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L’entretien est l’option méthodologique qui a été choisie pour ce recueil de données,

étant donné la possibilité offerte par l’entretien de faire une analyse qualitative du discours

auprès des personnes et d’investiguer leurs vécus. L’entretien, selon Labov & Fanshel (1977,

d’après Blanchet & Gotman, 1992 : 19) est un évènement de parole dans lequel « une

personne A extrait une information d’une personne B, information qui était contenue dans

la biographie de B ».

Billiez & Millet (2001) expliquent que deux méthodologies se présentent pour l’étude

des représentations : d’un côté une méthodologie ancré dans le quantitatif, utilisant des

questionnaires fermés et des tests projectifs ou réactifs, de l’autre côte, les méthodologies

qualitatives d’analyse discursive. Les objectifs ne sont pas les mêmes : d’un côté on vise à

restituer le noyau central et les éléments périphériques des représentations sociales, de

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l’autre on cherche à restituer des espaces discursifs conçus comme expression de

représentations sociales diversifiées tant au plan intra- qu’interindividuel. En tenant compte

de la complexité qui préside la notion de représentation sociale, les sociolinguistes semblent

globalement plus convaincus par des méthodologies qualitatives, selon Billiez & Millet

(2001). Néanmoins, la méthodologie qualitative présente aussi des limites. Elle permet la

prise en compte de la diversité des points de vue, mais il y a une difficulté pour établir des

statistiques des phénomènes. Pour pallier ce problème, Billiez & Millet (2001 : 39)

commentent que « la plupart des chercheurs introduisent des outils qui visent, en quelque

sorte, à quantifier le qualitatif, de façon à pouvoir rendre compte, en s’appuyant sur

quelques indications chiffrées (qui n’ont cependant pas de valeur statistique) des jeux du

Même et de l’Autre dans les discours ». Notre recherche s’inclut dans le deuxième type, la

méthodologie qualitative.

L’entretien a aussi été choisi parce qu’il permet de comprendre comment une même

situation a été vécue par plusieurs personnes ; dans le cas de notre recherche l’entretien

nous permet de recueillir et investiguer le discours des étudiants brésiliens qui racontent

leurs expériences linguistiques et culturelles en France.

L’entretien constitue une méthodologie de recherche qui a une caractéristique assez

particulière : elle présente un aspect bien subjectif. Les faits qui sont racontés pendant un

entretien relèvent de la biographie personnelle et subjective de l’individu. Les questions

ouvertes leur permettent de s’exprimer librement. Blanchet & Gotman (1992 : 19)

remarquent que la subjectivité constitue une propriété centrale de l’entretien : « le terme

biographie souligne le caractère vécu de l’information recueillie, par opposition à une

information recueillie en direct sur un évènement, au moment même de l’évènement, et qui

serait restituée sans avoir été préalablement assimilé et subjectivé ». La situation d’entretien

est une situation de rencontre, une conversation en face-à-face qui dépasse la simple prise

d’informations. En sachant que la subjectivité est inhérente à l’entretien, cette propriété n’a

pas été négligée pendant notre travail. De plus, on reconnaît qu’une recherche sur les

représentations et les expériences personnelles n’est jamais libre de la subjectivité, alors,

elle n’est pas un facteur perturbateur, au contraire, la subjectivité est importante pour le

récit des expériences dont témoigne l’histoire de vie de chaque étudiant. L’enquêtrice a

aussi sa propre subjectivité, comme le souligne Murphy-Lejeune (2003 : 53) : « l’enquêtrice,

avec sa propre charge subjective, est à l’écoute d’une voix singulière et en même temps

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attentive aux échos qui se retrouvent d’un individu à un autre. Pour les deux interlocuteurs,

la rencontre est une exploration et un échange réciproque ». C’est justement là que réside la

caractéristique essentielle des approches qualitatives : dans cette relation spéciale qui

s’établit entre les individus.

Billiez & Millet (2001) soulignent qu’il existe un décalage entre ce que les personnes

interrogées disent faire, dans des entretiens ou des questionnaires, et ce qu’elles font

réellement en situation. C’est la distinction « dire/faire » qui caractérise fondamentalement

deux méthodologies de recherche : celle des observations indirectes qui passent par les

« dires » des sujets et celle des observations directes et participantes, qui permet un accès

au « faire ». Néanmoins, il faut souligner que ces deux méthodologies sont

complémentaires. Le choix entre l’une ou l’autre dépend de l’objectif visé. Notre choix pour

l’entretien s’appuie sur d’autres recherches menées sur ce sujet, comme celle de Murphy-

Lejeune (2003) qui a interviewé les étudiants européens voyageurs, celle de Fan (2008) sur

les représentations des étudiants chinois en France et sur la thèse de Thamin (2007) qui a

étudié la dynamique des répertoires langagiers et les identités plurilingues de sujets en

situation de mobilité.

L’entretien a été réalisé avec les Brésiliens dans une situation plutôt informelle pour

ne pas contraindre les participants. Blanchet & Gotman (1992 : 9) affirment que

« l’entretien, comme technique d’enquête, est né de la nécessité d’établir un rapport

suffisamment égalitaire entre l’enquêteur et l’enquêté pour que l’enquêté ne se sente pas,

comme dans un interrogatoire, contraint de donner des informations ». C’est dans le but de

laisser l’interviewé à l’aise qu’on a réalisé les entretiens dans une ambiance décontractée et

les questions ont été posées de manière amicale pour ne pas mettre l’enquêté dans une

position gênante. De plus, comme on a déjà expliqué dans l’introduction de ce mémoire, la

propre enquêtrice occupe une position de pair avec ses interviewés, vu qu’elle aussi est

Brésilienne venue en France à travers le programme Grenoble-Brésil.

L’enquêtrice a fait de petites interventions pour obtenir une réponse-discours et non-

seulement une réponse ponctuelle. Toutefois, ces interventions n’ont pas été nombreuses,

car les interviewés n’ont pas eu de grandes difficultés pour répondre aux questions. Ils

n’étaient pas dérangés du fait de raconter des expériences personnelles vécues pendant leur

séjour en France ; au contraire, raconter leurs expériences était d’une certaine façon

amusant pour eux. Certains étudiants ont parlé avec enthousiasme - l’entretien leur a fourni

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l’occasion de revenir sur leurs expériences et de prendre conscience dans une démarche

réflexive de leur propre construction sociale. La technique adoptée par l’enquêtrice est celle

de l’entretien compréhensif. Selon Billiez & Millet (2001 : 41) l’entretien compréhensif

s’inscrit dans la poursuite d’une écoute plus attentive de la personne qui parle, de cette

façon « l’enquêteur sort de la réserve qu’imposaient les méthodes traditionnelles en

s’engageant activement dans ses questions, afin que l’enquêté puisse faire de même ».

L’entretien a été semi-guidé ; il y avait quelques questions de départ qui ont été

adaptées à chaque interviewé. Comme le caractérisent Blanchet & Gotman (1992 : 21)

l’entretien est comme une rencontre où c’est « l’interaction interviewer/interviewé qui va

décider du déroulement de l’entretien ».

C’est pour toutes ces caractéristiques et pour permettre de connaître les sentiments

et expériences vécues par les étrangers en France que l’entretien a été choisi comme

méthodologie pour le recueil des données dans cette recherche.