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Les équipes du département Recherche de l’INA ont mis au point un système de lecture optique qui permet de restituer les enregistrements sonores gravés sur

Dans le document Cinéma, audiovisuel, son (Page 81-84)

des disques anciens abîmés, rares ou trop fragiles pour être lus sur une platine

moderne.

permet d’obtenir des signaux de qualité satisfaisante, en particulier dans les hautes fréquences, même avec un système optique de résolution moyenne (4 microns). Nous avons pu, fin 2018, réduire les dimensions du scanner à celles d’une platine conven- tionnelle et le temps d’acquisition moyen à 30 minutes par face. Ceci a permis d’envisager de nous déplacer en vue d’élargir la gamme de disques que nous pouvions numériser.

Nous nous sommes rendus, avec ce scanner, à Hilversum (Pays-Bas), aux conférences 2019 de l’IASA (International Association of Sound and Audiovisual Archives) et au JTS (Joint Technical Symposium), et avons scanné les disques que les participants avaient apportés. En quatre journées et demie, nous avons scanné 36 faces de 21 disques différents, fournies par 9 participants venus de 7 pays. Les origines et formats étaient très divers :

• 3 disques-laque à support verre cassés, avec parties manquantes,

• 10 disques-laque noirs à support aluminium, cra - quelés, voire délaminés avec parties manquantes, certains jaunes ou décolorés,

• 1 disque-laque jaune à support carton (« lettre parlée »),

• 5 disques du commerce « shellac » des années 1920- 1940, cassés ou détruits par lectures multiples à l’aiguille,

• 1 disque en aluminium embossé « Pliaphon », • 1 disque master zinc Berliner de 1890-95.

Sur l’ensemble des disques scannés, tous ont pu être reconstruits dans les semaines suivantes, avec pour tous sauf un, un contenu au minimum intel li - gible, avec des qualités variant de « exécrable » à « acceptable » au vu de la condition du support.

Nous travaillons maintenant à accélérer les procé- dures et à reproduire le scanner en plusieurs exem- plaires de façon à rendre le procédé accessible aux archives audiovisuelles, et ainsi à leur permettre de sauver une partie de leur patrimoine qui risque d’être

irrémédiablement perdue. ■

Quelques-uns des disques scannés et relus complètement lors des conférences 2019 de l’IASA et au JTS (Hilversum, Pays-Bas).

Si la préservation des œuvres musicales écrites de notre monde occidental est une entreprise bien balisée depuis plusieurs siècles, il n’en va pas de même pour nombre d’œuvres apparues principalement après les années 1950 : celles-ci, parfois non écrites, mais surtout comportant de plus en plus souvent des aspects technologiques difficiles à décrire et à maintenir, posent de nouveaux problèmes de connaissance, technicité, compétence, et préservation sur le long terme. Le GRM (Groupe de recherches musicales) s’est fait une spécialité de ces problématiques, de par son fonds originel d’œuvres sur support (bandes magnétiques, fichiers audio) et leur migration nécessaire sur des supports numériques, mais aussi par sa participation à des projets internationaux de recherche sur la préservation à long terme des objets numériques complexes (Caspar, Gamelan, Ecrin, etc.). Enfin, des legs de plus en plus fréquents en provenance de compositeurs décédés ces dernières années illustrent avec acuité l’absence de solution courante pour ces fonds comportant une partie notable d’œuvres à caractère

technologique. Il importe pourtant de préserver ces créations, à égalité avec les œuvres musicales de tradition écrite. Le legs en cours du compositeur et chercheur Jean-Claude Risset est à ce titre emblématique. Risset était un compositeur estimé, mais également un chercheur renommé dans le domaine de la synthèse numérique (médaille d’or 1999 du CNRS). Il fut notamment l’un des pionniers de l’informatique musicale, travaillant sur les premiers ordinateurs dès 1967 aux Bell Labs aux USA, puis poursuivant ses travaux de recherche mais

aussi de composition sur des ordinateurs institutionnels (PDP, Vax) puis personnels, à l’IRCAM puis au CNRS à Marseille. L’ensemble de ses travaux est en cours d’évaluation et de catalogage.

Si nous n’avons que des supports papier traditionnels pour les vingt- cinq premières années de son activité, lesquelles comportent tous ses travaux sur Music V, car les disques souples et les disques personnels étaient peu envisageables à cette époque, nous disposons de l’ensemble de ses ordinateurs personnels et

disques externes physiques de 1991 à 2016, soit une période de vingt-cinq années. Le travail en cours consiste à figer chacun des supports numériques du fonds dans un état si possible non altéré et incorruptible, au moyen de clonages numériques puis de migrations sur des

environnements plus récents afin de pouvoir en exploiter les contenus. La réussite de la préservation de ce fonds

permettra d’envisager les legs futurs avec une connaissance plus sereine des processus à mettre en œuvre. Ce fonds est, à ce titre, emblématique des questions et difficultés que les bibliothèques musicales du monde entier vont devoir affronter et résoudre dans les années à venir.

