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Chapitre 4 : Reconstitutions paléoclimatiques au Paléogène : apports de la géochimie

4.2 Matériel et méthodes

4.2.2 Description des fossiles analysés

a. Les bivalves

Plusieurs familles de bivalves ont été étudiées dans ce travail. Les principaux fossiles analysés sont les huîtres, qui présentent une abondance relativement importante et une qualité de préservation notable dans les deux bassins.

Les huîtres sont des mollusques appartenant à la classe des bivalves (Figure 4-1). Elles sont apparues dès la fin du Trias et se sont fortement diversifiées au cours des temps géologiques. Les ostréidés sont constitués de deux valves, mais ont une coquille inéquivalve avec une valve gauche généralement plus développée (Figure 4-1). Les huîtres actuelles telles que Crassostrea gigas vivent dans milieux dont les conditions environnementales sont relativement bien contraintes, correspondant à des eaux euryhalines peu profondes caractérisées par des conditions optimales de températures comprises entre 20°C et 30°C pour une salinité comprise entre 28‰ et 35‰, mais peuvent supporter de plus fortes contraintes environnementales (Stenzel, 1971, Struski, 2005, Lartaud, 2007). Les ostréidés sont des organismes filtreurs, ayant la capacité de remanier d’importantes quantités de sédiments. Les huîtres actuelles sont ovipares et hermaphrodites séquentielles.

Figure 4-1 : Section radiale dans la coquille de Crassostrea gigas montrant la distribution des différentes formes microstructurales, la dissymétrie des valves et l’important développement du crochet (d’après Langlet, 2002)

Figure 4-2 : Photographies MEB des deux principales microstructures (crayeuse et foliée) de la coquille des huîtres Crassostrea gigas effectuées sur lame mince et réalisées perpendiculairement

La coquille de ces organismes est constituée de macrocristaux de carbonate de calcium (CaCO3) au sein d’une matrice organique, définie par Weiner et al. (1983) comme étant de la conchyoline. Les deux polymorphes du carbonate de calcium (calcite et aragonite) sont représentés, mais la coquille reste majoritairement constituée de calcite faiblement magnésienne. Les parties aragonitiques sont localisées au niveau de la zone d’insertion du muscle adducteur (myostracum), de la surface de l’aire ligamentaire (ligostracum) et des zones minéralisées du ligament (Stenzel, 1963, Carriker et Palmer, 1979). Les travaux de Galstoff (1964) et de Carter (1980) ont montré que quatre types de structures minéralogiques constituent la partie minérale de l’huître : la calcite prismatique, la calcite foliée, la calcite crayeuse et de l’aragonite (Figure 4-2). La biominéralisation des huîtres se fait par adjonction de lames et de lamelles en direction ventrale (Figure 4-3).

Figure 4-3 : Coupe schématique d’une coquille de lamellibranche montrant la structure interne et la relation entre les parties organiques et minérales (la flèche indique le sens de la croissance).

Les spécimens étudiés dans le cadre de ce travail proviennent, pour le Bassin de Paris, d’échantillonnages de terrain et de deux collections: la collection Claude Cavelier (BRGM) et la collection Offsteter (MNHN, Paris) et pour l’Espagne de relevés de terrain uniquement et ont été déterminées par D. Merle (MNHN, Paris).

Les Venericardia sont les autres types de bivalves étudiés ici. L’espèce en question, V.

imbricata n’existe plus actuellement, mais possède une morphologie très proche de Cardita ventricosa qui est une espèce actuelle vivant dans des milieux marins peu profonds (Yonge,

1969, Watters, 1993). En l’état de nos connaissances, aucun travail n’a jamais été réalisé sur la géochimie de Venericardia actuelles, mais les études de coquilles d’âge Pliocène de

d’âge Lutétien (Andreasson et Schmitz, 1996) montrent que ces fossiles peuvent être utilisés pour des reconstitutions paléoenvironnementales.

b. Les gastéropodes

Les gastéropodes constituent le groupe le plus diversifié de la classe des mollusques. Il existe actuellement 60000 espèces de gastéropodes connus sur 70000 espèces de mollusques. Ils sont apparus dès le Cambrien et se sont fortement diversifiés au Cénozoïque. Ces organismes sont caractérisés par la présence d’un pied pour la reptation. On peut les rencontrer dans des milieux très variables (aérien, eau douce et marin).

La coquille des gastéropodes est caractérisée par un enroulement autour d’un axe appelé columelle. Cette coquille est constituée d’un assemblage de petites particules de carbonate de calcium, le plus souvent aragonitique, associées à de la matière organique (Bandel, 1990) qui s’organisent généralement en plusieurs couches qui sont de l’extérieur vers l’intérieur (Figure 4-4) :

Figure 4-4 : Structure de la coquille des gastéropodes (d’après Beaumont et Cassier, 1981).

(i) le périostracum ou épiderme (constitué de conchyoline). Cette couche protège la coquille, proprement dite, des attaques chimiques provenant du milieu extérieur et disparaît

(ii) l’ostracum ou couche prismatique. Il s’agit de lamelles plus ou moins rectangulaires disposées perpendiculairement par rapport à la surface de la coquille. Cette couche est sécrétée par le manteau.

