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Chapitre 8 Analyse des liens entre méthodes de conception et processus d’intégration,

3.1 Résultats détaillés pour chaque phase de la conception

3.1.8 Mettre en œuvre des solutions en situation réelle

Cette phase était centrée sur la confrontation au réel des résultats de l’activité des concepteurs lors des deux sessions d’expérimentations en classe. Les échanges avec les enseignants pionniers ont permis d’évaluer des choix de conception antérieurs et d’en transformer ou d’en générer d’autres, relatif aussi bien à l’application tangible qu’aux scénarios pédagogiques. En tenant compte de l’activité d’apprentissage des élèves, les choix de conception formulés

visaient principalement à mieux adapter l’application tangible ou à améliorer ses usages

par rapport à ce qui était prévu dans les scénarios pédagogiques. Le tableau suivant résume ce bilan.

Méthodes Processus

Co-construction Caractéristiques techniques et scénarios

pédagogiques Intégration Techno

Participation Rôle d’enseignants pionniers + implication

des élèves Innovation Pratique

Confrontation Mise en œuvre en situation réelle Cadrage

Tableau 20. Méthodes et processus dans la phase d’expérimentation en classe

Les 12 choix de conception relevés dans cette phase se distinguent de ceux des autres phases, 0 1 2 3 4 5 CK PK TK PCK TPK TCK TPACK T* K T* PK T* C K T* PAC K Projection -connaissances 4 Modélisation -connaissances 0 Source -connaissances 4

l’application de simulation tangible. Au cours de ces entretiens, l’enseignant pionnier revenait sur la mise en œuvre des solutions de conception en situation réelle, avec des élèves, sans que l’enseignante-chercheure en didactique ne soit leur intermédiaire. Cela a permis de proposer des modifications et d’évaluer des hypothèses de conception antérieures concernant à la fois les dimensions physiques et prescriptives cf. Figure 50).

Figure 50. Dimensions des choix de conception dans la phase d’expérimentation en classe

En premier lieu, l’implication des élèves a permis d’enrichir le processus de conception global. Des évaluations positives concernant l’activité des élèves ont par exemple validé

l’intérêt de faire intervenir un élève sur l’application tangible devant la classe dans la

réponse de la classe, ce qui était difficile en situation d’enseignement habituel

(verbatim 18).

[Verbatim 18] Évaluation de solution prescriptive lors des expérimentations en classes : sur l’intervention d’un élève sur l’application tangible pendant la réponse de la classe

[ERGO 2] : À un moment tu as fait intervenir un élève dans la réponse de la classe [en projetant au tableau]… […]

[ENS 2] : C’était bien hier, mais aujourd’hui je n’ai pas su faire. Tu as vu ?

[ERGO 2] : Oui hier c’était très dynamique, il y avait un élève qui manipulait et tu interagissais avec le reste des élèves. Alors qu’aujourd’hui tu interrogeais seulement l’élève qui manipulait les objets tangibles.

[ENS 2] : Oui je suis d’accord, mais aujourd’hui je n’ai pas su faire. [ERGO 2] : Et tu penses que ça vaut le coup ou que c’est gadget ? [ENS 2] : Non c’était très bien ce qui s’est passé hier.

Cependant, cet exemple montre que l’activité de l’enseignant pionnier n’était pas stabilisée. Il devait encore s’approprier l’application tangible pour bénéficier pleinement des usages anticipés en réunion ou pour en proposer de nouveaux. Malgré ce manque d’appropriation, cet exemple montre que les expérimentations en classe ont néanmoins permis de valider ou de rejeter certaines hypothèses de conception. Les enseignants pionniers s’appuyaient pour cela principalement sur leur expérience immédiate avec les tables interactives et les scénarios

0 1 2 3 4 5 6

Prescriptive Interactionnelle Physique Dimension

Projection 3 Modélisation 6 Source 3

pédagogiques reformulés, ce qui correspond à des connaissances de type T*PACK. C’est pourquoi ces dernières étaient prépondérantes dans les justifications des choix de conception (cf. Figure 51)

Figure 51. Connaissances mobilisées dans la phase de mise en œuvre de la solution en situation réelle

Lorsqu’une hypothèse n’était pas validée, des solutions alternatives étaient proposées, de la part de l’enseignant pionnier ou de l’ergonome. Par exemple dans le cas du verbatim 19, l’enseignant a constaté des manipulations non prévues de la part des élèves, en contradiction avec les objectifs de l’enseignant (c.-à-d. ne pas observer directement le soleil). Celui-ci a donc proposé d’ajouter un message textuel pour guider l’activité des élèves.