En effet, de plus en plus de compositeurs mais aussi d’artistes de nombreuses autres disciplines légueront désormais des fonds constitués en totalité ou en partie de contenus informatiques, lesquels seront hétérogènes par nature car constitués tout au long

de leur activité créatrice, peu décrits et souvent difficilement accessibles ou exploitables au vu de l’obsolescence constitutive des nouvelles technologies. Le rôle des institutions musicales patrimoniales est de préserver ces données pour les générations futures, au même titre que toutes les œuvres musicales conservées, qu’elles soient renommées ou pas, depuis le XVIIIe siècle.

À COMPOSANTES TECHNOLOGIQUES

YANN GESLIN GRM, INA

Jean-Claude Risset, 15/02/1993

1. Conservée au FRAC Franche-Comté. 2. Conservée au musée des Sables- d’Olonne. 3. Conservée au musée national d’Art moderne.

En 2006, le C2RMF a développé un programme d’étude consacré à l’impact de l’évolution des techniques sur la conservation des œuvres contem po - raines, autrement dit à l’obsolescence technologique comme problématique conservatoire spécifique aux œuvres d’art contemporain. Sont essentiellement concernées les œuvres intégrant des sources lumi- neuses, des mouvements motorisés, des éléments audiovisuels, des données et équipements informa- tiques. Une étude initiée en 2016 sur les moniteurs à tube cathodique, aujourd’hui obsolètes, massivement utilisés dans les œuvres et installations vidéo dans les années 1970-1990, constitue un point d’entrée riche et pertinent pour aborder la conservation des éléments audiovisuels dans les œuvres contemporaines présentes dans les musées.

Les débuts de l’utilisation de l’image vidéo par les artistes remontent au milieu des années 1960. Les technologies ont évolué avec le temps mais la présence d’images et de dispositifs vidéo dans les œuvres n’a pas cessé, s’est même constamment accrue. Diverses technologies de vidéo analogiques se sont succédé avant l’avènement du numérique dans le tournant des années 1990-2000. Les appellations « vidéo analo- gique » et « vidéo numérique » ne recouvrent pas deux réalités uniques et homogènes, loin de là : les formats et les supports d’enregistrement ont varié au cours de temps, de même que les matériels de lecture et de projection.

Une rupture importante a été introduite dans le champ de la vidéo analogique dans les années 1980 avec la vidéo-projection : auparavant, la vidéo ne pouvait être restituée autrement que sur un moniteur à tube cathodique, par ailleurs couramment utilisé

pour la réception de la télévision. Il en résulte un lien culturel étroit entre l’art vidéo des premiers temps et la télévision, les artistes faisant fréquemment référence à cette dernière. L’utilisation de moniteurs à tube catho- dique a perduré au moins une décennie après l’appa- rition de la vidéo-projection et jusqu’à la géné ra li - sation des écrans plats (de différentes technologies : plasma, LCD notamment). Les moniteurs à tube catho- dique ont également été utilisés en informatique avant d’être remplacés par les écrans plats.

L’étude menée au C2RMF en collaboration avec le Fonds régional d’art contemporain (FRAC) de Franche-Comté, le musée des Sables-d’Olonne et le département des nouveaux médias du musée national d’Art moderne-Centre Georges Pompidou a permis de faire un point sur les problématiques posées en termes de conservation-restauration par les œuvres intégrant initialement des moniteurs à tube catho- dique. Les installations vidéo Becoming visible de Marina Abramovic (1992)1, et Buddha’s catacomb de

Nam June Paik (1974)2 ont fait l’objet d’études de cas

approfondies. L’œuvre de Chris Marker Zapping zone (1990-1994)3 a, quant à elle, fait l’objet d’un projet

de recherche mené conjointement par le département des nouveaux médias du Centre Pompidou et le dépar- tement recherche du C2RMF. Soutenu par la Fonda- tion des sciences du patrimoine, le projet est actuel - lement en cours.

Les moniteurs à tube cathodique sont une techno- logie d’affichage des images vidéo constituée d’un tube en verre sous vide dans lequel un canon émet un flux d’électrons dirigé par un champ électrique (formé d’une cathode et d’une anode) vers une dalle de verre couverte de photophores. Un champ magnétique

CÉCILE DAZORD Conservatrice du patrimoine Chargée de l’art contemporain au département recherche du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) de 2006 à 2019.

Technologies de l’image

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