(iii) une couche lamellaire entrecroisée, constituée de cristaux d’aragonite. Il s’agit de la partie la plus importante de la coquille.

Les gastéropodes dont nous disposons ne comportent pas de couche nacrée, cette couche étant caractéristique des gastéropodes primitifs (Bandel, 1990). Les différents groupes de gastéropodes que nous avons analysés dans le cadre de ce travail sont synthétisés dans le Tableau 4-1 : Classification Ordre Genre Environnement de vie Nutrition (Latal et al., 2006) Sorbeoconcha Sorbeoconcha Sorbeoconcha Sorbeoconcha Neogastéropodes Potamididae Cerithiidae Sigmessalia Turritellidae Volutidae Littoral - Lagunaire Marin à lagunaire Marin franc Marin à lagunaire Marin franc Détritivores Détritivores – herbivores Dépositivores Suspensivores Carnivores

Tableau 4-1 : Liste et caractéristiques principales des différents groupes de gastéropodes étudiés.

c. Les dasycladales

Les dasycladales sont des algues dont certaines parties sont minéralisées en carbonate de calcium (aragonite). Il s’agit d’organismes unicellulaires pouvant atteindre une taille centimétrique. Elles sont apparues au Cambrien et sont encore connues actuellement, vivant dans les mers chaudes à une profondeur comprise entre 0 et 20 mètres.

Le thalle des dasycladales est composé de trois parties principales qui sont les rhizoïdes, le siphon axial et les verticilles de ramifications (Figure 4-5). Le rhizoïde est la partie qui assure la fixation de l’algue au substrat. Le siphon axial constitue l’élément de soutien des ramifications. Quant aux verticilles de ramification stériles ou fertiles, ils représentent les organes photosynthétiques et/ou reproducteurs de l’algue (Génot, 1987).

Figure 4-5 : Schémas des principaux éléments structuraux des Acétabulariacées (dasycladales, d’après Génot, 1987). Echelle : de quelques millimètres à quelques centimètres.

On observe, chez certaines dasycladales actuelles, un manchon aragonitique qui se développe à l’intérieur du thalle. L’importance de cette calcification varie selon les genres et les espèces. Les processus qui contrôlent la minéralisation sont cependant encore peu compris. Néanmoins, il semble que les dasycladales actuelles précipitent leur carbonate uniquement durant la période d’été (Génot, communication personnelle).

d. Les charophytes

Ce groupe est apparu au début du Silurien. Ce sont des algues vertes d’eau douce appartenant à l’embranchement des Thallophytes. On les trouve principalement dans les environnements lacustres et palustres. Seules les oogones femelles peuvent être suffisamment calcifiées pour être retrouvées à l’état fossile (Grambast et Paul, 1966 ; Riveline, 1984a).

A l’état vivant, l’oogone est composée de plusieurs parties : une oosphère renfermant le noyau femelle qui sera fécondé ; une ou plusieurs cellules sœurs de l’oosphère ; une cellule nodale produisant cinq cellules périphériques ; cinq cellules spiralées qui recouvrent la totalité

échantillons que nous avons analysés dans ce travail proviennent de la collection de Janine Riveline (UPMC, Paris).

Les charophytes actuelles vivent en eau douce dans des milieux peu profonds (<10 m). Le pH des eaux dans lesquelles sont trouvées ces organismes est généralement élevé et les concentrations en CaCO3 dissous sont souvent ≥100 mg/l (Morgan et Britton, 1977). Dans ces conditions, l’activité photosynthétique des Chara cause la calcification de la tige et des fructifications de la plante (Raven et al., 1986 ; Coletta et al., 2001), le plus souvent en calcite faiblement magnésienne (Leitch, 1991 ; Anadon et al., 2002). Ainsi, depuis une vingtaine d’années, les études portant sur les reconstitutions paléoenvironnementales à partir de l’analyse géochimique d’oogones de charophytes se sont multipliées (e.g. Coletta et al., 2001 ; Grimes et al., 2003, 2005). Néanmoins, l’interprétation du δ18O et du δ13C du carbonate de ces algues est sujette à un large débat. En effet, Jones et al. (1996) et Grimes et al. (2003) ont suggéré, à partir de l’étude de chara actuelles, que celles-ci minéralisaient leur carbonate en équilibre avec l’eau. Au contraire, de nombreux autres cas ont montré, toujours sur des organismes actuels, qu’un important déséquilibre isotopique pouvait être observé, reflétant alors un effet métabolique du à la photosynthèse. Andrews et al. (2004) ont montré que pour le δ13C, la minéralisation à l’équilibre ou non de la calcite des charophytes était essentiellement due au fait que le brassage de l’eau - et donc du carbone inorganique dissous - à partir de laquelle celle-ci est précipitée était efficace ou non. Concernant le δ18O, le déséquilibre isotopique par rapport à l’eau est principalement fonction de la cinétique de cristallisation.