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On a vu que les représentations ont une tendance à la stabilité. Toutefois, à partir du

contact personnel, les représentations évoluent et peuvent changer en raison des

expériences positives ou négatives vécues.

Comme on l’a déjà stipulé auparavant, les étudiants avaient une vision plutôt positive

de la France, même si un peu restreinte. Cette image n’a pas beaucoup changé. Les

étudiants disent avoir confirmé leurs expectatives pour ce qui concerne le système de

transports, les monuments, la sécurité. Toutefois, quelques étudiants ont dit avoir eu du mal

à s’adapter au système universitaire, car ils n’ont pas bénéficié d’un accompagnement de la

part d’une personne responsable de leur université pour expliquer l’emploi du temps ou

comment faire le choix des disciplines. Le système de cours dans un grand amphithéâtre,

avec un professeur qui prend la parole tout le temps sans demander la participation des

étudiants a aussi été une des choses qui a choqué les Brésiliens, comme on l’a décrit

antérieurement.

Daniela affirme que maintenant elle voit la France autrement, sans l’image

stéréotypée d’un pays glamour. En même temps, elle reconnaît et admire plusieurs choses

qu’elle a eu la possibilité de voir en France :

“...vejo que a França não é aquele país de glamour que a gente vê antes. Tem muitos problemas… problemas entre eles, problemas políticos, sociais principalmente… que são problemas que a gente tem que criticar e falar « olha, eles também têm problemas como a gente ». E também tem outras coisas que são admiráveis : a saúde, a segurança, a moradia… (...) é admirável ver que as coisas funcionam, elas caminham e caminham bem.” (Daniela)

[... je vois que la France n’est pas ce pays glamour qu’on se représente avant. Il y a plusieurs problèmes… des problèmes politiques, sociaux… qui sont des problèmes qu’on doit critiquer et dire « regardez, ils ont aussi des problèmes comme nous ». Et il y a aussi des choses qui sont admirables : la santé, la sécurité, l’habitation (…) c’est admirable de voir que les choses fonctionnent, elles marchent et marchent bien ».

Daniela ainsi que d’autres étudiants ont dit que le fait de vivre en France et de

connaître le quotidien des personnes les a aidés à mieux comprendre les Français. Cinq

étudiants qui avaient affirmé avoir une image pas très positive des Français ont à présent

une position plus neutre et étendue (Daniela, Bruna, Ana, Pedro et Priscila). Ils disent

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comprendre qu’il s’agit de cultures différentes et que c’est pour cette raison qu’il y a des

variations dans le système de vie et dans les rapports aux autres:

“A gente percebe qual é o hábito deles e passa a respeitar (...) Eles têm os hábitos deles e nós temos o nosso hábito, então temos que respeitar.” (Daniela)

[On s’aperçoit quelles sont leurs habitudes et on essaie de respecter (…) Ils ont leurs habitudes et nous avons les nôtres, alors nous devons respecter].

« aqui a gente aprende a ver que... dentro de um contexto a gente vai entender porque eles são frios, tem essa coisa da distância, do toque, essa coisa do respeito… É cultural. Assim como pra gente encostar não é um problema, pra eles encostar vai ser. Então a gente começa a entender mais, e a contextualizar, a tentar entender o francês na França e porque que eles são assim. A gente tenta entender mesmo… a maneira de agir” (Bruna).

[ici, on apprend à voir que... dans un contexte on comprend pourquoi ils sont froids, parce qu’il y a cette distance, le toucher, cette chose du respect… C’est culturel. De la même façon que pour nous toucher n’est pas un problème, pour eux toucher est un problème. On commence à comprendre d’avantage, et à contextualiser, à essayer de comprendre le Français en France et pourquoi il est ainsi. On cherche à comprendre… sa manière d’agir]

Marisa comprend que parfois les Français ne sont pas sympathiques tout de suite, il

faut leur laisser du temps pour nouer une nouvelle relation amicale :

“tem que dar um tempo a eles... Franceses de cara, não são simpáticos... Quando ultrapassei essa barreira inicial, tive boas surpresas e boas relações, que às vezes arrisco a dizer que são até mesmo mais verdadeiras que muitas das brasileiras que tenho”. (Marisa)

[il faut leur donner du temps... Les Français à première vue, ne sont pas sympathiques… Quand j’ai dépassé cette barrière initiale, j’ai eu de bonnes surprises et de bonnes relations, et parfois je prends le risque de dire que j’ai des amitiés même plus sincères que quelques amitiés brésiliennes].

Ceux qui avaient une image favorable ont maintenu cette image. Luciana qui avait

déjà une image positive des Français a amélioré encore cette image après avoir rencontré la

famille de son petit ami français. En même temps, elle a souligné le fait que cette famille ne

représente pas « une typique famille française ». Suite à cette réplique de Luciana, on se

demande si elle est toujours d’accord avec le fait que la famille traditionnelle française n’est

pas très accueillante.

Rafael souligne qu’il avait une image positive et cette image demeure positive, mais il

a maintenant une mauvaise image des Franco-maghrébins car, selon son opinion, il n’y a pas

eu une bonne intégration de ces immigrants dans la société française.

Et il y a ceux qui n’avaient pas d’image bien définie ou ceux pour qui l’image n’était

pas favorable et qui maintiennent cette image, comme Helena et Cristiane qui ont eu

beaucoup de difficultés à faire des rencontres à l’université et donc ont une image

défavorable des Français pour ce qui concerne les relations interpersonnelles.

