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CHAPITRE 3: CADRE MÉTHODOLOGIQUE

1. C ONTEXTE ET OBJECTIFS DU PROJET DE RECHERCHE « F EMME , SYRIENNE ET RÉFUGIÉE : Ê TRE ET DEVENIR P ERSPECTIVE

1.7. Recrutement

Au Liban ainsi qu’au Québec, les participantes ont d’abord été sollicitées avec l’aide d’intervenantes d’organisations locales ainsi que des interprètes impliquées dans le projet de recherche plus large. Elles ont à la fois fait circuler l’affichette de recrutement pour le projet principal, dans lequel mes travaux s’inscrivaient, ou nous ont référé directement des femmes qu’elles avaient ciblé ou qui s’étaient montrées intéressées à participer. La méthode boule-de- neige a été également utilisée à partir de ce noyau de personnes-contacts qui ont fait circuler l’information. Quelques femmes ont également été recrutées de manière spontanée, par exemple lors d’une réunion du comité de pilotage d’un autre projet de recherche auquel je participais au même moment, lors d’une activité interculturelle à laquelle je participais en tant que citoyenne ou encore de manière spontanée en attendant ma directrice qui terminait la réalisation d’une entrevue pour le projet principal dans les locaux d’une ONG de défense de droits des réfugiés. La majorité des personnes rencontrées se sentant plus à l’aise de réaliser leur entrevue en arabe, la réalisation des entrevues a été rendue possible grâce à la collaboration de nos interprètes. Pour le site libanais, la contribution de l’interprète avec qui ma directrice de recherche, Roxane Caron, a travaillé lors de précédentes recherches a été sollicitée pour le recrutement d’une interprète qui réaliserait les entrevues avec moi. Elle m’a ainsi référée une interprète de confiance avec qui j’ai réalisé la totalité des entrevues (de l’arabe vers l’anglais). Cette personne est elle-même réfugiée d’origine palestinienne (née au Liban) et elle détient une solide expérience d’intervention auprès de réfugiés au Liban par ses implications professionnelles au sein d’ONG internationales et du HCR. Au Québec, j’ai collaboré avec trois interprètes avec lesquelles j’avais déjà travaillé dans mes fonctions d’assistante de recherche dans un projet antérieur sur la question du parrainage des réfugiés syriens par la collectivité (de l’arabe au français) (Rodriguez del Barrio et al. 2016-2018). Autant au Liban qu’au Québec, les interprètes avec qui j’ai travaillé étaient soit elles-mêmes des personnes réfugiées (trois d’entre elles) ou immigrante. Toutes détenaient plusieurs années d’expérience de travail auprès des personnes réfugiées (en tant que travailleuses sociales, intervenantes sociales et interprètes). Elles ont été des ressources-clés pour cibler des personnes-contact qui nous ont à leur tour référé des personnes intéressées, ou même pour le recrutement direct. Toutes les interprètes ont été informées des procédures en lien avec le respect de la confidentialité et ont signé un formulaire

à cet effet. Un travail de préparation a également été effectué avec chacune d’entre elles avant de débuter notre collaboration afin de s'assurer que nous maitrisions un vocabulaire et un univers de sens communs en lien avec les guides d'entretien (p.ex. : traduction des mots français-arabe ou anglais-arabe, explicitation des représentations autour de certains concepts-clés, explication de l’approche du récit de vie que je souhaitais mettre de l’avant dans l’entrevue).

Les femmes réfugiées interviewées au Québec se voyaient offrir une contribution symbolique de 20 dollars (canadiens) pour leur participation à une ou deux entrevues. Nous avions prévu offrir une contribution monétaire équivalente pour le terrain libanais, mais après discussion avec nos interprètes, nous avons plutôt opté pour offrir du thé et du café de bonne qualité aux participantes. Nos interprètes ont en effet soulevé certaines implications éthiques auxquelles nous n’avions pas pensé initialement. Ainsi, le fait d’offrir 20 dollars (américains dans le cas du Liban) à des personnes dont le salaire mensuel moyen pouvait tourner autour de 100$ ou 200$, faisait apparaitre des problématiques en termes d’équité dans le contexte de milieux tel que des quartiers fortement défavorisés ou camps de réfugiés où les personnes vivent dans une grande précarité et où tout le monde se connait et où « tout se sait instantanément ». Il aurait été difficile de justifier « pourquoi avoir choisi » une certaine famille et non une autre. En donnant un montant d’argent (qui pouvait représenter jusqu’à 1/5 du revenu mensuel pour certaines familles), nous placions les personnes-contacts qui nous référaient ces familles dans une posture très délicate, et nous risquions en ce sens d’altérer leurs relations avec les familles réfugiées. Il était également important de marquer la distinction entre notre recherche et les mesures d’assistance humanitaires afin de s’assurer que les personnes participaient bel et bien parce qu’elles souhaitaient partager leur histoire. Le choix d’offrir du café et du thé au Liban a donc été fait, ne serait-ce que parce qu’ils s’avèrent des composantes essentielles de la vie des personnes que nous rencontrions, qui ne manquaient pas de nous offrir de manière presque systématique une (ou plusieurs!) tasses de café ou de thé lors de l’entrevue. Plusieurs personnes ont également insisté pour que nous restions pour prendre le café ou le thé après l’entrevue, ce que nous avons fait avec plaisir lorsque cela était possible. En contexte de précarité financière importante (parfois extrême…), il nous a semblé que ces aliments de base leur seraient sans doute utiles au-delà du geste symbolique. Au Québec tout autant qu’au Liban, certaines personnes ont toutefois refusé la rémunération symbolique en argent ou sous forme d’aliments,

ne souhaitant pas que nous leur donnions quoi que ce soit en retour. Cette question a fait l’objet de plusieurs questionnements éthiques pour ce mémoire mais aussi pour le projet plus large, dont nous discutons dans un article réflexif à paraître (Richard et Caron, à paraitre).