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une décennie à la sauvegarde numérique des vastes collections qu’il conserve et concourt aux recherches sur l’histoire de ce média.

Dans le document Cinéma, audiovisuel, son (Page 90-92)

ALAIN CAROU Chef du service Vidéo, département de l’Audiovisuel, Bibliothèque nationale de France

beaucoup moins « auto-documentées » que des œuvres audiovisuelles « broadcast » comportant un générique détaillé et une explicitation de leur contexte. Souvent, elles ont été réalisées en vue d’une diffusion localisée dans le temps et dans l’espace. Le cas le plus exemplaire est celui des vidéos militantes des années 1970, souvent analogues à des tracts en ce qu’elles visent à susciter une mobilisation immédiate, mais à la différence des tracts extrêmement riches en infor- mations documentaires devenues difficiles à déchiffrer à cinquante ans de distance. Le projet « Bobines fémi- nistes », impulsé par Hélène Fleckinger (Paris-8) et Nadja Ringart, recontextualise des vidéos embléma- tiques de la période, notamment les images de mani- festations et de cortèges, en reliant des fragments de ces vidéos (une image ou un extrait) à des savoirs recueillis auprès de témoins et à des documents photo- graphiques, iconographiques, sonores contemporains. Un prototype de module d’annotation collaboratif et pluri-média a été réalisé dans le prolongement du programme CinéPol68.

Cette entreprise a néanmoins rencontré une diffi- culté de taille : en l’absence de normalisation des coor- données des fragments de vidéos annotés, il n’y avait pas d’interopérabilité possible entre les dépôts de documents numériques (Gallica par exemple) et l’outil d’annotation. Des copies de l’ensemble des documents mis en œuvre ont donc dû être déposées sur un serveur associé à l’outil, le tout formant un système en vase clos, à rebours de la logique qui devrait être celle d’une plateforme collaborative ouverte.

Fort heureusement, le standard IIIF6, destiné à

assurer l’interopérabilité des bibliothèques numé- riques, a tout récemment fait l’objet de spécifications pour les contenus audiovisuels. Le projet OPAHH- IIIF (Labex Les Passés dans le présent, 2020-2023)7,

auquel la BNF est associée, vise à développer un outil d’annotation IIIF de corpus documentaires hétéro- gènes (images fixes, images animées, sons). Le design ergonomique de cet outil sera conçu en fonction des besoins des chercheurs.ses en sciences humaines et sociales, sur la base d’une étude concrète de leurs pratiques. On peut ainsi espérer disposer, dans quelques années, des moyens d’annoter des frag-

ments de contenus vidéo numérisés présents dans Gallica8 et de les mettre en relation avec d’autres

types de documents disponibles soit dans Gallica, soit dans d’autres bibliothèques numériques ayant implémenté IIIF.

Dernière étape : la BNF a entrepris depuis trois ans de restituer au public des copies restaurées de réali - sations vidéo analogiques marquantes. Ce patrimoine a beau être jeune, il n’en a pas moins été beaucoup éprouvé par le temps. En analogique, les dégradations des supports ont pour conséquence immédiate des altérations visibles : instabilité de l’image, perte de contrastes, rayures horizontales. Pour rétablir les carac- téristiques originelles de l’image et du son sans déna- turer ceux-ci (y compris des caractéristiques souvent décrites comme des défauts techniques et qui doivent être ici appréhendées comme des caractéristiques tech- niques inhérentes à des productions de non-profes- sionnel.le.s), on utilise des outils développés pour la restauration d’images d’origine photochimique ou pour le traitement d’images nées numériques. Dans la phase actuelle où cette filière de restauration numé- rique de la vidéo analogique est jeune et a très peu d’équivalents au niveau international, chaque projet représente un cas d’école neuf et alimente une recherche en cours sur les modalités d’application des grands principes déontologiques et sur les opérations adéquates de correction du signal9. Les savoirs histo-

