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Carences éventuelles en legs biologiques dans les coupes totales

6. Solutions aux enjeux liés aux attributs de structure interne des peuplements et au bois mort

6.2 Forêt boréale et mélangée

6.2.3 Carences éventuelles en legs biologiques dans les coupes totales

Comme les legs biologiques sont susceptibles de jouer des rôles écologiques importants dans la résilience des forêts récoltées, les aménagistes chercheront idéalement à en assurer la présence dans la plupart des parterres de coupe totale. Cela pourrait constituer un objectif général vers lequel les PAFI devraient tendre. Toutefois, un tel objectif requiert des efforts qu’il importe de bien doser, selon une approche de prudence raisonnable et en fonction des coûts associés à la planification et à la réalisation des travaux sylvicoles, de même que des coûts liés au maintien de bois marchand sur les parterres de coupe.

Il n’est pas rare que des portions de peuplements ou des arbres soient laissés sur place en quantité variable lors des opérations de récolte à cause de contraintes opérationnelles comme la présence de fortes pentes, d’accidents de terrain ou de zones humides. Dans d’autres cas, des contraintes économiques rendent certains peuplements, ou des portions de ceux-ci, très coûteux à récolter ou à aménager. Des choix économiques peuvent alors conduire au maintien

Photo : Sébastien Méthot

en permanence1 d’une forêt résiduelle en quantité variable.

Dans les deux cas, il en résulte la présence de legs

« opérationnels » qui peuvent parfois jouer les rôles écologiques normalement attendus des legs biologiques.

L’approche préconisée dans la présente section consiste à prendre en compte ces legs biologiques « opérationnels » et à en évaluer la contribution écologique afin de déployer les efforts de rétention en fonction des carences observées.

En se basant sur cette analyse, on peut alors déterminer le type de rétention à favoriser de même que les endroits où ces efforts devront être déployés. En procédant ainsi, nous croyons qu’il est possible de mettre en synergie les considérations économiques et opérationnelles avec les efforts de rétention d’attributs écologiques clés. On pourra alors augmenter la quantité et la qualité de legs biologiques dans un contexte économique réfléchi où les efforts consentis sont optimisés.

On reconnaît généralement que les coupes à rétention variable constituent un bon moyen d’assurer la présence de legs biologiques dans les coupes totales. Cette approche est d’ailleurs largement utilisée ailleurs en Amérique du Nord depuis une bonne dizaine d’années. La section 2.3.2 du présent document expose les objectifs visés par l’intégration de modalités de rétention variable dans les coupes totales.

La mise en œuvre d’une approche par analyse de carence repose sur le travail effectué pour la Partie I – Analyse des enjeux. Les résultats de cette analyse permettent de dresser un état de la situation afin d’établir les circonstances dans lesquelles les legs biologiques sont présents dans les parterres de coupe (et celles où ils sont absents) et de déterminer leur valeur écologique. Cela conduira les aménagistes à cibler les secteurs où la rétention variable est requise, à déterminer la quantité de coupes à réaliser et à orienter les sylviculteurs dans la définition de modalités de rétention variable bien adaptées à la situation locale.

Rappelons que le travail d’analyse réalisé dans la Partie I – Analyse des enjeux devrait avoir permis de distinguer trois types de chantiers de récolte.

• Chantiers sans legs biologiques. C’est ici que les efforts de rétention doivent être les plus grands. Une proportion significative de ces chantiers devrait comprendre des coupes à rétention variable.

• Chantiers avec présence de legs biologiques. Les forestiers locaux devraient être à même de définir les besoins additionnels de rétention pour compenser les carences dans ce type de chantier. Cela permettra d’établir des cibles quantitatives et qualitatives qui guideront le choix des sylviculteurs.

• Chantiers avec abondance de legs biologiques. Les legs y sont suffisamment abondants pour qu’aucun effort de rétention ne soit nécessaire. Les forestiers locaux devraient cependant s’assurer de la représentativité des legs pour éviter qu’un ou des attributs soient manquants.

