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Chapitre 2 : Le Paléogène ………………………………………………………………..…..2 1

2.2. Contexte climatique global

2.2.5. Origines des changements climatiques

Nous avons vu que l’évolution des caractéristiques climatiques du Paléogène étaient différentes de l’actuel. Nous allons discuter, dans la suite, des causes possibles de cette situation. Deux théories s’affrontent pour expliquer de telles températures au Paléogène, une structuration courantologique particulière et de fortes concentrations en gaz à effet de serre. Ces deux facteurs sont, en tout cas, à relier à l’histoire géodynamique au Paléogène que nous allons brièvement exposer ici.

a. Contexte géodynamique au Paléogène

Contrairement au Mésozoïque, qui correspondait à une période d’extension généralisée, en relation avec l’ouverture de la Téthys et de l’Océan Atlantique et la présence de zones de subduction très actives, le Cénozoïque est surtout caractérisé par des collisions continentales, marquant la fin d’un cycle de Wilson.

La Figure 2-10 présente une reconstitution paléogéographique au Lutétien qui illustre bien l’initiation des événements géodynamiques s’étant produits au cours du Tertiaire. L’un des traits majeurs de cette période est l’initiation du mouvement vers le Nord de l’Afrique et de microplaques comme la plaque ibérique, en réponse à l’ouverture de l’océan Atlantique.

Ce mouvement a notamment induit la fermeture de l’océan Téthys et l’orogenèse alpine au sens large, depuis les Pyrénées à l’Ouest, jusqu’au massif himalayen et au plateau tibétain à l’Est, en réponse aux collisions entre l’Afrique, l’Arabie, l’Inde et l’Eurasie (Figure 2-11).

L’épisode orogénique le plus spectaculaire de ces 100 derniers Ma est relatif à la collision entre la plaque indienne et la plaque eurasiatique et a conduit au soulèvement du plateau du Tibet et de la chaîne himalayenne. Il s’agit d’un exemple caractéristique de

collision continentale, qui s’est initié au début du Paléogène, autour de 50 Ma (Zhu et al., 2005).

Les Alpes et les Pyrénées se sont également soulevées au cours du Cénozoïque, avec une collision active respectivement entre l’Eocène (~40 Ma) et le Miocène et entre le Crétacé supérieur (Santonien, 85 Ma) et le Miocène (Langhien, 15Ma) (Muñoz et al., 1992).

Figure 2-10 : Reconstitution paléogéographique globale au Lutétien (Vrielynck et Bouysse, 2003).

b. Influence des modifications paléogéographiques

Les évolutions géodynamique et paléogéographique globales que nous venons de présenter semblent avoir eu un rôle important sur le climat au Paléogène et notamment sur la transition Greenhouse – Icehouse. En effet, du fait (1) de l’existence d’un océan équatorial, qui se prolongeait entre les deux Amériques, entre l’Europe et l’Afrique et entre l’Inde et l’Asie (Figure 2-11), (2) de l’absence de passages océaniques francs entre l’Antarctique et

Est – Ouest et la circulation thermohaline Nord – Sud que nous connaissons actuellement n’existait pas encore (Lawver et Gahagan, 2003).

Figure 2-11 : Paléogéographie et paléocourantologie globale au Paléocène supérieur (modifié d’après Lawver et Gahagan, 2003).

Au cours du Paléogène, cet océan équatorial, qui correspondait à la Téthys au sud de l’Eurasie, s’est progressivement fermé, suite à la remontée de l’Afrique et de l’Inde vers le Nord. Dans le même temps, la mer de Tasmanie (vers 34 Ma, Figure 2-13 et 2-14) entre l’Antarctique et l’Australie d’une part, puis la mer de Scotia (de la fin de l’Eocène au Miocène, Figure 2-13 et 2-14) entre l’Antarctique et l’Amérique du Sud d’autre part se sont progressivement ouvertes. Il semble donc que la période de l’ouverture de la mer de Tasmanie coïncide avec la brusque glaciation de la limite Eocène – Oligocène. Selon de nombreux auteurs (Kennett, 1977 ; Barker et Thomas 2004), l’ouverture de ces deux passages océaniques a induit l’isolement thermique de l’Antarctique suite à la mise en place du courant circumpolaire Antarctique (ACC). Ce courant, qui est le plus puissant sur Terre à l’heure actuelle, est également en partie responsable de la circulation thermohaline, qui redistribue les masses d’eau chaude des basses latitudes aux hautes latitudes et inversement. Cette modification courantologique aurait eu un impact sur l’efficacité du transport de chaleur par les océans conduisant ainsi à la glaciation (Bice et al., 2000).

Figure 2-13 : Evolution du passage de Drake au Cénozoïque (Livermore et al., 2007) comparée à l’évolution climatique globale (Zachos et al., 2001).

Figure 2-14 : Evolution paléogéographique de la mer de Tasmanie autour de la limite Eocène – Oligocène (Exon et al., 2001).

