• Aucun résultat trouvé

Reconstitution de la topographie pyrénéenne à l’Eocène moyen : apport de la

Article 1 : Soumis à Palaeogeography, Palaeoecology, Palaeoclimatology :

4.5. Comparaison avec le bassin de Paris : influence de la topographie pyrénéenne sur le

4.5.2. Reconstitution de la topographie pyrénéenne à l’Eocène moyen : apport de la

Nous proposons dans cette partie d’établir un modèle reconstituant le mélange entre des eaux de rivières drainant les Pyrénées et son bassin d’avant-pays Sud, dans le but d’essayer de reconstituer quelle pouvait être l’altitude de cette chaîne à l’Eocène moyen.

La première partie du modèle consiste en une reconstitution de l’évolution théorique du δ18O des rivières en fonction de l’altitude. Cette partie est traitée en utilisant la relation établie par Rowley (2007) (voir Figure 4-34). La relation liant le δ18O des précipitations et l’élévation est essentiellement fonction du climat et plus particulièrement de la température de départ, et de l’humidité (Rowley, 2007). D’après les résultats géochimiques obtenus dans ce chapitre et les données de modélisation d’Andreasson et Schmitz (2000), on peut considérer que la température moyenne annuelle à la surface de l’eau devait être approximativement de 22°C. En ce qui concerne la pluviométrie, il semble que les conditions devaient être plus humides qu’actuellement à l’Eocène moyen. Cela a notamment été attesté par l’étude des pollens dans le bassin de l’Ebre (Cavagnetto et Anadon, 1996). Pomerol (1988) avait comparé les conditions qui régnaient dans le bassin de Paris au Lutétien avec celles existant actuellement en Floride, soit une pluviométrie de plusieurs mètres par an. Concernant l’évaporation, n’ayant que peu de contraintes sur ce paramètre, on peut considérer que celle-ci est équivalente à l’évaporation moyenne actuelle dans la Méditerranée, soit environ entre 0,4 et 0,2 m/an.

La seconde partie du modèle défini des paramètres d’incision d’une rivière, appliqué à un bloc en soulèvement. Nous avons choisi un mode d’érosion de type érosion limitée, ce qui est le cas dans les zones en cours de soulèvement (Whipple et Tucker, 1999). La forme et la dimension du réseau hydrographique a été établie selon la loi de Hack (1957), qui relie la longueur du réseau avec la surface de l’aire drainée. Concernant la dimension de la chaîne,

celle-ci devait être moins longue qu’actuellement, soit environ 300 km d’après les reconstitutions paléogéographiques. La largeur de celle-ci est sujette à plus d’incertitude car les quantités de raccourcissement varient selon les auteurs (cf Chapitre 3). Celle-ci devait être d’environ 100 à 170 km. De plus, il est difficile de replacer la limite de partage des eaux entre le versant Sud et le versant Nord, celle-ci ayant pu migrer au cours du temps. La surface et le volume du bassin ont également pu être estimés grâce aux reconstitutions paléogéographiques du bassin sud-pyrénéen (voir Chapitre 5). Les vitesses de soulèvement sont quant à elles estimées – grâce aux données de thermochronologie disponibles dans la bibliographie (cf Chapitre 3) – à ~ 0,4.10-3 m/an.

Tableau 4-3 : Paramètres utilisés dans la modélisation de l’évolution du rapport isotopique des eaux du bassin sud-pyrénéen. Ceux-ci varient plus ou moins en fonction des modèles.

Ce modèle est basé sur une loi de mélange, similaire à celle établie par Doebbert et al. (2010) pour un lac actuel du Wyoming :

δSW = (V * δl + QPL * t + QFW * δFW * t + QIN+ * δIN+ * t + QIN * δIN * t + 1000 * QE * t * (1 + 1/1,0092))) / (V + QOUT * t + (QE * t / 1,0092)

avec : . P : Précipitations, QEC : Quantité d’eau évaporée dans les rivières, QPL : Quantité de pluie sur le bassin, QFW : Quantité d’eau douce de rivière arrivant dans le bassin, QOUT :

Figure 4-36 : Illustration en plan du modèle de la loi de mélange entre les eaux du bassin sud-pyrénéen et les eaux drainant les différents reliefs bordier.

Figure 4-37 : Illustration des différents paramètres utilisés dans le modèle de mélange des eaux de rivière et de l’eau du bassin sud-pyrénéen. P : Précipitations, QEC : Quantité d’eau évaporée dans les rivières, QPL : Quantité de pluie sur le bassin, QFW : Quantité d’eau douce de rivière arrivant dans le bassin, QOUT : Quantité d’eau du bassin se déversant dans l’océan Atlantique, QIN : Quantité d’eau arrivant de l’Atlantique vers le bassin sud-pyrénéen, QIN+ : Quantité d’eau douce ayant un δ18

O très négatif soumis à l’influence des chaînes Ibérique et Catalane.

