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Reconstitutions paléoclimatiques et paléoenvironnementales dans le bassin sud pyrénéen

Article 1 : Soumis à Palaeogeography, Palaeoecology, Palaeoclimatology :

4.4. Reconstitutions paléoclimatiques et paléoenvironnementales dans le bassin sud pyrénéen

Une étude isotopique à des fins de reconstitutions paléoenvironnementale a également été effectuée dans le bassin sud-pyrénéen, mais les fossiles provenant de ce bassin présentent une bien moindre qualité de préservation que ceux du bassin de Paris. Les gastéropodes sont systématiquement recristallisés en calcite, ce qui les rend inutilisables pour des reconstitutions paléoenvironnementales, comme dans les dépôts deltaïques d’âge Cuisien de Roda de Isábena et de Tremp (Aragon). Les seuls organismes bien préservés sur la majeure partie du Paléogène sont les huîtres. En revanche, la sédimentation étant strictement continentale à partir de l’Eocène supérieur (Véra, 2004), aucune huître n’est disponible après le Bartonien.

4.4.1 Evolution long terme du signal isotopique

Au total, 26 fossiles d’huîtres ont été analysés de l’Eocène inférieur (Ilerdien) à l’Eocène moyen (Bartonien), provenant de localités variées du bassin sud Pyrénéen (Figure 4-29).

Figure 4-29: Evolution du δ18O et du δ13

C des huîtres analysées dans le bassin sud pyrénéen.

Les huîtres datées de l’Yprésien montrent des valeurs de δ18O qui varient entre -2 et -4,6‰. Puis, les valeurs augmentent progressivement au cours du Lutétien, avant une forte diminution des valeurs au début du Bartonien, avec des huîtres présentant une variabilité comprise entre -4 et -5‰. Le δ18O augmente à nouveau très fortement à la fin du Bartonien avec des valeurs pour une huître proche de -1,8‰.

Comme nous l’avons vu au début de ce chapitre, le δ18O des fossiles reflète à la fois les conditions de température et la valeur du δ18O de l’eau à partir de laquelle ils ont précipité leur coquille. Or, les conditions paléoenvironnementales étaient très fluctuantes au cours de l’Eocène dans le bassin sud pyrénéen et de nombreuses huîtres utilisées dans le cadre de ce travail ont été échantillonnées dans des environnements deltaïques. Etant donné que les huîtres sont des organismes pouvant supporter des variations de salinité entre 10 et 45‰ (Hoese, 1960, Stenzel, 1971, Struski, 2005, Lartaud, 2007), il faut pouvoir estimer une valeur fiable de la paléosalinité et donc du δ18O de l’eau pour reconstituer des paléotempératures

varier considérablement sur des distances très faibles (Gilikin et al., 2006). De plus, les associations de faunes, qui sont de bons indicateurs de la salinité, présentent souvent des fossiles remaniés, ce qui biaise l’information.

C’est pourquoi, nous ne proposeront pas de valeurs absolues de températures pour toutes les huîtres analysées, mais seulement pour celles dont les environnements de vie correspondaient à un milieu marin franc à salinité normale. Ces conditions sont réalisées pour les huîtres du Lutétien et du début du Bartonien.

Ainsi, il est possible d’expliquer les fluctuations du δ18O à l’Yprésien par l’instabilité des conditions paléoenvironnementales à cette période dans les sites d’échantillonnage. En effet, les huîtres de cette période proviennent de milieux deltaïques (zone de Tremp et delta de Roda), où des dessalures élevées peuvent être enregistrées. La salinité ne devait toutefois pas être trop basses, car pour une salinité de 20‰, les températures estimées s’échelonnent entre 7 et 16°C, ce qui est une valeur probablement sous-estimée étant donné que l’Yprésien correspond à la période la plus chaude du Cénozoïque.

Au Lutétien, en revanche, les conditions environnementales étaient plus marines, dans les zones d’où proviennent les huîtres (anticlinaux de Médiano, de Boltaña et du Pico del Aguila) et on peut dès lors considérer une salinité moyenne d’environ 35‰, aux variations saisonnières près. On peut dès lors reconstituer des valeurs de température comprises entre 33°C et 23°C.

