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2.4 Diffusion Gradient de composition chimique

2.4.1 Diffusion de l’azote

Un exemple de profils d’azote d’une surface nitrurée est donné sur la figure 2.13. Il se caracté- rise par un important enrichissement en azote sur les trente premiers micromètres correspondant à la couche de combinaison constituée des nitrures de fer γ0-Fe4N1−x et -Fe2−3N. A l’interface

entre la couche de combinaison et de diffusion (z = 30 µm), la fraction d’azote chute brutalement, puis décroît quasi linéairement dans la couche de diffusion avant de chuter de nouveau au front de diffusion (z = 850 µm). Le niveau du palier de diffusion est fonction de la quantité d’azote réagissant avec les éléments d’alliage (cf. §2.4.2). Comme le montre la figure 2.13, la fraction de nitrures d’éléments d’alliage est maximale en début de couche de diffusion et décroît de façon similaire au profil d’azote jusqu’au matériau à cœur [LBSC97, SJE04].

La diffusion de l’azote peut être décrite par les lois conventionnelles de la diffusion établies par Fick [PHI00] (cf. §2.7). Plusieurs difficultés apparaissent dans la description et compréhension de ce phénomène :

• la connaissance des coefficients de diffusion de l’azote dans les différentes phases présentes. Ceci est d’autant plus vrai pour la description de la couche de combinaison où de fines couches de nitrures de fer se développent. Dans le cas de la couche de combinaison, une diffusion de l’azote dans le fer est seulement considérée [RMCS83, TBDG97, HSM07]. • la prise en compte des équilibres thermodynamiques avec la précipitation des nitrures. En

effet, les éléments en solide solide d’insertion ayant une mobilité plus importante que ceux présents en solution solide de substitution (figure 2.14), il y a formation de précipités dès que la limite de solubilité est atteinte. Les lois de diffusion ne suffisent alors plus et les aspects thermodynamiques doivent être pris en compte [LJ75]. Dans le cas du fer pur, le diagramme d’équilibre fer-azote apporte toutes les informations requises, concernant notamment les limites des domaines de stabilité [TBDG97]. Le problème se complique lorsque des éléments d’alliage sont présents, favorisant la précipitation de nitrures MN. Les diagrammes d’équilibre sont alors beaucoup plus complexes et nécessitent des calculs thermodynamiques importants [GaARW+03]. Il est ainsi indispensable d’avoir recours à des logiciels de calcul de type Thermo-Calc [BS92].

• la cinétique de précipitation des nitrures. Par exemple, un temps d’incubation est géné- ralement constaté avant la formation de la couche de combinaison [RMCS83]. Il s’agit également de pouvoir distinguer (pour les calculs principalement) la quantité d’azote qui diffuse de celle qui participe à la précipitation des nitrures d’éléments d’alliage. Il s’agit là d’une problématique importante afin de pouvoir tenir compte des vitesses de précipitation [KJ06] et aboutir à la description de la distribution des précipités dans un volume élémen- taire. Ce point devient majeur en présence de carbone avec la compétition entre carbures et nitrures (cf. §2.4.4).

• la diffusion aux joints de grains. Les joints de grains représentent des chemins préférentiels de diffusion et entrent donc en compétition avec la diffusion en volume notamment favorisée par l’affinité des atomes d’azote avec les éléments d’alliage en solution solide dans la matrice ferritique [PHI00, PRI06]. Ce point n’a jamais été pris en compte si ce n’est lors

d’observations expérimentales à l’interface entre la couche de combinaison et la couche de diffusion (cf. §2.4.6).

• l’influence de l’état de contraintes sur la diffusion. Du fait des difficultés rencontrées pour prédire le développement des contraintes résiduelles de nitruration, ce point n’est jamais pris en considération. Toutefois il a déjà été observée l’influence d’un état de contraintes post-traitement sur la diffusion [HRRS04]. Plus les contraintes résiduelles de compression sont faibles avant traitement, plus la diffusion des atomes d’azote diminue. Ce phénomène est également maîtrisé industriellement, la surface des pièces étant rectifiée afin de diminuer l’écrouissage de la surface.

• l’homogénéisation de la diffusion, ou en d’autres termes la prise en compte des hétérogé- néités microstructurales aux différentes échelles macro- et microscopiques d’une surface ni- trurée [DL00]. Il s’agit de problèmes et méthodes inspirés de ceux rencontrés en mécanique des matériaux hétérogènes [MUR91]. Ces méthodes permettent par exemple d’exprimer le coefficient de diffusion d’un élément dans une phase en tenant compte de la fraction volumique de la phase siège de la diffusion, de la fraction volumique des secondes phases ainsi que de la morphologie de ces phases (précipités sphériques, elliptiques ...).

Fig. 2.13 – Exemple d’un profil d’azote d’une surface nitrurée, analysé par micro- sonde à balayage, ainsi que de la fraction massique correspondante de nitrures CrN d’après Thermo-Calc. Cas d’une nuance mo- dèle Fe-0,35%m.C-2,93%m.Cr nitrurée 100 h à 550 ˚C.

Fig. 2.14 – Comparaison des vitesses de dif- fusion des atomes en solution solide d’inser- tion et de substitution [JAC73].

2.4.2 « Excès » d’azote

De nombreuses études ont mis en évidence une quantité d’azote très importante en surface des aciers après nitruration [JAC73, SLM89, MS89, SGM04, HSM05b, HSM05a, HSM06, GTD+06, HSM07, HSM08b, CBH+09]. En effet, la fraction d’azote est supérieure à celle théorique si tous les éléments d’alliage sont supposés avoir réagi avec les atomes d’azote, à laquelle il faut ajouter la fraction en solution solide dans la matrice. Deux théories sont avancées afin d’expliquer cet « excès » observé.

La première, et la plus répandue, est proposée par Mittemeijer et al. à partir d’expériences d’absorption isotherme d’azote pour différentes nitrurations et revenus post-nitruration, suivies de mesures du poids des différents échantillons. Cette théorie consiste à considérer de l’azote dit mobile et immobile :

• Azote immobile : atomes ayant réagit avec les éléments d’alliage pour former les nitrures MN, et piégés à aux interfaces précipités/matrice.

• Azote mobile : atomes en solution solide d’insertion dans la matrice ferritique. Cette so- lution solide augmente au voisinage des précipités suite aux déformations volumiques im- posées par la précipitation qui engendrent une distorsion du réseau cristallin de la ferrite. Dans le cas de la deuxième théorie proposée, il est question d’une substitution des éléments d’alliage par des atomes de fer au sein des nitrures MN à partir d’une certaine fraction d’azote. Des observations ont été réalisées en microscopie électronique en transmission [GTD+06] ainsi que par sonde atomique tomographique [DLH+05, JDHD08]. Cette substitution, pouvant atteindre les 30 %at., permettrait ainsi d’augmenter la fraction molaire des nitrures et par conséquent la quantité d’azote superficielle. Par ailleurs, Ginter a trouvé une fraction atomique de fer en substitution dans les nitrures plus faible après revenu post-nitruration qu’après nitruration. Cette observation s’accompagne d’une diminution de la fraction d’azote en surface, qui s’explique par la perte de fer en substitution au sein des nitrures. Il est à noter que ces résultats expérimentaux sont corrélés par les calculs thermodynamiques Thermo-Calc.

Ces deux théories sont toujours sujettes à discussions (notamment du fait des diverses tech- niques employées) même si en réalité rien ne permet de privilégier l’une plutôt que l’autre, aboutissant finalement à un compromis entre une origine purement thermochimique et une autre microstructurale.