riques et techniques rassemblés depuis une décennie trouvent leur plus belle consécration quand, au terme d’une restauration, les images fragiles d’une vidéo noir et blanc des années 1970 se révèlent pleinement

en projection sur grand écran. ■

6. IIIF (International Image Interoperability Framework) vise à garantir l’interopérabilité des bibliothèques numériques entre elles et à donner aux usagers la possibilité de manipuler les images avec un outil de leur choix et pas nécessairement avec la visionneuse attitrée de chaque bibliothèque numérique. 7. Le projet OPAHH-IIIF (Open Picture Annotator for Heritage and Humanities with IIIF) est porté par Gilles Bertin et Claire Scopsi (CNAM – Dicen IdF), avec le concours de la BNF et des Archives nationales. 8. Aujourd’hui consultables via un système dédié, les collections audiovisuelles de la BNF sont vouées à intégrer l’écosystème Gallica dans les prochaines années, dans le cadre du projet MISAOA (2020-2023), financé par le Fonds de transformation de l’action publique.

9. Pour aller plus loin, on pourra se reporter ici à l’édition en livre numérique augmenté de notre restauration de SCUM Manifesto, de Delphine Seyrig et Carole Roussopoulos (1976). Consultable en ligne :

www.naimaunlimited.com/biblio/ scum-manifesto

SCUM Manifesto de D. Seyrig et C. Roussopoulos : à gauche, avant restauration ; à droite, après restauration.

© BNF / successions Carole Roussopoulos et Delphine Seyrig

L'un des premiers matériels vidéo portables, le Portapak Sony, est visible dans Gallica.

© BNF, département de l'Audiovisuel (collection Charles Cros) / source Gallica

Le dépôt légal garantit la possibilité, pour les géné- rations futures, d’avoir accès à l’intégralité de la mémoire télévisuelle de notre époque – un patrimoine vertigineux, si l’on pense à la quantité d’informations diffusées chaque jour par les chaînes d’information en continu. L’accroissement de la production audio- visuelle numérique représente un défi pour une insti- tution telle que l’INA qui doit assurer, avec des moyens encadrés, l’archivage et la description de flux d’images et de sons sans cesse plus importants. C’est pourquoi plusieurs chantiers de réflexion sont actuellement ouverts afin d’estimer l’apport potentiel des nouvelles technologies au traitement documentaire réalisé par les documentalistes et catalogueurs de l’institut. Initié au printemps 2019, ce travail d’expérimentation fait actuellement l’objet d’une collaboration étroite entre la direction des collections et la direction des systèmes d’information de l’INA, mobilisant des spécialistes tant des techniques informatiques que des pratiques documentaires.

Ce projet se concentre aujourd’hui sur l’utilisation de ces nouveaux outils pour l’identification des programmes aux horaires réels de diffusion – de manière fiable, précise, rapide et sur de très gros volumes de données. Il s’agit, par exemple, d’identifier automatiquement les émissions qui composent les grilles de programme des chaînes d’information en continu, de segmenter automatiquement les journaux télévisés, ou encore d’identifier la structure de maga- zines d’actualité tels que Sept à Huit ou Capital (plateaux, reportages, coupures publicitaires ou promo- tionnelles…), via l’analyse des mentions textuelles présentes à l’écran. Ces outils d’aide à la docu men tation doivent pouvoir découper rapidement le flux télévisuel – un travail chronophage et fastidieux lorsqu’il est fait à la main – pour faciliter le travail de description détaillée des contenus par les documentalistes.

Des prérequis sont essentiels à la mise en œuvre de tels chantiers d’automatisation. Le premier est la nécessité de disposer d’un grand nombre de données.

Schéma des différents outils d’analyse combinés pour automatiser l’analyse d’image. Exemple sur un plan de Pascal Praud dans L’Heure des pros (CNews, 2019).

© Olivio Segura, INA.

OLIVIO SEGURA Diplômé du master INASup « Gestion de patrimoines audiovisuels » Chef de projet, INA

L’intelligence artificielle

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