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Chapitre 8 Analyse des liens entre méthodes de conception et processus d’intégration,

3.1 Résultats détaillés pour chaque phase de la conception

3.1.3 Reformuler les scénarios existants et formuler des exigences

Cette phase a vu les concepteurs élaborer à la fois l’application tangible de simulation et les scénarios pédagogiques. Les participants se sont principalement appuyés sur les scénarios pédagogiques existants et sur leurs objectifs didactiques pour justifier leurs choix de

conception. Ces derniers visaient à la fois l’amélioration de leurs pratiques futures et

l’adaptation de l’application tangible à leurs besoins. Des processus d’innovation technologique ont également été relevés dans cette phase, mais ils étaient principalement portés par les ergonomes. Le tableau suivant résume les caractéristiques méthodologiques et les processus de conception de cette phase.

Méthodes Processus Co-construction Caractéristiques techniques et scénarios

pédagogiques Intégration Techno

Participation Rôle d’enseignants pionniers + de référence Innovation Pratique Confrontation Démonstrateur et maquettes papier Innovation Techno Cadrage Scénarios pédagogiques existants

Tableau 15. Méthodes et des processus de conception dans la phase de reformulation des scénarios existants et de formulation d’exigences sur l’application tangible

À partir des attentes relevées vis-à-vis des tables interactives, cette phase avait pour but de reprendre les scénarios existants et de les reformuler, en élaborant en parallèle des exigences pour l’application de simulation tangible. Elle présente ainsi des similitudes avec les techniques de conception basées sur des scénarios (Carrol, 2000 ; Rosson & Carrol, 2002). Cependant, dans notre cas, les scénarios pédagogiques n’étaient pas figés : leur adaptation allait de pair avec la conception de l’artefact pour transformer l’activité des enseignants concepteurs. En effet, entre les réunions de cette phase, des scénarios intermédiaires ont été rédigés par les membres du GT ainsi que des story-boards par les ergonomes. Ils servaient de support de conception du couple artefact-scénarios, au même titre que le démonstrateur tangible et des maquettes papiers. Ces caractéristiques méthodologiques ont selon nous participé à la génération puis à l’évolution d’exigences concernant les dimensions prescriptives, physiques et, dans une moindre mesure, interactionnelles, synthétisées dans la figure 36.

Figure 36. Dimensions des choix de conception dans la phase de reformulation des scénarios pédagogiques et de formulation des exigences initiales sur l’application tangible

0 2 4 6 8 10 12

Prescriptive Interactionnelle Physique Dimension

Projection 2 Modélisation 12 Source 7

Les exigences physiques portaient en majorité sur la représentation de deux niveaux de

modélisation : l’un en lien avec le modèle du rayon lumineux et l’autre, nouveau, créé

spécifiquement pour l’application tangible de simulation, dans un processus d’innovation.

Ce niveau permet d’afficher des spectres entre les schémas des éléments du modèle, comme l’illustre le verbatim 5.

[Verbatim 5] Transformation d’exigence physique concernant la modélisation : la représentation du modèle RGB doit être remplacée par une représentation avec un spectre contenu dans une fenêtre sur la flèche représentant le trajet de la lumière

[ENS 2] : Est-ce que ça serait intéressant d’avoir une flèche plus épaisse, et que cette flèche apparaisse blanche ? Avec dedans un joli spectre de la lumière blanche, un arc-en-ciel, et puis ici (après réflexion sur l’objet rouge) une lumière qui n’ait que les rayons rouges.

[DIDACT] : Moi je verrais bien deux choses : [le niveau] « Lumière blanche » et puis ça (la flèche), du coup ça ferait un autre niveau. Ça montrerait de quoi est composée la lumière blanche ; la lumière blanche c’est ça (spectre de toutes les couleurs). Je trouve que c’est bien pour montrer les couleurs

proches du rouge. [... ] Et là du coup c’est le niveau intermédiaire dont on a besoin avant le modèle.

[... ]

[ENS 2] : Parce que ça me plaît énormément, les élèves ils voient bien le truc, enfin j’ai l’impression.

[DIDACT] : Du coup ça peut être le niveau qui permettrait de passer à ça ensuite (au vrai modèle théorique) ?

Des exigences prescriptives visaient à améliorer les scénarios existants relativement à

l’élaboration de l’application tangible de simulation. Ces scénarios étaient alors mobilisés en tant que support pour guider la conception, ce qui a conduit à traiter chaque TP-cours de la séquence l’un après l’autre pour réfléchir à des améliorations possibles. Celles-ci ont porté sur le discours de l’enseignant, sur la gestion du cours et sur le déroulement des TP-cours avec les nouveaux contenus disciplinaires disponibles. Le verbatim 6 illustre ce dernier cas, par exemple en abordant des notions plus tôt dans la séquence pour que les élèves se l’approprient davantage.

[Verbatim 6] Transformation d’exigence prescriptive : l’introduction du modèle doit se faire dans le TP-cours n° 2 et plus dans le n ° 3

[DIDACT] : Ça c’est le spectre. Et puis il s’étend et puis quand il passe derrière l’objet transparent… [ENS 2] : En réalité on est en train de parler de l’activité 3 parce que cette activité3 en fait introduit un modèle et c’est vrai que ce modèle, c’est ce qui nous posait problème jusqu’à présent.

[DIDACT] : Et que finalement, là le modèle il est plus introduit à l’activité 3, mais à l’activité 2 avec le spectroscope et du coup il est réutilisé à l’activité 3, ce qui est mieux.

