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3.3 Étude sur alliages synthétiques

3.3.3 Redistribution du carbone

Les observations précédentes supposent des modifications microstructurales et thermochi- miques au cours du traitement de nitruration afin d’expliquer les évolutions de contraintes rési- duelles, notamment entre 10 et 100 h de traitement à 550 ˚C. Ces modifications sont en relation avec la redistribution des atomes d’azote et de carbone au cours du traitement, comme dans l’exemple de la précipitation de cémentite et de nitrures de fer aux joints de grains. Les analyses en microsonde à balayage n’ont indiqué aucune variation de concentration en azote notable au cours du traitement. Aussi ces analyses par microsonde à balayage étant locales, elles sont sen- sibles à la ségrégation du carbone aux joints de grains de la couche de diffusion. Aucune tendance convenable en fonction de la profondeur ne peut être obtenue. Des analyses par spectroscopie à décharges électroluminescentes ont donc été réalisées sur la nuance Fe3CrC nitrurée 10 et 100 h à 550 ˚C.

Les résultats de la figure 3.39 confirment une importante redistribution des atomes de car- bones au sein de la surface nitrurée mais aussi en fonction du temps de traitement. Les profils de carbone se caractérisent par une décarburation en proche surface au voisinage de l’interface entre les couches de combinaison et de diffusion, ainsi que par un enrichissement en avant du front de diffusion.

Fig. 3.39 – Profils de concentration en azote et carbone obtenus par spectroscopie à décharges électroluminescentes dans le cas de la nuance Fe-2,93%m.Cr-0,354%m.C nitrurée 10 et 100 h à 550 ˚C.

La figure 3.40 donne des résultats de calculs thermodynamiques réalisés avec Thermo-Calc à partir de ces profils expérimentaux. Une importante évolution de la précipitation de cémentite est ainsi prédite au cours de la nitruration. En effet, la décarburation en proche surface entraîne une diminution de la fraction massique de cémentite, donc une dissolution de celle-ci au cours du traitement. Inversement, l’enrichissement en carbone en avant du front de diffusion se traduit par une augmentation de la fraction massique de carbures de même nature que ceux du matériau à cœur. Par ailleurs, les profils de cémentite en fonction de la profondeur laissent apparaître un maximum à des profondeurs de 250 et 700 µm, c’est-à-dire au voisinage des profondeurs aux- quelles se trouvent les maximums de contraintes résiduelles après 10 et 100 h de nitruration, soient 175 et 600 µm respectivement (figure 3.38). Aucune évolution de la fraction de nitrures CrN (voisine de 5%m.) n’est prédite en proche surface.

Enfin, les nitrures de fer γ0-Fe4N1−x et -Fe2−3N ne sont prédits que jusqu’à une profondeur

de 20 µm contrairement aux observations expérimentales. Les calculs Thermo-Calc étant réalisé à l’équilibre thermodynamique, on met en évidence la compétition entre les cinétiques de diffu- sion et de précipitation, ainsi que les chemins de diffusion préférentiels des atomes d’azote qui modifient les équilibres thermodynamiques locaux. Une approche macroscopique semble toute fois suffisante afin de décrire la diffusion comme les résultats du §3.2.5.2 le suggèrent.

a. 10h b. 100h

Fig. 3.40 – Calculs thermodynamiques Thermo-Calc à partir des profils expérimentaux d’azote et de carbone de la nuance Fe-2,93%m.Cr-0,354%m.C nitrurée (a.) 10 et (b.) 100 h à 550 ˚C.

3.3.4 Bilan

Tout d’abord, cette étude préliminaire confirme l’influence de l’aluminium par rapport au chrome sur les propriétés mécaniques de nitruration. Un affinement de la précipitation ainsi qu’une augmentation des déformations volumiques accompagnant la précipitation des nitrures sont à l’origine du fort durcissement supplémentaire et du champ de contraintes de compression après traitement de nitruration.

D’autre part, l’étude préliminaire sur aciers synthétiques a mis en évidence l’évolution des propriétés mécaniques en fonction de la température et du temps de nitruration. La redistribution des contraintes résiduelles ne semble pas pouvoir s’expliquer par des phénomènes de relaxation au cours du traitement. L’évolution du durcissement n’est pas compatible avec l’évolution des contraintes résiduelles dans le cas présent.

La diminution non négligeable du durcissement après nitruration de 100 h à 550 ˚C est en relation avec les cinétiques de diffusion et de précipitation. En effet, les profils de concentration en azote ont mis en évidence une forte augmentation de la diffusion pour une nitruration de 100 h à 550 ˚C. De plus, la taille des domaines diffractants diminue entre 10 et 100 h à 520 ˚C mais augmente à 550 ˚C. Enfin, le durcissement n’évolue pas avec le temps à 520 ˚C mais diminue à 550 ˚C. L’enrichissement en proche surface n’évoluant point avec les conditions de traitement pour une nuance donnée, ces observations ne peuvent pas s’expliquer par une évolution de la fraction volumiques de nitrures durcissants. Aussi l’étude bibliographique des alliages binaires et à base de carbone suppose que la présence des carbures de revenu stabilise la taille des nitrures d’éléments d’alliage, la transformation des carbures étant l’étape limitante face à la croissance des nitrures. Par conséquent, pour un temps compris entre 50 et 100 h à 550˚C, la consommation de ces carbures semble totale en proche surface, la croissance-coalescence des nitrures peut avoir lieu et la cinétique de diffusion des atomes d’azote augmente.

Les observations microstructurales et les profils de concentration en azote et carbone mettent en évidence les modifications thermochimiques d’une surface nitrurée. En parallèle de la diffusion

des atomes d’azote, la transformation des carbures en nitrures implique la diffusion des atomes de carbone relâchés au sein de la matrice. Cette diffusion est activée par le gradient de potentiels chimiques créé par le flux d’azote. Le carbone diffuse aux joints de grains, ségrège sous forme de cémentite au sein de la couche de diffusion. La diffusion se caractérise par une décarburation en proche surface et au contraire un enrichissement en avant du front de diffusion. La décarburation semble avoir deux origines, la première étant la diffusion du carbone due au flux d’azote et la deuxième étant une diffusion d’azote aux joints de grains qui modifie les équilibres thermody- namiques locaux. Ainsi on peu observer une dissolution de cémentite, jusqu’à précipitation de nitrures de fer. L’enrichissement en carbone semble engendrer quant à lui une augmentation de la fraction de carbures présent à cœur d’après les calculs thermodynamiques.

Ces résultats et conclusions préliminaires sont très intéressants vis à vis de la compréhension de l’évolution des contraintes résiduelles au cours de la nitruration. En effet, le passage d’une précipitation de cémentite à celle de nitrures de fer permet d’expliquer la remise en compression de la proche surface au cours du traitement. La diminution de la fraction de cémentite suppose un déchargement volumique de la surface et donc la diminution des contraintes résiduelles de compression observée expérimentalement. Aussi l’enrichissement en carbone et par conséquent l’augmentation de la fraction de carbures du matériau à cœur permet d’envisager la diminution du niveau de contraintes lorsque le temps de nitruration augmente. En effet, l’augmentation de la fraction de carbures suppose un appauvrissement de la solution solide de substitution de la matrice ferritique en avant du front de diffusion. Ainsi à partir des masses volumiques de chaque phase, on peut supposer une diminution du niveau de contraintes puisque la transformation des carbures (6900 kg.m−3) en nitrures (6200 kg.m−3) engendre une variation de volume moins importante que la précipitation des nitrures issus de la solution solide de la matrice ferritique (7870 kg.m−3).