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Recommandations sur l’aménagement − Maintien et recrutement de vieux peuplements

3. Solutions aux enjeux liés à la structure d’âge des forêts

3.2 Recommandations sur l’aménagement − Maintien et recrutement de vieux peuplements

En matière de structure d’âge, le cas des vieux peuplements mérite qu’une attention particulière soit portée à cette composante clé de l’écosystème. L’effet combiné de la récolte forestière et des perturbations naturelles fait souvent en sorte que des écarts importants par rapport à la forêt naturelle se sont creusés dans les paysages aménagés. Compte tenu des écarts constatés, et parce que le temps requis pour rétablir une situation plus proche des conditions naturelles est parfois long, la préparation d’un plan de maintien et de recrutement des vieux peuplements revêt une importance cruciale dans une stratégie d’aménagement écosystémique des forêts.

L’attribution de cibles de structure d’âge dans le PAFIT, telle que définie dans la section 3.1, vise notamment à garantir la présence d’une quantité souhaitée de vieux peuplements tout au long de l’horizon de planification. En effet, au moyen des différents paramètres (contraintes) utilisés lors du calcul de la possibilité forestière en fonction des cibles établies à l’échelle de l’unité territoriale, on s’assurera que certaines strates (peuplements) ne seront pas rendues disponibles à la récolte dès qu’elles auront atteint l’âge d’exploitabilité. Ces peuplements offriront alors des provisions pour assurer la présence de vieux peuplements bien distribués dans l’unité d’aménagement. Cette approche permet de répondre à une bonne partie des

préoccupations qui, en 2008, avaient mené à la mise en œuvre de l’OPMV visant le maintien de forêts mûres et surannées1. Elle demeure cependant générale et correspond à un niveau de planification stratégique. Par la suite, les aménagistes ont le devoir de traduire ces cibles dans la planification tactique et opérationnelle. Ils élaboreront alors une stratégie d’aménagement qui orchestrera le déploiement des actions nécessaires au respect de ces cibles.

Voici quelques recommandations sur l’aménagement qui aideront à bâtir les stratégies d’aménagement en fonction des cibles établies, tout en tenant compte des analyses relatives à la composition et à la configuration des vieux peuplements (voir la section 1.3 de la Partie I – Analyse des enjeux).

Pour l’essentiel, la stratégie d’aménagement qui concerne les cibles de vieux peuplements consiste à assurer le maintien d’une quantité suffisante de vieux peuplements bien répartis sur le territoire, tout en organisant leur recrutement méthodique tout au long de l’horizon de planification. Pour accomplir ce travail, les aménagistes disposent de plusieurs outils dont il a été question au chapitre 2 du présent document qui traite des grands axes de solution. Nous aborderons ici la question en distinguant le rôle que peuvent remplir les forêts de conservation, les actions pouvant être déployées pour assurer le maintien des vieux peuplements actuellement en place ou les actions permettant d’assurer le recrutement des vieux peuplements à court, à moyen et à long terme.

1. Depuis, le terme « forêt surannée » a été remplacé par le terme « vieux peuplement ».

Photo : Normand Villeneuve

3.2.1 Prendre en compte les forêts de conservation 

Les forêts de conservation sont constituées de toutes les aires forestières exemptes de récolte.

Elles comprennent les aires protégées (incluant les refuges biologiques) ou toute autre portion de territoire où la récolte est exclue pour diverses raisons socioéconomiques (accessibilité, affectation, etc.). À long terme, ces territoires offrent probablement la meilleure garantie de conservation de la biodiversité associée aux vieux peuplements. En l’absence de perturbation majeure, les forêts qui s’y trouvent évoluent progressivement vers des stades évolutifs de fin de succession et les peuplements y acquièrent toutes les caractéristiques des vieux peuplements naturels.

Les territoires suivants constituent des exemples de forêts de conservation :

• aires protégées;

• refuges biologiques;

• écosystèmes forestiers exceptionnels;

• certains sites fauniques d’intérêt ou certaines portions de sites fauniques d’intérêt;

• secteurs inaccessibles;

• portions de lisières boisées riveraines non aménagées.