Inversement, des exigences physiques ont été générées à partir des scénarios existants, en vue

d’adapter l’application tangible aux pratiques existantes. Le verbatim 7 montre par exemple comment l’étape « pour aller plus loin » des scénarios pédagogiques existants a conduit à l’ajout d’une source « néon » dans la simulation sur table interactive.

[Verbatim 7] Génération d’une exigence physique : ajouter une source « néon » dans la simulation suite à une modification du scénario du TP-cours 2, dans la partie « pour aller plus loin »

[ENS 1] : Moi dans le « pour aller plus loin », je les ferais observer une source de lumière artificielle pour qu’ils comprennent qu’il y a des différences, mais que l’œil ne les voit pas. [... ] [DIDACT] : Alors « pour aller plus loin » on peut mettre d’autres objets [sources lumineuses].

[ENS 2] : Du coup dans l’histoire, il faudrait rajouter un tube néon qui serait une source qui enverrait de la lumière sous forme de raies spectrales.

Ainsi, le fait de s’être appuyé sur les scénarios existants a mis l’accent sur les besoins actuels des participants en termes d’invariants, p. ex. la structure de la démarche d’investigation ou les contenus à enseigner. Le fait que la majorité des justifications renvoient à des connaissances de type PCK et, dans une moindre mesure, CK appuie ce constat (cf. Figure 37).

Figure 37. Connaissances mobilisées dans la phase de reformulation des scénarios pédagogiques et formulation d’exigences techniques

Comme le verbatim 7, un grand nombre d’exigences physiques visait à tenir compte de ces

besoins pour favoriser l’innovation dans les pratiques enseignantes, en raisonnant par

analogie. En effet, les enseignants faisaient déjà observer le néon aux élèves, sans table

interactive, mais avec des résultats mitigés en termes d’apprentissage. Les participants ont donc proposé d’ajouter d’un néon dans les sources tangibles, pour cette étape, en faisant

l’hypothèse que la simulation cela améliorerait l’apprentissage.

Les verbatim 6 et 7 ont ainsi montré que des exigences de dimensions différentes ont parfois évolué en parallèle, ce qui montre que si la prescription pouvait être une ressource pour la conception d’un artefact, la technologie jouait un rôle similaire pour la transformation de la pratique de l’enseignant. Dans les phases suivantes cependant, l’articulation entre les différentes dimensions était moins marquée. Cette dynamique met en avant l’intérêt de la

méthode de co-conception du système technique et des pratiques enseignantes pour les

processus d’intégration et d’innovation relevés dans cette phase. 0 5 10 15 20 25 CK PK TK PCK TPK TCK TPACK T* K T* PK T* C K T* PAC K Projection -connaissances 4 Modélisation -connaissances 35 Source -connaissances 17

Par ailleurs, les exigences interactionnelles abordaient les manipulations possibles d’un

utilisateur en exploitant le potentiel technologique des tables interactives, décrit par les

ergonomes, par exemple pour passer d’un type de modélisation à un autre (verbatim 8) :

[Verbatim 8] Génération de spécification interactionnelle et physique : le modèle doit s’afficher en découpant l’écran par interactions tactiles et en changeant l’échelle de la simulation pour qu’elle apparaisse en parallèle du modèle

[ERGO 2] : On peut faire quelque chose qui rétrécit l’échelle de l’image, et vu qu’il ne reste que les trucs virtuels, on peut réduire la fenêtre dans l’écran

[ENS 2] : Ce que tu viens de dire (s’adresse à [ERGO 2]), ça vient de me donner une idée, on pourrait faire comme ça, là-dessus il y aurait le fameux dessin et puis on met son doigt ici et son doigt ici (dans les deux coins gauches) et hop ça réduit la taille de ça (les images des objets tangibles). Et ça ouvre une deuxième fenêtre, avec la taille des images d’objets réduisant, ça fait grossir une sorte de modèle

ici (dans la nouvelle fenêtre). [... ]

[ERGO 2] : Oui justement c’était pour ne pas les perdre (les élèves) puisque tu disais qu’ils auraient peut-être du mal à comprendre…

[ENS 2] : Oui je trouve ça très bien en fait.

[DIDACT] : Ouais c’est ça, on pourrait les mettre n’importe où après (les objets tangibles avant de les enlever pour laisser les images). On met un doigt de chaque côté ici et hop ça réduit la taille de ça, et ça ouvre un modèle qui soit dans la même orientation. Je pense que ça serait pas mal comme ça.

Dans cet exemple, l’activité des élèves (renvoyant à des connaissances de type PCK) a été évoquée, concernant notamment leur compréhension des phénomènes physiques étudiés ou des niveaux de représentations proposées dans l’application tangible. Les exigences de ce type

faisaient principalement référence à un processus d’adaptation de l’application pour

favoriser la compréhension des nouveaux contenus affichés dans la simulation. Par ailleurs, des processus d’innovation technologique ont également été relevés. Ils étaient cependant principalement portés par les ergonomes lorsqu’ils proposaient d’exploiter le potentiel technique des tables interactives ou proposaient des solutions (verbatim 8) en les illustrant avec le démonstrateur ou des maquettes papier.

En résumé, la figure suivante résume nos propos relatifs aux principaux processus en jeu dans

cette phase, à savoir l’innovation dans les pratiques enseignantes et l’intégration de

l’application tangible dans celles-ci et, dans une moindre mesure, l’innovation technologique en exploitant le potentiel des tables interactives.

Figure 38. Processus engagés dans la phase de reformulation des scénarios pédagogiques et de formulation d’exigences techniques