[Verbatim 19] Génération de spécification physique concernant la source lumineuse lors des expérimentations en classes : ajouter un message lorsque le spectroscope est dirigé directement vers l’image du soleil : « Attention il ne faut pas regarder directement le soleil »

[ENS 2] : Tu sais dans la représentation du ciel, il y a un soleil. Des élèves ont tourné le soleil pour le mettre pile en face du spectroscope.

[ERGO 2] : Alors que tu leur précisais de ne pas observer directement le soleil ?

[ENS 2] : Oui, alors je sais ce qu’on pourrait faire : On pourrait afficher un message « attention il ne faut pas regarder directement le soleil ». Parce que ça ne doit pas être compliqué à programmer.

Dans d’autres cas, le rejet d’une hypothèse n’entraînait pas la proposition d’une solution. Ainsi, les objets tangibles génériques ont été abandonnés, car leur utilisation posait des difficultés à l’enseignant dans la gestion de l’avancement de son cours. Il en a donc conclu que ces types d’objets tangibles n’étaient pas adaptés à une utilisation par les élèves. Ce

résultat peut être vu comme une forme d’apprentissage, sur l’articulation entre l’interface

tangible et la pratique enseignante, rendue possible par la confrontation au réel, et surtout à l’activité des élèves.

0 2 4 6 8 10 12 CK PK TK PCK TPK TCK TPACK T* K T* PK T* C K T* PAC K Projection -connaissances 3 Modélisation -connaissances 8 Source - connaissances 8

En outre, l’ergonome s’est appuyé sur ses observations pour proposer des modifications de

l’application tangible afin d’enrichir le contenu du cours, comme dans l’exemple suivant

sur l’ajout d’une bougie parmi les sources simulables (verbatim 20).

[Verbatim 20] Transformation de spécification physique : ajouter une source tangible bougie [ERGO 2] : Dans la correction des exercices aujourd’hui, tu as donné l’exemple d’une bougie

demandant quel était son spectre. Est-ce que ça t’intéresserait d’avoir une bougie parmi les sources lumineuses déjà disponibles ?

[ENS 2] : J’en ai rêvé !

[ERGO 2] : Ça permettrait d’utiliser la table pour illustrer d’autres parties du cours.

L’enseignant a également été force de proposition pour modifier les scénarios pédagogiques, avec en particulier la proposition d’utiliser l’application dans l’évaluation de fin de séquence (verbatim 21) :

[Verbatim 21] Génération d’attente : utiliser l’application tangible avec la modélisation dans la phase d’évaluation

[ENS 2] : Ça serait intéressant de faire l’évaluation notée avec l’application tangible.

[ERGO 2] : C’est vrai qu’on ne sait pas s’ils manipulent tous finalement. Est-ce qu’ils sont tous capables de refaire une simulation ?

[ENS 2] : Oui on pourrait voir ça dans l’évaluation.

Ces deux exemples peuvent être considérés comme des formes de conception dans l’usage (médiatisée par l’ergonome), car les sujets sur lesquels ils portent n’avaient jamais été en réunion de conception. Ainsi, la confrontation à la nouvelle technologie en situation réelle a permis à l’enseignant pionnier d’explorer les possibilités qu’elle pouvait offrir, en vue

d’améliorer son enseignement. Cela explique la prédominance des processus d’innovation dans les hypothèses formulées (cf. Figure 52).

Figure 52. Processus engagés dans la phase d’expérimentation en classe