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CHAPITRE 3: CADRE MÉTHODOLOGIQUE

1. C ONTEXTE ET OBJECTIFS DU PROJET DE RECHERCHE « F EMME , SYRIENNE ET RÉFUGIÉE : Ê TRE ET DEVENIR P ERSPECTIVE

1.6. Profil des participantes et critères d’inclusion dans la recherche

Les participantes à la recherche, rencontrées sur une base volontaire, sont des femmes réfugiées en provenance de Syrie âgées de plus de 18 ans résidant au Québec et au Liban depuis au moins 3 mois au moment de faire l’entrevue. En tout, 12 femmes ont été rencontrées (5 au Québec et 7 au Liban). Les entrevues ont été réalisées à l'endroit qui convenait le mieux aux participantes tout en assurant la confidentialité de leur témoignage. Au Québec tout autant qu’au Liban, la majorité des femmes ont demandé à ce que l’entrevue soit réalisée à leur domicile. Au Liban, j’ai également rencontré des femmes dans les bureaux d'une ONG locale et dans un café. À Montréal, j’ai réalisé deux entrevues dans une salle de travail privée d’une bibliothèque universitaire et d’une bibliothèque publique au centre-ville. Une autre entrevue a finalement été réalisée au domicile d’une de nos interprètes, en qui la dame avait confiance.

Le critère principal d’inclusion dans la recherche était de se considérer comme la principale responsable du soutien financier et « des soins au quotidien » de sa famille. Les femmes rencontrées pouvaient vivre seules avec ou sans enfants (p.ex. célibataires, veuves, divorcées, fiancées), avec un conjoint qui ne travaille pas ou qui gagne moins d’argent qu’elle ou encore avec d’autres membres de leurs familles avec qui elles partagent de la responsabilité financière du soutien de la famille à part égale (p.ex. trois sœurs célibataires qui habitent ensemble avec leur mère). La conception de la responsabilité principale du soutien de leur famille retenue dans le cadre de ce mémoire repose donc, à l’instar de la documentation des instances de gouvernance des migrations forcée consultée, sur des critères financiers (i.e. qui détient le revenu principal afin de faire vivre la famille). Elle est toutefois indissociable des dimensions des soins quotidiens de leur famille, un « […] travail considéré comme relevant de ce que les femmes doivent accomplir (sans se plaindre) depuis des siècles – le travail féminin de soin et de nettoyage [qui] constitue un travail gratuit » (Vergès, 2018, p.8). Je souhaite ici me rapprocher des conceptualisations de la notion de « care » à l’instar de Vergès (2018), qui fait la lumière sur les angles morts de certaines « féministes civilisationnelles » se réclamant des idéaux des droits humains « universels » sans réaliser qu’elles contribuent à rendre possible l’exploitation de millions de femmes racisées « en Occident » et ailleurs. Son propos m’apparaît indispensable dans la mesure où il permet de reconnaitre les violences réelles et symboliques des rapports de pouvoir capitalistes qui prennent racine dans l’invisibilisation du rôle du care que jouent les femmes au-delà des simples dimensions financières.

D’autres soutenaient non seulement les membres de leur famille vivant avec elles, mais certaines d’entre elles exerçaient ce soutien financier et des soins du quotidien pour les membres de leur famille (p.ex. parents, frères et sœurs, neveux et nièces) même si elles ne vivaient pas avec eux (p. ex. une jeune femme qui est l’ainée de sa fratrie mentionne se sentir responsable du bien-être de sa mère et de ses frères même si elle ne les soutient plus financièrement). Il s’avérait donc impératif de prendre en compte le travail non rémunéré d’une ampleur colossale que font les femmes pour le soutien de leur famille au quotidien puisque celui-ci est au cœur du fonctionnement des familles réfugiées. J’ai tout de même choisi de considérer le critère financier, d’une part afin de ne pas nier que le fait de détenir ce rôle en tant que femme entraine des enjeux et des vulnérabilités supplémentaires pour elles-mêmes ainsi que les membres de

leur famille (HCR, 2014; Amnistie Internationale, 2016; HCR, Unicef et WFP, 2018; Freedman, 2017). En cohérence avec l’approche théorique féministe transnationale dans laquelle s’inscrit ce mémoire, je souhaitais toutefois entendre les femmes réfugiées parler elles-mêmes de leurs expériences à ce sujet. C’est d’ailleurs à partir de leurs récits que le choix de la notion de « responsabilité du soutien principal de la famille » s’est arrêté comme façon de « désigner » les réalités auxquelles ce mémoire s’intéresse. Notons que les expériences de certaines des femmes rencontrées étaient à l’intersection du care dans la sphère familiale et dans la sphère professionnelles, alors qu’elles exerçaient des métiers qui reposaient également sur cette fonction en dehors de leur foyer en échange d’une rémunération, en tant que femmes de ménage engagées directement par des propriétaires ou par des agences.

Il importe également de mentionner que je me suis intéressée aux récits et expériences de femmes réfugiées, mais que je reconnais que leur expérience individuelle ne peut être détachée de celle des autres membres de leur famille (Grace, 2018). Ainsi, tel que Bertaux le souligne, même si « l’objet d’étude » est autre, il est important de tenter de comprendre le groupe familial car ses effets sont importants sur les parcours des personnes. Il est souvent le véritable moteur de décision : « il est le lieu où les projets s’affrontent et finissent par se combiner, par la négociation, en véritables transactions » (Bertaux, 2010, p. 85). C’est donc pourquoi un souci particulier a été porté afin de situer les expériences des femmes réfugiées en lien avec celles des membres de leur réseau de proximité (famille, amis, collègues, etc.) et ce, qu’ils se trouvent avec elles dans le pays d’accueil au moment de l’entrevue, en Syrie ou ailleurs dans le monde.

En accord avec le caractère exploratoire de la recherche, les participantes ont été choisies de manière à assurer une diversification des enjeux et contextes de vie représentés : temps passé en exil, statut matrimonial, statut migratoire et légal au pays d’accueil, quartier/ville de résidence, type d'habitat, niveau d’études, types de revenus, appartenance religieuse, etc. Puisqu’il s’agit d’un mémoire de maitrise basé sur un petit échantillon, la saturation n’a pas été visée explicitement, même si elle a pu émerger sur certains éléments (Bertaux, 2010).