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L’interface couche de combinaison couche de diffusion

3.2 Étude préliminaire sur alliages industriels

3.2.5 Précipitation de la cémentite

3.2.5.3 L’interface couche de combinaison couche de diffusion

Les observations au microscope électronique à balayage par électrons rétrodiffusés des sur- faces nitrurées présentants différentes tailles de grains ont révélé des différences à l’interface entre la couche de combinaison et la couche de diffusion. Comme indiquée par la littérature et d’après les résultats précédents, cette zone correspond généralement à l’appauvrissement en carbone, qui diffuse suite à la transformation des carbures en nitrures.

Des prolongements de la couche de combinaison aux joints de grains de la couche de diffusion sont observés entre 20 et 90 µm de profondeur comme le montre les micrographies des figures 3.22 et 3.23. L’observation de ces prolongements est indépendante de la taille de grains. Ces observations mettent également en évidence, par contraste chimique, la présence de deux phases aux joints de grains parallèles à la surface nitrurée, à l’interface entre les couches de combinai- son et de diffusion. La première s’apparente à un nitrure de fer tandis que la deuxième à de la cémentite. Pour une taille de grains de 85 µm, certains joints de grains sont constitués par ces deux phases superposées l’une sur l’autre jusqu’à une profondeur de 90 µm. Le nitrure de fer se trouve du côté où le flux d’azote est maximal c’est à dire du côté de la couche de combinaison. Des analyses EBSD corrèlent ces observations en mettant en évidence la présence d’un nitrure de fer γ0-Fe4N1−x au contact de la cémentite (figure 3.24).

Fig. 3.23 – Micrographies au microscope électronique à balayage par électrons rétrodiffusés de l’interface entre les couches de combinaison et de diffusion de la nuance 33CrMoV12-9 nitrurée 100 h à 520 ˚C ayant une taille moyenne de grains de 85 µm.

Fig. 3.24 – Analyse EBSD d’un joint de grains à l’interface entre les couches de combinaison et de diffusion de la nuance 33CrMoV12-9 nitrurée 100 h à 520 ˚C ayant une taille moyenne de grains de 85 µm.

Les observations de la microstructure indiquent des différences à l’échelle microscopique. Ainsi dans le cas d’une forte densité de joints de grains, l’azote et le carbone diffusent et de manière « homogène » en surface. Aucune discontinuité chimique en fonction de la profondeur ne semble présente. Au contraire, une densité faible de joints de grains tend à augmenter la teneur intergranulaire en atomes d’azote et carbone et par conséquent à favoriser un état d’équilibre entre les nitrures de fer et la cémentite. Les équilibres thermodynamiques seront donc différents en fonction du point de vue macroscopique (représenté ici par la précipitation « homogène » en fonction de la profondeur dans le cas de grains de 15 µm) ou microscopique. Cependant, les faibles différences de propriétés de nitruration observées sur les figures 3.18 et 3.19 indiquent que le phénomène de diffusion dans le cas des aciers nitrurés peut être décrit par une approche macroscopique homogène sans avoir à se soucier ni des chemins de diffusion préférentiels ni des phénomènes de ségrégation, toute influence des contraintes résiduelles gardée. Cette observation est importante pour le modèle de diffusion qui sera développé dans le dernier chapitre (cf. §4).

Enfin la précipitation du nitrure de fer γ0-Fe4N1−xindique une faible concentration en carbone

à l’interface entre les couches de combinaison et de diffusion. En effet, cette phase possède une faible limite de solubilité en carbone (<0,2 %m.) par rapport au nitrure de fer -Fe2−3N.

3.2.6 Bilan

L’étude préliminaire sur les alliages industriels a permis de mettre en évidence l’influence des éléments d’alliage sur les propriétés mécaniques de nitruration. Ainsi le chrome et l’aluminium sont deux éléments qui augmentent fortement le durcissement et le niveau de contraintes rési- duelles après traitement. Au contraire, le vanadium et le molybdène n’ont que peu d’influence sur les propriétés finales. Ces différences s’expliquent comme suit :

• le chrome, élément prépondérant au sein des nuances martensitiques de nitruration, est réparti initialement entre la solution solide de substitution de la matrice ferritique et les carbures de type M23C6 et M7C3. Les nitrures issus de la réaction des éléments d’alliages

en solution solide avec l’azote engendre une variation de volume très importante. En effet, cette réaction peut être schématiser par un volume de ferrite remplacé par un volume de nitrures beaucoup plus important du fait de la différence entre les masses volumiques correspondantes (6200 et 7875 kg.m−3pour le nitrure de chrome CrN et la ferrite respecti- vement). La transformation des carbures en nitrures engendre des déformations volumiques

nettement moins importantes du fait d’une différence de masse volumique plus faible que précédemment (6900 kg.m−3 pour les carbures). Ainsi le niveau de contraintes sera d’au- tant plus important que le rapport entre la fraction d’éléments de chrome en solution solide et celle présente au sein des carbures de revenu sera importante. Il en va de même pour le durcissement, les nitrures issus de la solution solide étant semi-cohérents et de taille nanométrique.

