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1. PROBLÈME DU REDOUBLEMENT SCOLAIRE ET CONTEXTE DE L’ÉTUDE

1.6 Redoublement et abandon scolaires

L’abandon scolaire est défini comme une situation qui se caractérise par un arrêt définitif du parcours scolaire. Dans le cas du décrochage scolaire, l’élève peut revenir aux études après un arrêt temporaire (Gouvernement du Québec, 2008, In Perreault, 2012).

L’abandon scolaire au post-primaire, s’illustre au Burkina Faso à travers un arrêt définitif effectué par l’élève dans l’une des quatre classes de ce niveau éducatif, avant l’obtention du diplôme de fin d’enseignement de base. Ce diplôme peut être le BEPC pour l’enseignement général ou le CAP pour l’enseignement technique et professionnel.

De nombreux résultats de recherche établissent une association positive entre le redoublement et l’abandon scolaires dans les contextes éducatifs américain, européen et africain.

Labé (2011) rappelle les études de Grissom (1988) et Grissom et Shepard (1989), effectuées aux États-Unis d’Amérique et basées sur des preuves empiriques (données traitées à partir de modèles de régressions multiples et d’analyses causales), qui confirment les résultats d’études précédentes et permettent de dégager des conclusions solides.

Les élèves qui ont abandonné l'école avant d'obtenir leurs diplômes sont cinq fois plus susceptibles d'avoir redoublé un grade que les élèves diplômés du secondaire, et un élève qui redouble l’une ou l'autre des deux premières années a seulement 20 % de chance d’être diplômé. (Grissom et Shepard, 1989, p. 36, In Labé, 2011, p.39)

La relation entre le redoublement et l’abandon scolaires est également établie par certaines recherches en Europe. L’étude de Troncin (2005) est une contribution empirique sur la question du redoublement s’articulant autour d’un suivi longitudinal sur deux ans d’une cohorte de plus de trois mille élèves scolarisés au cours préparatoire dans des écoles publiques du département de la Côte d’or (France). L’auteur indique qu’un redoublant de la classe de sixième (première année d’étude du collège), sur cinq sera concerné par une sortie sans qualification à l’issue de l’enseignement secondaire tandis

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que près d’un redoublant sur trois de cette première classe de collège n’obtiendra aucun diplôme.

Dans le contexte africain, l’étude de Mingat et Sosale (2000), porte sur les rapports qui peuvent exister entre les redoublements, l’apprentissage des élèves, et le passage d’une classe à l’autre à l’école primaire en Afrique Subsaharienne. Les auteurs se basent sur des données à l’échelle individuelle des pays aussi bien qu’à un niveau global comparatif international. Ils démontrent que le redoublement de classe comporte un effet indirect moins connu, lié à l’abandon des élèves avant qu’ils n’aient atteint la fin du cycle primaire. Les études longitudinales d’élèves sur une période de trois années scolaires consécutives, menées par Behagel, Coustère et Lepla (2000) au Sénégal et en Côte d’Ivoire sont citées par les deux auteurs en guise d’illustration. Ces résultats montrent que la probabilité des abandons après la première année dépend à la fois du niveau d’apprentissage de l’élève, mais aussi du fait qu’on lui ait demandé de redoubler à la fin de la première année d’observation. Toutefois, c’est la décision du redoublement qui se révèle réellement importante, car elle conduit à une augmentation d’environ 11 % de la proportion des élèves qui abandonnent.

Eisemon (1997) relativise cependant l’association positive du redoublement à l’abandon scolaire en indiquant que les taux de redoublement élevés n’expliquent pas complètement l’abandon scolaire. Et au titre des autres facteurs susceptibles de prédire l’abandon scolaire dans les pays en développement, Labé (2011) évoque les facteurs économiques (considérant qu’au niveau de plusieurs familles le phénomène du travail des enfants est prépondérant) et les facteurs linguistiques (surtout pendant les premières années de scolarisation).

Un autre résultat pertinent est la relation établie dans la documentation scientifique entre la réduction des taux de redoublement dans un niveau d’étude et l’augmentation de la rétention scolaire dans ledit niveau.

En 2008, Ndaruhutse (cité par Labé, Ibid.) a mis en évidence le fait que la diminution des redoublements et des abandons scolaires conduisait à l’augmentation de la rétention scolaire c’est-à-dire au maintien des élèves dans le système éducatif en Afrique subsaharienne.

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Mingat et Sosale (2000), présentent des résultats d’analyses de régression utilisant des données de comparaison internationales de la première moitié des années 90 dans 48 pays à faible revenu et montrent un impact négatif du taux de redoublement sur le taux de rétention. Ce taux exerce l’influence la plus forte parmi les trois variables explicatives du modèle (représentant à elle seule 18 % de la variance). Son coefficient y est très significatif sur le plan statistique et sa valeur numérique (0,77) montre qu’en moyenne, une augmentation de 1 % du taux de redoublement implique une réduction de 0,77 % du taux de rétention. Un résultat selon les auteurs qui est d’une portée concrète assez grande, car il suggère par exemple que pour un pays francophone comme le Burkina Faso, si on réduisait la proportion de redoublants de 24 à 10 %, ceci pourrait entraîner une augmentation du taux de rétention de 65 à 76 %, soit un gain de 11 points (0,77 [24-10]).

Les résultats de ces études semblent indiquer que l’amélioration de la rétention scolaire des pays d’Afrique subsaharienne passe nécessairement par la réduction des taux de redoublement et d’abandon scolaire.

Cette relation nous semble potentiellement importante dans le cadre de notre étude. En effet, nous pensons que les taux élevés de redoublement au post-primaire examiné en supra, constituent un obstacle à la réalisation de la scolarisation obligatoire du fait de la faible rétention scolaire qu’ils entrainent dans ce niveau d’étude d’une part, et d’autre part, aux abandons scolaires qui en résulte.

Le récapitulatif effectué par Labé (2011) sur la relation dialectique entre le redoublement, le retard et l’abandon scolaires nous semble par conséquent très pertinent :

Il se dégage de ces résultats d’études empiriques que le redoublement crée le retard scolaire et accentue l’abandon scolaire. Davantage d’abandons scolaires surviendraient lorsque le supplément de temps, de persévérance ou de dépenses (subséquent notamment aux redoublements), devient prohibitif au regard des résultats attendus (apprentissage, progression par grade, perspectives futures d’accès au marché de l’emploi). (p. 42- 43)

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