concep- tion de l’architecte comme les logiciels de modé li - sation, de simulation et d’animation, pourraient-ils alors être utilisés comme « outils de recherche » en histoire de l’art et comme « outils de médiation » en muséographie ? Mettant à l’épreuve des hypothèses spatiales, l’expérimentation par les nouveaux médias pourrait former les prémices d’une méthodologie de recherche propre à la discipline de l’architecture, et ceci notamment dans un contexte de maturation des études doctorales en France.

Cette approche expérimentale cherche à tisser de nouveaux liens entre les disciplines de l’architecture et de l’histoire de l’art, liens qui seraient en mesure de répondre aux exigences de la transition numérique afin de comprendre et repenser les sociétés du

XXIe siècle. Face au présentisme actuel engendré par la fascination technologique, elle participerait éga - lement à replacer les questionnements actuels sur l’avenir de nos villes dans une perspective historique.

Enfin, la confrontation appliquée de deux modes de représentation et la juxtaposition de deux concep- tions de l’espace appartenant à deux époques diffé- rentes nous amènent à la question suivante : la techno - logie numérique n’est-elle qu’un intermédiaire permettant d’exprimer dans l’espace les aspirations et les besoins humains qui ont toujours existé à travers l’histoire ? Ces expressions étant véritables ou illu- soires et plus manifestes à certaines périodes et en certains lieux géographiques que d’autres. Ou bien, la réalité augmentée met-elle, au contraire, l’humain dans un état de transe extatique au sein d’une constel- lation de fantasmagories numériques, pour le déta- cher définitivement de sa réalité humaine, et ainsi exalter la « société du spectacle » du situationniste

Guy Debord ? ■

Miniature représentant une vue à vol d’oiseau de Constantinople byzantine identifiable notamment par la structure en couple de la basilique Sainte-Sophie. (Traduction du recueil des clés de la numérologie, Şerif bin Seyyid Muhammed, vers 1610, Bibliothèque de l’université d’Istanbul, T6624, f.91b) Modélisation 3D de la miniature à travers un processus expérimental qui s’appuie sur la rationalisation et la déformation de l’espace.

Le programme doctoral du Fresnoy inauguré en 2011 s’adresse à ceux et celles qui souhaiteraient conjuguer à leur activité artistique une dimension spéculative. Comportant une formation théorique et méthodologique qui conduit, simultanément, à la création d’une œuvre et à une thèse brève, cette option est proposée lors de la première année du cursus aux étudiants admis au concours du Fresnoy. Plutôt que de s’inscrire dans un programme prédéfini, les thèmes de recherche émergent naturellement des projets singuliers portés par les candidats au doctorat et des propositions émises par les artistes et scienti- fiques impliqués dans cette activité. Deux doctorats en cours, dont les problématiques de recherche sont brièvement exposées ici, illustrent la diversité des propositions de recherche émises par les candidats et candidates au doctorat, tout en s’inscrivant dans le thème de ce numéro de Culture et Recherche.

Marie Lelouche1 s’intéresse aux enjeux liés aux

techniques d’enregistrement, qui sont aujourd’hui plus que jamais au cœur de l’actualité politique (sauve- garde et partage du patrimoine), de questions socié- tales (collections virtuelles personnelles) et culturelles (grande circulation de l’information). Débordant néanmoins le cadre de la conservation, ceux-ci inté- ressent également, et influencent directement, les champs de la création. Si les enregistreurs dans leur forme numérique ont déjà largement marqué des domaines comme celui de la musique ou du travail de l’image, Marie Lelouche s’interroge dans son travail de thèse sur ceux liés à l’espace et aux volumes, plus particulièrement aux « scanners 3D » qu’elle considère comme les déclencheurs d’un basculement de la sculpture dans une phase post-digitale. C’est ainsi le devenir de techniques faisant traditionnellement appel au son et à l’image en mouvement qui est ici questionné. Le doctorat est pour Marie Lelouche l’occasion de déployer cette réflexion à la fois au travers d’une écriture largement alimentée par son

expérience de terrain et d’une série d’œuvres hybrides développées à partir d’une collection de scans tridi- mensionnels : Blind Sculpture est par exemple une sculpture de « réalité mixte » perceptible par le spec- tateur grâce à sa forme physique dans l’espace, augmentée d’une autre réalité, qu’il découvre via son téléphone portable. Il s’agit plus généralement de comprendre ce qu’apporte et implique ce passage vers le post-digital en analysant ces changements afin de montrer comment la sculpture peut proposer une expérience qui traverse les différentes couches des discours de l’œuvre, offrant un voyage sensoriel scéna- risé, et d’identifier les glissements que le numérique génère pour tenter une redéfinition de l’expérience singulière procurée par la sculpture.

Vir Andrès Hera2, artiste œuvrant dans le champ

de la vidéo et de l’installation, analyse un corpus de textes et d’œuvres illustrant des aspects mytho - logiques, anthropologiques et coloniaux en s’inter - rogeant sur les rapports qui émergent entre les cosmo- gonies déployées dans ces œuvres et les découvertes scientifiques de leur époque. Il se penche en parti - culier sur des figures du XVIIe siècle qui rendent compte de ces rapports au travers de l’imaginaire qu’elles déve loppent et de la langue qu’elles utilisent et qu’en définitive elles inventent… L’une de ces figures, Anasthasius Kircher (1602-1680), un scienti- fique jésuite fasciné par la découverte de l’acoustique, imagine par exemple un orgue cosmique dont les notes correspondent aux six jours de la création du monde où apparaissent successivement la lumière, les mers, la terre et les plantes, les planètes, les animaux et l’homme. L’écrivaine mexicaine Sor Juana Ines de la Cruz (1648-1695), quant à elle, mêle à sa plume espagnole des voix indigènes et afro-créoles, témoignant au travers de ce « choc » linguistique de la naissance d’un nouveau monde. Vir Andrès Hera porte son attention sur la façon dont l’hétéroglossie, c’est-à-dire la coexistence de plusieurs langues dans 1. La thèse de Marie Lelouche est dirigée

par Anne Benichou (UQAM) et Patrick Jouin (designer). 2. La thèse de Vir Andrès Hera est dirigée par Vincent Lavoie (UQAM) et Pascal Convert (artiste).

Dans le document Cinéma, audiovisuel, son (Page 66-68)