• l’aluminium joue un rôle très important du fait de ses propriétés. D’une part sa faible masse molaire par rapport aux autres éléments d’addition tend à diminuer la masse volumique des nitrures et par conséquent à augmenter les déformations volumiques. Le nitrure d’alumi- nium de structure cubique possède en effet une masse volumique de l’ordre de 4000 kg.m−3! D’autre part, l’aluminium n’est point carburigène. Il est donc uniquement disponible en solution solide dans la matrice ferritique et forme des nitrures semi-cohérents nanomé- triques. La variation de volume accompagnant la précipitation est alors importante et le niveau de contraintes augmente de manière conséquente à fraction de chrome équivalente. Ne formant que des nitrures semi-cohérents nanométriques, le durcissement augmente for- tement. L’aluminium permet ainsi de diminuer la fraction d’éléments d’alliage initiale tout en conservant des propriétés mécaniques élevées. Ceci a pour conséquence d’augmenter l’efficacité du traitement de nitruration en terme de gain de production en diminuant le temps de traitement pour une profondeur efficace de nitruration donnée (exemple entre les nuances 33CrMoV12-9 et 32CrMoV5). Inversement, pour un temps de traitement donné, il permet d’augmenter de manière non négligeable la profondeur de nitruration.

• le vanadium se trouve initialement sous forme de carbures de type VC/V4C3. Ceux-ci se

transforment en carbonitrures de vanadium V(C,N) ayant des propriétés similaires aux carbures initiaux (morphologie, taille, position au sein de la matrice). Ils ne participent que très peu au durcissement. Les nitrures de vanadium VN possèdent une masse volu- mique plus importante que les carbures VC (6085 et 5260 kg.m−3 respectivement). La transformation s’accompagne donc d’une diminution de la variation de volume, diminuant le niveaux de contraintes résiduelles. le vanadium entraîne toutefois un effet bénéfique dans le cas où il permet d’augmenter sensiblement la quantité d’éléments d’alliage en solution solide dans la matrice ferritique (chrome notamment) par rapport à la fraction initiale de carbures.

• le molybdène est également réparti entre la solution solide de la matrice et les différents carbures avant nitruration et se substitue au chrome et au vanadium au sein des nitrures lors du traitement. Du fait de sa masse molaire très importante (95,94 g.mol−1), le molyb- dène aura tendance à augmenter la masse volumique des nitrures d’éléments d’alliage. La masse volumique du nitrure de molybdène Mo2N est en effet de l’ordre de 9475 kg.m−3.

Par conséquent, les déformations volumiques accompagnant la précipitation diminuent ainsi que le niveau de contraintes résiduelles. Son effet est cependant bénéfique quand il permet d’augmenter la fraction d’éléments d’addition en solution solide dans la matrice par rapport à la fraction initiale de carbures, comme dans le cas du vanadium.

L’étude de la précipitation de cémentite aux anciens joints de grains d’austénite a permis de confirmer les relations qui existent entre la diffusion des atomes de carbone issus de la trans- formation des carbures et la distribution des contraintes résiduelles au cours du traitement. En effet, la fraction maximale de cémentite se trouve au voisinage de la profondeur du maximum de contraintes résiduelles. Par ailleurs, plus la distribution de cémentite est importante sur la profondeur de nitruration, plus la redistribution des contraintes résiduelles est marquée avec une forte diminution en proche surface à l’interface entre les couches de combinaison et de diffusion. Cette interface correspond au minimum de cémentite et à la profondeur de décarburation.

De plus, la fraction de cémentite qui précipite est d’autant plus importante que la fraction en éléments d’alliage augmente pour des conditions données de nitruration. Aussi la cinétique de diffusion diminue avec l’augmentation de la teneur en éléments d’alliage, l’azote réagissant

d’autant plus en proche surface. Par conséquent, les cinétiques de diffusion et de transformation des carbures semblent s’équilibrer lorsque le pourcentage d’éléments d’addition augmente tout en favorisant la relaxation des contraintes résiduelles du fait de la diffusion du carbone.

Enfin, le carbone ségrège essentiellement aux joints de grains parallèles à la surface de ni- truration, suivant les directions où les contraintes résiduelles de compression sont maximales. Le gradient de contraintes résiduelles agit comme une force motrice de courts-circuits de diffusion suivant les directions perpendiculaires à l’axe de nitruration.