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Origine de la variabilité entre le Bassin de Paris et les Pyrénées

Article 1 : Soumis à Palaeogeography, Palaeoecology, Palaeoclimatology :

4.5. Comparaison avec le bassin de Paris : influence de la topographie pyrénéenne sur le

4.5.1. Origine de la variabilité entre le Bassin de Paris et les Pyrénées

Les valeurs isotopiques obtenues pour les huîtres provenant du bassin de Paris sont comparées avec celles du bassin sud-pyrénéen (Figure 4-31). Nous avons choisi de comparer les résultats obtenus en Espagne uniquement avec les huîtres du bassin de Paris, car cela permet de s’affranchir d’éventuels problèmes liés à un effet vital, difficilement quantifiable, ou de l’influence d’un biais induit par des périodes de biominéralisation différentes. De plus, les huîtres sont les fossiles pour lesquels nous avons pu analyser le plus de spécimens dans le bassin de Paris.

Figure 4-31 : Comparaison des valeurs de δ18

O des huîtres dans le bassin de Paris et le bassin sud-pyrénéen au Paléogène.

On remarque que sur l’intervalle commun aux deux bassins (Yprésien à Bartonien), le δ18O suit globalement la même évolution, avec une tendance à l’augmentation ponctuée par

temporelle du δ18O des huîtres reflète avant tout des fluctuations climatiques globales. Mais surtout, la comparaison des résultats pour les deux bassins semble supposer que la mise en place de la chaîne pyrénéenne ne semble pas avoir modifié de manière significative le climat dans le bassin sud-pyrénéen.

Si l’évolution temporelle est similaire, on remarque toutefois que les valeurs absolues du δ18O sont différentes entre les deux bassins, les huîtres pyrénéennes étant quasiment toujours plus négatives que les huîtres du bassin de Paris, hormis à la fin du Bartonien.

Figure 4-32 : Comparaison des valeurs isotopiques moyennes des huîtres du bassin de Paris et du bassin sud pyrénéen A sur l’ensemble de l’Eocène. Un point représente la moyenne de l’ensemble des fossiles d’un même âge (cf. Figure 4-8). Les courbes représentent une interpolation des valeurs point par point. Les barres horizontales représentent l’intervalle de confiance de 95% de ces valeurs et les barres verticales l’incertitude sur l’âge des échantillons (0,5 Ma). B Interpolation des valeurs moyennes de δ18

O des huîtres à l’Eocène moyen, c’est-à-dire sur l’intervalle où les valeurs de salinité peuvent être considérées comme comparables dans les deux bassins.

Dans le but de comparer l’évolution les valeurs isotopiques obtenues sur les huîtres des deux bassins, nous avons reporté les valeurs moyennes de l’ensemble des fossiles analysés – un point correspondant à la moyenne de l’ensemble des spécimens d’un même âge – avec un intervalle de confiance de 95% (Figure 4-32A). Cette comparaison illustre bien le

fait que le δ18O des huîtres du bassin de Paris est systématiquement plus positif que celui des huîtres pyrénéennes. Cette différence n’est néanmoins pas constante sur l’ensemble de l’Eocène et peut être imputée à différentes causes.

Tout d’abord, un effet de la salinité doit être pris en compte. Le seul intervalle où les conditions paléoenvironnementales semblent être comparables dans les deux bassins, avec un milieu marin franc à salinité normale, est le Lutétien (cf paragraphes précédents). Au Bartonien inférieur, la salinité devait être légèrement inférieure à 35‰ dans les deux bassins. Dès lors, si l’on considère uniquement cet intervalle de temps, l’écart moyen entre les valeurs isotopiques des deux bassins est constant et correspond à une différence statistique de 1,23‰ (t-test de Student) (Figure 4-32B). Cette différence ne peut pas être due aux facteurs internes que sont l’effet minéralogique et l’effet vital, car les organismes analysés sont tous des huîtres.

Dès lors, seule une différence de température ou un δ18Ow différent peut expliquer cette différence. Greenwood et Wing (1996) ont montré que le gradient latitudinal de température était très faible à l’Eocène moyen. Plus particulièrement, les résultats d’Andreasson et Schmitz (2000) montrent que le différentiel de température entre la Grande-Bretagne et le nord de l’Afrique était inférieur à 1°C en été et d’environ 1°C entre le nord de la France et l’Espagne en hiver (Figure 4-33). Un différentiel de 1,23% ne peut donc pas être expliqué par le gradient latitudinal à cette période, une variation de 1°C équivalant à 0,25‰ pour le δ18O (Anderson et Arthur, 1983). Au contraire, une correction maximale de 0.25‰, c’est-à-dire de 1°C doit être appliquée entre les deux bassins du fait de ce gradient latitudinal. La différence réelle entre les deux bassins est donc de :

1,23‰ + 0,25‰ = 1,48‰.

Le δ18O de l’eau de mer reste donc le seul paramètre à considérer. L’effet glaciaire ne peut pas être responsable de ce différentiel isotopique, car celui-ci a un effet global et agit de la même manière sur l’eau des deux bassins, et ce quelle que soit son intensité. L’influence de variations trop importantes de la salinité a été limitée en choisissant l’intervalle Lutétien – Bartonien inférieur. En effet, étant donné que la différence de δ18O est constante durant l’ensemble de l’intervalle de temps que nous avons considéré, l’hypothèse de condition

Dès lors, la seule cause pouvant expliquer une différence de δ18Ow est que les eaux météoriques apportées dans les bassins aient elles-mêmes un δ18Ow différent, c’est-à-dire que la valeur isotopique de l’eau des rivières arrivant dans les deux bassins soit différente. Il est en effet acquis que l’altitude influence le δ18O des précipitations, celui-ci diminuant lorsque l’altitude augmente (voir la synthèse de Rowley et Garzione, 2007, Figure 4-34). Or, la collision pyrénéenne était active à l’Eocène moyen (Muñoz, 1992) et il est envisageable qu’une topographie devait déjà exister à cette période, comme en témoigne le système fluviatile très développé dans le bassin de Tremp – Graus (Beamud et al., 2003). La chaîne a donc pu jouer le rôle de barrière sur les circulations atmosphériques, ce qui devait avoir une influence sur la composition isotopique des eaux de pluie et donc des rivières qui alimentaient le bassin. En revanche, les données paléogéographiques montrent que les rivières qui se déversaient dans le bassin de Paris ne drainaient aucun relief significatif à cette période (cf Figure 3-19).

Figure 4-33 : Reconstitution du gradient latitudinal des températures dans l’hémisphère nord en hiver et en été à l’actuel (A) et à l’Eocène moyen (B). Modifié d’après Andreasson et Schmitz, 2000).

Figure 4-34 : Illustration de la corrélation entre l’altitude et le δ18

O des précipitations à l’actuel (mesures - courbes pointillées, Rowley, 2007) et à l’Eocène (modélisation - courbes noires, déduit des résultats de Huber et Caballero, 2003). Le décalage observé peut être imputé aux plus fortes températures et à la plus forte humidité au sol durant l’Eocène.

Ainsi, nous pouvons proposer qu’une part de la différence entre le δ18O des huîtres du bassin de Paris et celles du bassin sud-pyrénéen reflète un effet de la topographie sur le δ18O des eaux de pluies (Figure 4-35). A l’échelle géographique à laquelle nous nous trouvons, l’effet de continentalité, qui agit de la même manière que l’effet topographique, avec un appauvrissement des eaux de pluie en 18O plus l’éloignement de la côte est important est négligeable (Austin et al., 2006).

4.5.2. Reconstitution de la topographie pyrénéenne à l’Eocène moyen : apport de