Au moment de l’élaboration de la stratégie d’aménagement, ces territoires doivent être pris en compte par les aménagistes selon l’âge, actuel et projeté, des peuplements qui s’y trouvent. Ils porteront aussi une attention particulière à l’analyse de leur composition végétale. Les forêts de conservation permettent parfois de pallier certaines carences observées dans les territoires faisant l’objet de récolte (stades évolutifs, position topographique). À l’inverse, certains types de peuplements peuvent être surreprésentés dans les aires exemptes de récolte (ex. : pentes fortes, peuplements à faible densité). L’analyse de la composition permet alors d’orienter les choix d’aménagement en dehors des forêts de conservation de façon à ce que, globalement, le territoire comporte toute la diversité naturelle des vieux peuplements.

Par ailleurs, les forêts de conservation ne sont pas exemptes de perturbations naturelles qui peuvent aussi causer un rajeunissement des forêts. Cet aspect devrait aussi être pris en

Attributs essentiels des vieux peuplements 

Les chicots : arbres morts sur pied de plus de 10 cm de diamètre à hauteur de poitrine (DHP). 

Les arbres à valeur faunique : arbres vivants ou partiellement morts de plus de 10 cm de DHP, qui 

présentent des caractéristiques indispensables (cavités, cime bien développée, tiges dépassant le couvert,  etc.) pour divers organismes. 

Les débris ligneux : tiges mortes au sol de plus de 10 cm de diamètre. 

La structure du peuplement : il s’agit de l’arrangement des trois éléments précédents combiné à  l’étagement varié de la végétation vivante (arbres et arbustes de différentes hauteurs), au sein d’un  peuplement. 

Un couvert suffisant pour maintenir des conditions de lumière et d’humidité typiques des vieux 

peuplements naturels. Il revient aux aménagistes locaux de déterminer les seuils adéquats en fonction de  l’écologie régionale. Bien que cette question soit encore empreinte d’incertitude, des seuils de surface  terrière variant entre 14 et 18 m2/ha fourniront probablement des conditions minimales appropriées. Ces  seuils guideront le personnel impliqué dans la planification opérationnelle et la réalisation des interventions  sur le terrain. 

considération, particulièrement lorsqu’elles contiennent une forte proportion de peuplements vulnérables à la tordeuse des bourgeons de l’épinette.

Finalement, les aménagistes peuvent parfois influencer certains choix d’affectation du territoire.

Ils tenteront alors de faire converger ces choix avec la préoccupation pour le maintien de vieux peuplements. De plus, en certaines occasions, il pourrait être souhaitable de modifier l’emplacement de certains refuges biologiques afin d’améliorer la représentativité des vieux peuplements ou le degré de protection qui leur serait accordé.

3.2.2 Assurer le maintien de vieux peuplements sur le territoire 

Conformément aux cibles établies précédemment (voir la section 3.1), une certaine proportion des peuplements actuellement au stade vieux ne sera plus admissible à la récolte. Ces provisions se traduisent en quelque sorte par un allongement de la révolution de certaines strates. Ces peuplements sont maintenus en place dans le but de développer et de perpétuer les attributs typiques des vieux peuplements, d’ici à ce que d’autres peuplements deviennent disponibles pour prendre la relève.

Au moment de la préparation des PAFIT et PAFIO, les aménagistes porteront une attention particulière aux peuplements qu’il convient de maintenir en place localement. Ils chercheront alors à capter toutes les occasions de synergie et de complémentarité avec les autres enjeux d’aménagement. Par exemple, on tiendra compte des valeurs fauniques ou de la qualité visuelle des paysages au moment de prendre les décisions finales. Sur le plan écologique, on cherchera la convergence avec tous les autres enjeux, mais un lien plus important doit être fait avec l’organisation spatiale. À l’échelle du grand paysage, les peuplements maintenus en place peuvent ainsi constituer de grands massifs forestiers qui représentent un attribut spatial important. Cette question sera traitée dans le chapitre 4 du présent document. À l’échelle des agglomérations de coupes en pessière, les blocs de forêt résiduelle seront souvent constitués de vieux peuplements en allongement de révolution.