Les différents paramètres utilisés dans cette équation ainsi que leurs valeurs sont présentés dans le Tableau 4-3 et sur la Figure 4-37. Les Figures 4-36 et 4-37 sont des illustrations de ce modèle, respectivement en plan et en coupe. Ces figures illustrent qu’une communication avec l’océan Atlantique et donc un échange d’eau qui correspond au flux sortant du modèle est considérée. De plus, il est nécessaire de considérer la contribution de l’eau arrivant dans le bassin en provenance des autres chaînes situées autour du bassin, la chaîne Catalane située à l’Est et la chaîne Ibérique située au Sud (Figure 3-1).

Figure 4-38 : Résultats du modèle illustrant (1) le profil des rivières (courbe noire) et (2) des rides entre chaque rivière (courbe rouge), sur le versant Sud des Pyrénées à l’Eocène moyen entre la ligne de partage des eaux et la limite continent – mer. Pour chaque modèle (A à E), la valeur des paramètres utilisés est indiquée dans le Tableau 4-4. Les paramètres liés à la loi d’incision sont quant à eux indiqués dans la Table 4-3. Le schéma F illustre l’évolution du modèle au cours du temps. Noter que les échelles, verticale et horizontale, varient en fonction du modèle.

Tableau 4-4 : Résultats des modèles en fonction des valeurs des paramètres utilisées. Les modèles A à E sont présentés sur la Figure 4-38.

Les modèles nous permettent d’obtenir deux résultats (Figure 4-38). Un premier profil correspondant au profil d’une rivière et un second reconstituant la morphologie d’une ride située entre deux rivières.

En fonction de la valeur de chaque paramètre considéré, des résultats assez variables sont obtenus (Figure 4-38). Nous avons réalisé plusieurs tests en faisant varier chacun des paramètres. De nombreux paramètres sont susceptibles de faire varier le résultat final : la pluviométrie, la largeur de la chaîne, la valeur de la vitesse de soulèvement ou encore le rapport isotopique de l’eau de pluie. Les paramètres de la loi de Hack et d’érodabilité semblent quant à eux bien fixés car les résultats deviennent incohérents si on les fait varier. La température de surface de l’eau a également un rôle minime sur le résultat final.

Le point important est que, lorsque le δ18O de l’eau de mer obtenu est d’environ 1,5‰ et ce, quelles que soient les variations des paramètres utilisés, l’altitude de la limite de partage des eaux est toujours du même ordre de grandeur, entre 1425 m et 1850 m. Le seul cas où l’altitude finale est totalement différente est dû à une vitesse de soulèvement très importante (0,8 mm/an). Le modèle qui semble le mieux correspondre à la réalité – par rapport à la valeur des différents paramètres utilisés – est le modèle E, avec une largeur de prisme de 100 km et une pluviométrie de 6 m/an et une altitude maximale de 1525 m.

Malgré le fait que ce modèle demeure soumis à de très fortes incertitudes, plusieurs conclusions majeures peuvent être déduites. Tout d’abord, la contribution d’eaux négatives provenant des chaînes Ibérique et Catalane apparaît indispensable, impliquant une altitude significative pour ces deux massifs. Il est également important de noter que les profils

reconstitués ont une morphologie semblable aux rivières drainant actuellement le versant Sud des Pyrénées (Babault et al., 2005). Ceci peut être considéré vrai dans la mesure où le Lutétien est une période climatiquement stable (Zachos et al., 2001) et sans variations significatives de la vitesse de convergence (Vergès et al., 1995), ni des vitesses d’exhumation dans les Pyrénées (Sinclair et al., 2005). Les conditions sont donc réunies pour que les rivières atteignent leur profil d’équilibre (Whipple et Tucker, 1999).

Si les résultats que nous venons de présenter s’avèrent justes, ceci a des implications fortes sur l’histoire géodynamique des Pyrénées. En effet, aucune valeur paléoaltimétrique n’avait jusqu’alors été proposée pour cette chaîne à une période aussi importante. Les Pyrénées constituaient donc un relief majeur dès l’Eocène moyen. Cette conclusion est corroborée par l’apparition de dépôts conglomératiques tel que le massif de la Cis dès la fin du Lutétien dans la partie centrale du bassin et les deltas contemporains du Sobrarbe ou de Montserrat, lié au soulèvement de la chaîne Catalane.

CHAPITRE 5 :

FORÇAGE CLIMATIQUE SUR LA

SEDIMENTATION A L’ÉOCÈNE

Chapitre 5 : Forçage Climatique sur