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1. PRÉSENTATION DES CONSTRUITS

1.1 Représentations sociales

1.1.2 Caractéristiques et fonctions des RS

1.1.2.1 Caractéristiques des RS

La documentation scientifique examinée (Fisher, 1996;Mannoni, 2012; Marková, 2000) suggère quelques caractéristiques générales de la RS dont certaines se rapportent à sa structuration et d’autres à son contenu.

Sur le plan de la structuration :

En tant que processus, il s’agit d’abord de la « transformation sociale d’une réalité en un objet de connaissance qui, elle, est aussi sociale » (Fisher, 1996, p. 125). L’auteur explique que loin d’être une restitution intégrale des données matérielles, la RS apparait comme une sélection, une distorsion de celles-ci en fonction de la position occupée par les individus dans une situation sociale donnée et des relations entretenues avec autrui.

Cette caractéristique apparait d’ailleurs selon l’auteur comme un remodelage social étant entendu qu’il n’est plus question de vérité objective transmise par des informations, mais plutôt de véracité sociale. « La représentation apparait ainsi comme une élaboration sociodynamique de la réalité et se présente, à ce niveau, comme la reprise et l’intériorisation des modèles culturels et des idéologies dominantes en œuvre dans une société » (Ibid., p. 127).

Dans le même sens, Mannoni (2012) indique la mise en avant de la congruence psychologique par rapport à la cohérence logique et celle de la congruence psychologique par rapport à l’efficacité théorico-scientifique. La constance des RS, d’après cet auteur semble résider dans une pensée plus spontanée et plus naturelle que la pensée philosophique ou scientifique, et qui vivrait son rapport au monde sans souci d’exactitude ou de conformité (Ibid.). « La réalité n’est pas ce qu’elle est, mais ce qu’elles en font et c’est avec une superbe désinvolture qu’elles s’écartent de la connaissance vraie » (Ibid., p.4).

Ensuite, la dimension relationnelle du processus à l’intérieur de laquelle se construit la RS est rapportée par Fischer (1996), puisqu’il s’agit selon cet auteur d’une opération mentale qui se joue en fonction de la situation d’une personne, d’un groupe, d’une institution, d’une catégorie sociale par rapport à celle d’une autre personne, groupe

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ou catégorie sociale. Une dimension relationnelle, décrite par Marková (2000) à travers sa théorie des RS et de la communication qui amène au centre de l'attention l'interdépendance dynamique entre les diverses approches socioculturelles de la pensée, de la communication et de l’action, et leur transformation grâce aux activités des individus et des groupes. Ce qui entraine par conséquent selon cet auteur des phénomènes qui ont une double orientation. Il s’agit d’une part, de leur ancrage dans la culture et l'histoire ; ce qui leur confère une tendance à la stabilité et, d’autre part, le fait que ces phénomènes vivent à travers des activités, des tensions et des conflits de groupes et d'individus.

Enfin, sur le plan de la structuration, Fischer (Ibid.) indique le travail de naturalisation de la réalité sociale opéré par la RS, vu que celle-ci procède à une présentation revue et corrigée de la réalité en l’allégeant du caractère ambigu et pesant qu’elle comporte pour le sujet.

Sur le plan du contenu

Fischer (Ibid.) souligne d’abord une caractéristique sociocognitive de la RS qui renvoie à un ensemble d’informations sociales, relatives à un objet social, qui peuvent être plus ou moins variées, plus ou moins stéréotypées, plus ou moins riches (Ibid.).

L’auteur fait référence au constat de Moscovici (1969) portant sur la représentation sociale de la psychanalyse en vue d’illustrer son propos. Celui-ci avait observé que les ouvriers interrogés ne possédaient qu’une faible information sur ce qu’elle était, à la différence des classes moyennes et des professions libérales qui disposaient d’informations plus nombreuses et plus précises.

Ensuite, les caractères significatifs et symboliques du contenu de la RS sont évoqués par Fischer (Ibid.). À propos du caractère significatif, l’auteur fait référence au rapport figure/sens qui exprime une correspondance entre ces deux pôles ; le caractère significatif n’étant jamais indépendant de son caractère figuratif. Quant au caractère symbolique, lié au précédent, l’auteur explique que le symbole constitue un élément de la RS, « dans la mesure où d’une part, l’objet présent désigne ce qui est absent de nos perceptions immédiates et, d’autre part, ce qui est absent prend signification en

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s’appuyant sur lui et en lui conférant des qualités qui l’investissent de sens » (Ibid., p. 127).

D’autres types de caractéristiques des RS sont décrits dans la documentation scientifique (Blin, 1997; Jodelet, 2003; Mannoni, 2012; Bihan-Poudec, 2013).

Blin (1997) évoque la difficulté de parvenir à une définition commune à tous les auteurs due à la position de “ carrefour disciplinaire ” du concept.

Pour sa part, Mannoni (2012), explique cette difficulté par le fait que les RS sont présentes dans la vie mentale quotidienne des individus aussi bien que des groupes et sont constitutives de la pensée. Par conséquent, les difficultés de parvenir à un consensus définitionnel se rapportent d’après lui à leurs limites, leurs contours, l’étendue du champ social concerné, aux référents culturels évoqués explicitement ou implicitement, aux mécanismes intrapsychiques conscients et inconscients impliqués, aux pratiques sociales et aux processus psychologiques à l’œuvre, aux cadres institutionnels ou simplement sociaux intéressés (Ibid.)

Outre les arguments susmentionnés, Bihan-Poudec (2013) indique trois autres raisons empêchant de disposer d’une définition commune : i) l’accent mis sur l’une ou l’autre de ses propriétés (communication, structure, liens avec les rapports sociaux) en fonction de la perspective adoptée par tel ou tel chercheur ; ii) la présence de notions connexes : attitudes, valeurs, opinions, stéréotypes sociaux ; iii) le caractère non homogène du champ d’études des RS. En effet, d’une part, il y a la Théorie du noyau central avec l’École d’Aix-en-Provence au niveau francophone (Abric, Flament, Moliner, Guimelli et Rouquette), et d’autre part, l’approche de l’École de Genève avec l’attention portée aux processus d’objectivation et d’ancrage, avec comme chef de file Doise, etc. (Ibid.).

Jodelet (2003) rapporte le caractère transversal du traitement psychosociologique de la notion de RS qui interpelle et articule divers champs de recherche. L’auteure indique aussi, une certaine complexité de la notion au regard des phénomènes qu’elle permet d’aborder dans son traitement, mais aussi au plan définitionnel comme précédemment souligné.

Au terme de la description des caractéristiques spécifiques aux RS, quelques constats sont notables. Il s’agit de :

82 - Leur centration sur la transformation sociale d’une réalité en un objet de connaissance qui, elle, est aussi sociale ; le privilège qu’elles accordent à la congruence psychologique par rapport à la cohérence logique et celle de la congruence psychologique par rapport à l’efficacité théorico-scientifique ;

- la mise en évidence de la dimension relationnelle du processus à l’intérieur de laquelle se construit la RS ;

- le processus de naturalisation de la réalité sociale qu’elles mettent en œuvre ;

- les dimensions à la fois sociocognitive, significative et symbolique de leur

- contenu ;

- leurs caractéristiques à la fois transversal, complexe et la difficulté de parvenir une définition commune les concernant due à leur position de “ carrefour disciplinaire ”.

Quelques-unes de ces caractéristiques nous serviront dans l’interprétation et la discussion de nos résultats. Une démarche qui est du reste suggérée par Marková (2000), qui privilégie l’analyse des caractéristiques au regard de la multiplicité et des variations se rapportant à la définition de la RS.