Afin que les vieux peuplements maintenus en place puissent jouer pleinement le rôle écologique qu’on attend d’eux, les aménagistes porteront une attention particulière à l’analyse de leur composition végétale. En établissant le lien avec les analyses réalisées à cet égard (Partie I – Analyse des enjeux, chapitre 1), ils chercheront à réduire les écarts de composition des vieux peuplements qui auront été diagnostiqués localement. Le choix des strates forestières où prioriser les allongements de révolution sera fait de manière à combler les lacunes observées. Souvent, les aménagistes favoriseront les peuplements de fin de succession, composés d’une bonne proportion d’essences longévives plus aptes à l’allongement de la révolution. Dans les régions qui font face à une menace d’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette, les aménagistes tiendront compte le plus possible de la vulnérabilité des peuplements afin de favoriser le maintien des peuplements les moins vulnérables.

La valeur écologique des vieux peuplements maintenus en place sera largement influencée par leur configuration spatiale, particulièrement dans les cas où ces peuplements deviennent rares dans le paysage aménagé. Cet aspect a fait l’objet d’analyses expliquées dans le chapitre 1 (Partie I – Analyse des enjeux). En fonction du diagnostic posé, les aménagistes chercheront aussi à combler les lacunes observées. En général, ils feront en sorte d’éviter que la forêt résiduelle soit linéaire et tenteront de minimiser l’effet de bordure dans ces peuplements afin de favoriser la présence d’une forêt d’intérieur. L’effet de bordure agit sur une distance variable selon la nature de la perturbation juxtaposée, et en fonction de l’espèce considérée, mais en

retenant la distance de 50 m, on peut obtenir une image généralement valable de la disponibilité de la forêt d’intérieur.

Selon la situation observée localement, et en vue de rendre un certain volume de bois disponible afin d’atténuer les conséquences sur la possibilité forestière, les aménagistes peuvent opter pour des scénarios de coupes partielles qui seront adaptés de manière à maintenir les principaux attributs des vieux peuplements. Ces traitements1 formeront de vieux peuplements « imités », au sens où ils pourront remplir plusieurs des fonctions écologiques essentielles attendues des vieux peuplements. Ils contribueront ainsi à l’atteinte des cibles de structure d’âge. Toutefois, parce que cette option est empreinte d’incertitude et qu’elle demeure un moyen moins sûr pour répondre aux besoins des espèces associées aux vieux peuplements, elle doit être utilisée avec une certaine prudence et ne devrait jamais constituer la majorité des vieux peuplements maintenus en place.

Ici aussi, les aménagistes chercheront à capter la convergence avec d’autres enjeux d’aménagement (valeurs fauniques, sociales ou écologiques). En ce qui a trait à l’organisation spatiale dans la pessière à mousses, il est souhaitable d’envisager des coupes partielles selon le concept de massif de forêts pérennes aménagé, décrit dans le chapitre 4.

3.2.3 Assurer le recrutement à court, à moyen et à long terme   

Afin d’assurer une présence continue de vieux peuplements tout au long de l’horizon de planification, les aménagistes doivent envisager différentes actions qui favoriseront l’arrivée continuelle de vieux peuplements recrus. À court terme, l’analyse des strates de peuplements matures permet de choisir parmi les options d’allongement de révolution ou de coupe partielle pour générer des recrues dans un futur proche. À moyen et à long terme, les actions viseront surtout à influencer la composition et la structure des peuplements. On cherchera à accélérer le passage vers des stades évolutifs de fin de succession au moyen de traitements d’éducation des peuplements ou à l’aide de coupes de succession. On pourra aussi agir sur la structure des peuplements en modulant certains des travaux d’éclaircie commerciale ou par des traitements de coupe à rétention variable dans les peuplements qui feront l’objet de coupe totale.

Les éléments présentés dans la présente section constituent une synthèse des actions que peut comprendre une stratégie visant le maintien et le recrutement de vieux peuplements. Pour obtenir plus d’informations, le lecteur aura avantage à consulter l’annexe C qui expose un processus d’optimisation des cibles de structure d’âge ainsi que l’annexe B qui présente des recommandations sur l’aménagement en vue de préparer un plan de restauration de la structure d’âge. Les informations qui se trouvent dans ces documents peuvent être utiles dans toutes les situations rencontrées sur le territoire forestier québécois.

1. Pour de plus amples renseignements, le lecteur peut se référer au chapitre 2 et à l’annexe C traitant des plans de restauration.

Photo : Stéphane Déry

4.  S OLUTIONS AUX ENJEUX LIÉS À  L ORGANISATION SPATIALE  DES FORÊTS DANS