De même les huîtres du début du Bartonien proviennent d’un gisement dont les assemblages fauniques (nombreuses nummulites) laissent penser que les conditions devaient être franchement marines, ces organismes ne tolérant pas de baisses de la salinité (Beavington-Penney et Racey, 2004). Quant à l’huître datée de la fin du Bartonien, celle-ci a été échantillonnée dans la formation de Belsué-Atarès qui est une formation deltaïque, avec probablement un milieu salinité mal contrainte.

Cependant, malgré cette influence des conditions environnementales, les intervalles climatiques globaux du Paléogène se retrouvent dans la signature géochimique des huîtres du bassin sud pyrénéen, comme dans le cas du bassin de Paris. Tout d’abord, si l’on corrige de l’influence de la salinité, les valeurs relativement élevées du δ18O de l’Yprésien s’accordent avec les fortes températures de l’Eocène inférieur. La diminution du δ18O au cours du Lutétien reflète le refroidissement connu de manière globale (Zachos et al., 2001). La forte diminution des valeurs isotopiques au début du Bartonien pourrait traduire le réchauffement brutal associé à l’optimum climatique de l’Eocène moyen (Bohaty et Zachos, 2003). Enfin,

l’augmentation de la fin du Bartonien, souligne l’initiation de la diminution des températures qui se poursuit jusqu’à la limite Eocène – Oligocène. La comparaison avec les valeurs obtenues pour le bassin de Paris et aux données océaniques montre que la salinité ne devait pas être très éloignée de celle d’une eau mer normale, car avec une salinité de 30‰, la température estimée est de 15°C, alors qu’avec une salinité de 20‰, la température ne devait être que de 6°C, ce qui est probablement une sous-estimation.

Le δ13C varie, comme pour le Bassin de Paris, entre -2 et 2‰. Les valeurs les plus négatives sont celles des huîtres de l’Eocène inférieur. Les huîtres de cette période proviennent de milieux deltaïques. Or, nous avons vu que la dégradation de la matière organique causait une baisse du δ13C de l’eau, et donc des carbonates. Etant donné que les deltas sont des milieux propices au dépôt de matière organique, il est tout à fait envisageable que le δ13C des huîtres soit avant tout influencée par la dégradation de la matière organique.

4.4.2. Variations à haute résolution du δ18

O et du δ13

C

Plusieurs huîtres datées de l’Eocène moyen ont été analysées à haute résolution, afin de déterminer quel était le gradient saisonnier de température (Figure 4-30). Un des problèmes rencontré avec les huîtres du bassin sud-pyrénéen est qu’elles disposent d’un crochet de très petite taille, inférieure à 0,5 cm. Contrairement aux gastéropodes analysés dans le bassin de Paris, peu de points ont pu être prélevés. De plus, la taille de la zone de prélèvement est assez réduite par rapport à la taille des points de prélèvement. Les valeurs isotopiques mesurées ne reflèteront donc pas forcément des valeurs ponctuelles de températures, mais plutôt des moyennes de plusieurs mois de la vie de l’organisme. Les écarts de température ainsi reconstitués ne correspondront donc pas forcément aux amplitudes réelles.

Nous avons pu analyser une huître datée du Lutétien provenant de la formation des calcaires de Guara dans la région d’Arguis, deux huîtres de la région de Centelles (Nord de Barcelone) datée du Bartonien inférieur et une dernière provenant de la formation de Belsué-Atarès à Arguis et datée du Bartonien supérieur. L’écart maximum est de 1,33‰ au Lutétien, 1,59‰ au début du Bartonien et 0,35‰ à la fin du Bartonien. Mais étant donné le nombre de

Etant donné que l’huître lutétienne et celles du début du Bartonien vivaient dans des environnements à salinité normale, il est possible d’estimer des valeurs de températures pour celles-ci, à partir de l’équation de transfert d’Anderson et Arthur (1983) pour la calcite.

Figure 4-30: Evolution des variations saisonnières du δ18

O et des températures à l’Eocène moyen dans le bassin sud-pyrénéen.

Au Lutétien, les températures d’hiver devaient être proches de 26°C et devaient monter à 30°C en été. Au début du Bartonien, c’est-à-dire au moment de l’Optimum Climatique de l’Eocène Moyen, nous disposons de plus de points que pour les autres intervalles. Cette fois, le minimum de température enregistré était de 29°C et le maximum de 34°C. En revanche, l’huître datée de la fin du Bartonien avec une taille très petite et seulement quatre points ont pu être prélevé. C’est pourquoi le différentiel de 1°C observé ne devait certainement pas refléter le véritable gradient saisonnier de température.