De plus, le travail d’Allen et Armstrong (2008) suggère que la subduction de la Téthys suivie de la collision de la plaque Arabe il y a 35 Ma aurait : (1) réduit le volcanisme pré-collisionnel responsable de l’injection de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, (2) augmenté le stockage de carbone organique dans les bassins péri-téthysiens (Mer Noire, Mer Caspienne), (3) augmenté l’érosion des silicates dans la zone de collision et (4) modifié la courantologie globale.

C’est donc très probablement à cause de l’absence de ce courant circumpolaire et à cause de l’existence d’un courant équatorial que le gradient latitudinal de température était très faible jusqu’à l’Eocène moyen et qu’il s’est accentué lorsque les glaces se sont formées en Antarctique. L’absence de glace sur Terre est également responsable des faibles variations saisonnières de température à l’Eocène moyen.

Au cours du Paléogène, nous sommes donc passés d’une configuration avec un courant équatorial maintenant un gradient thermique latitudinal très faible vers une circulation thermohaline – encore peu efficace – redistribuant les masses d’eau froide des hautes latitudes vers les basses latitudes.

c. Rôle des gaz à effet de serre

La pCO2, qui est un facteur influençant très fortement les températures via l’effet de serre a également connu de fortes fluctuations au cours du Cénozoïque (Berner et al., 1983). Même si les méthodes de reconstitutions de la pCO2 sont sujettes à de grandes incertitudes, que ce soit par l’apport de la modélisation (Berner et al., 1983 ; Berner, 1991 ; Berner, 1994 ; Berner et Kothavala, 2001), ou par l’apport de la géochimie (isotopes du bore, Pearson et Palmer, 2000 ; δ13C sur alcénones, Pagani et al., 2005), il semble que la quantité de gaz à effet de serre atmosphériques ait été nettement plus importante au Paléogène qu’actuellement (Figure 2-15). Pearson et Palmer (2000) et Pagani et al. (2005) ont estimé que la valeur de la

pCO2 a probablement dû varier depuis des valeurs proches de 5000 ppm au début de l’Eocène à 150 ppm depuis le début du Néogène (Figure 2-15). Plusieurs causes peuvent être avancées pour expliquer cette diminution au cours du Paléogène.

Figure 2-15 : Reconstitution de l’évolution de la pCO2 au Cénozoïque (Bore : Pearson et Palmer, 2000 et Alcénones : Pagani et al., 2005).

Tout d’abord, la source du CO2, qui provient principalement du dégazage des volcans s’est considérablement réduite en réponse à la diminution des taux d’accrétion océaniques. Il s’est en effet produit le passage d’un régime globalement extensif au Mésozoïque avec l’ouverture successive de la Téthys, puis de l’océan Atlantique, vers un régime globalement compressif avec l’orogenèse alpine au sens large et le ralentissement de l’ouverture de l’Atlantique (Vrielynck et Bouysse, 2003). Le volcanisme a également cessé dans certaines régions comme l’Iran au cours de l’Eocène, en raison de la collision ayant donné naissance au Zagros (Allen et Armstrong, 2008). En revanche, le puits de CO2 que représente l’altération de la croûte continentale a fortement augmenté en réponse au développement des nombreux orogènes du Tertiaire. La mise à l’affleurement de minéraux silicatés entraîne en effet une réaction d’altération naturelle avec le CO2 atmosphérique selon la réaction simplifiée (Berner et al., 1983 ; Gislason et al., 2009) :

Erosion

CaSiO3 + CO2 Ù CaCO3 + SiO2

Dès lors, la diminution de la pCO2 a eu pour conséquence de réduire l’effet de serre et ainsi d’entraîner une baisse des températures (Raymo et Rudimann, 1992). Ainsi, selon Huber et Nof (2006), c’est cette diminution de la pCO2, via les variations de l’albédo et les rétroactions liées à l’érosion, qui serait la cause du refroidissement du Paléogène et de la glaciation de la limite Eocène – Oligocène, les modifications courantologiques globales ne jouant qu’un rôle mineur contrairement à a précédente théorie.

DeConto et Pollard (2003) ont également démontré grâce à la modélisation que la diminution de la pCO2 a pu être le facteur prépondérant dans l’installation d’un climat glaciaire à la limite Eocène – Oligocène. Selon ces auteurs, la conjonction entre un effet de seuil franchit sur la quantité de gaz à effet de serre et une valeur minimale de l’insolation serait responsable de la brutalité de ce basculement climatique, les modifications paléogéographiques autour de l’Antarctique ayant apparemment joué un rôle secondaire.

Cependant, Volk et al. (1993) ont montré que les variations de la pCO2 reflétaient d’avantage les variations des taux de dégazage volcanique au cours du Cénozoïque que l’érosion. Toujours est-il que l’évolution à haute fréquence de la pCO2 reste mal documentée et que ses causes ne sont pas discutées.

La production et le stockage de la matière organique sont également des facteurs de contrôle important de l’évolution de la pCO2.

2.3 Evolution de l’érosion au Paléogène : apports de la mesure du rapport isotopique du