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« eu não achei que eles seriam tão fechados (...) na aula eu chego ninguém olha na minha cara. É péssimo (risos). [Minha imagem dos franceses mudou] pra pior, né ? Eu achei que eles seriam assim, mas não tanto. Eu achei que teria alguma brecha e não tem.” (Cristiane)

[Je ne croyais pas qu’ils étaient si enfermés (…) dans les cours, j’arrive et personne ne me regarde pas. C’est horrible (rires). Mon image des Français est devenue pire, tu sais ? J’ai imaginé qu’ils seraient enfermés, mais pas à ce point. J’ai imaginé qu’il y aurait une ouverture, mais il n’y en a pas].

“hoje eu vejo que tem franceses que são pessoas excepcionais, mais pra falar a verdade eu acho que se não mudar até a minha ida, eu vou embora um pouquinho decepcionada.” (Helena)

[Aujourd’hui, je vois qu’il y a des Français qui sont des personnes exceptionnelles, mais pour être sincère, je crois que si la situation ne change pas jusqu’à mon départ, je m’en irai un peu déçue].

La difficulté pour se faire des amis Français a été pointée par plusieurs interviewés.

Tous ont dit que la plupart de leurs amis étaient des Brésiliens ou des personnes d’une toute

autre nationalité. Les Brésiliens concluent que cette difficulté est plutôt une question

culturelle. Les Français ont besoin de plus de temps pour établir une relation d’amitié. Cette

différence a mis quelques étudiants brésiliens dans une situation instable et non-

confortable, surtout au niveau académique. Les étudiants ont avoué faire des efforts pour

s’intégrer dans les groupes français, mais cela n’est pas toujours facile.

L’évolution des représentations peut être vérifiée dans le tableau suivant qui résume

les principales idées énoncées pendant les interviews.

Représentations antérieures des Français Représentations après le contact avec les Français

positives négatives positives négatives

Daniela Ils sont enfermés,

froids, grossiers, n’aiment pas se laver.

Ils ne sont pas enfermés ou froids, ils

sont plus discrets. Ils valorisent la famille. Ils sont très critiques et revendiquent quand ils ne sont pas

contents.

C’est difficile d’établir une relation d’amitié.

Ricardo Un pays n’a pas un

seul visage.

Eduardo Ils sont bien élevés,

réservés, discrets.

Ils sont très polis, les profs sont disponibles

en cas de besoins.

L’excès de politesse rend difficile la création de relations

amicales.

Bruna Ils aiment la cuisine. Ils sont froids,

n’aiment pas se laver.

Ils ne sont pas froids, c’est une question culturelle (différente

de la question brésilienne).

Rafael Ils s’intéressent aux

autres pays, ils ont une culture générale

élargie.

L’image des Français reste positive.

Il n’y a pas une bonne intégration des Franco-maghrébins à

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Beatriz Ils ne sont pas trop

consuméristes, ils valorisent les voyages, les arts, la culture. Ils sont très

polis.

Ils n’aiment pas se laver.

Elle conserve les mêmes images.

Elle conserve les mêmes images.

Carla Les personnes sont

multiples, l’image change tout le temps.

C’est difficile d’établir une relation d’amitié.

Felipe Ils sont polis.

Les villes sont plus sécurisées.

Il conserve les mêmes images.

Ana Ils sont enfermés, de

mauvaise humeur et arrogants.

L’image négative est devenue plus favorable aux

Français.

Victor Ils sont un peuple

direct, pratique, qui sait profiter des petits

plaisirs du quotidien.

L’image reste positive.

Pedro Ils n’aiment pas se

laver. Ils sont arrogants.

L’image est devenue plutôt favorable.

Marisa Ils sont romantiques. Ils sont enfermés. Ils sont plus enfermés que les Brésiliens,

mais c’est une question culturelle (il

faut plus de temps pour se faire des

amis).

Lorena Ils sont gentils, ils ont un bon discours.

L’image reste positive : les Français

sont francs, gentils, polis, très organisés

et critiques.

Priscila Ils sont impertinents

et froids.

Il y a des personnes sympathiques.

Il y a des personnes qui ne sont pas

sociables.

Helena Ils sont arrogants. C’est difficile d’établir

une relation d’amitié.

Cristiane Ils sont enfermés,

c’est difficile de se faire des amis.

C’est très difficile d’établir une relation

d’amitié.

Luciana Ils sont libres,

modernes et passionnels.

L’image est encore plus positive.

Tableau : l’évolution des représentations des Français

Quant aux stéréotypes à propos du peuple français, on a vu que plusieurs interviewés

s’attendaient à rencontrer des personnes renfermés et froides. Toutefois, il reste difficile

affirmer que cette représentation a eu une influence sur les difficultés vécus. La plupart

déclare comprendre le pourquoi de ces stéréotypes et assume une position d’acceptation

des différences, en essayant d’établir des contacts avec la culture de l’Autre – un pas

important vers l’altérité.

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Malgré quelques aspects qui diffèrent entre les Brésiliens et les Français, les

étudiants ont confirmé leur appréciation de l’expérience de vivre dans un pays étranger. Il

s’agit d’une expérience enrichissante, qui permet une ouverture sur les autres cultures – sur

la culture française mais aussi sur d’autres nationalités qui viennent étudier en France et qui

apportent chacune un peu des coutumes et traditions de leur pays. Ce contact

multilinguistique et multiculturel est un facteur qui contribue à la compréhension des

habitudes et à la démystification des stéréotypes.