1. La notion de permanence est importante. Les legs biologiques sont appelés à jouer des rôles écologiques pour toute la durée de vie du prochain peuplement. Quoiqu’il soit pertinent, le maintien temporaire d’une forêt résiduelle ne peut être associé à la notion de legs biologiques.

Au moment de la préparation du PAFIT, le travail consiste essentiellement à établir une cible générale de coupes à rétention variable qui permet de constituer des provisions en vue du déploiement de ces actions au moment de la planification opérationnelle. Cela permettra aussi de mesurer les conséquences des efforts de rétention sur la possibilité forestière. Le PAFIT est aussi l’occasion de formuler un engagement à poursuivre l’application d’une approche par analyse de carence à l’étape du PAFIO et lors du processus de prescription prévu par les guides sylvicoles. Le PAFIT devrait aussi donner des orientations aux sylviculteurs pour que ceux-ci s’engagent dans un processus d’amélioration afin de mettre au point des modalités de rétention qui seront mieux adaptées aux écosystèmes locaux et à leur dynamique. Pour ce faire, ils s’inspireront des legs biologiques observés dans les perturbations naturelles telles qu’elles se manifestent régionalement (voir l’annexe A). Dans leur réflexion, les sylviculteurs devraient viser à atteindre les objectifs de la rétention variable (voir la section 2.2) tout en veillant à :

• établir des liens avec les autres enjeux écologiques, notamment les enjeux relatifs à la composition végétale (par exemple, en favorisant le maintien d’espèces en difficulté et l’ensemencement des parterres de coupe par les sujets laissés sur pied);

• favoriser la persistance des legs en cherchant à réduire les risques de chablis;

• tenir compte des carences généralement observées dans les legs résultant de contraintes opérationnelles ou économiques.

6.2.3.1 Quelles cibles doit‐on se donner?  

Le travail d’implantation de coupes à rétention variable a été amorcé lors de la mise en œuvre des PGAF de 2008-2013. Avec les PAFI de 2013-2018, nous en sommes à la deuxième étape. Il faut maintenant améliorer la prescription des modalités de rétention, notamment par l’analyse de carence et par l’adaptation régionale et locale des traitements. Il faut aussi envisager un plein déploiement de ces pratiques de manière à augmenter la performance environnementale des coupes totales pratiquées au Québec. La détermination de cibles locales devrait donc s’inscrire dans ce processus d’amélioration continue.

Globalement, les cibles devraient permettre d’assurer la présence de legs biologiques dans la majorité des chantiers de coupes totales. Déjà, les lignes directrices sur la répartition des coupes dans la pessière à mousses prévoient que la superficie récoltée doit être constituée d’au moins 20 % de coupes à rétention variable qui comprennent des modalités de rétention d’au moins 5 % du volume marchand du peuplement. Ce seuil devrait être

Une cible globale à 

Photo : Jacques Duval

considéré comme un niveau plancher qu’il faut chercher à améliorer en considérant les éléments suivants.

La rareté des legs opérationnels. Lorsque les legs opérationnels sont particulièrement rares, il faudrait bonifier les cibles de rétention pour pallier le problème.

L’utilisation des coupes à rétention variable pour répondre à d’autres enjeux écologiques.

Dans certains cas, la cible de rétention sera augmentée pour tenir compte d’un autre enjeu écologique, comme la composition végétale.

La capacité des coupes à rétention variable à atténuer l’impact visuel en réponse à des préoccupations d’acceptabilité sociale.

Les cibles plus élevées qui pourraient découler d’exigences particulières liées à la certification environnementale.

La mesure, sur la possibilité forestière, des conséquences des choix de cibles additionnelles de rétention.

Le cas de la CPPTM 

Parce que la plupart des tiges laissées sur pied lors de l’intervention fourniront la majorité du volume récolté à maturité, la CPPTM représente un cas particulier de coupe à rétention variable. Ce traitement répond simultanément à deux objectifs : un objectif de production de bois, en assurant un retour hâtif d’un peuplement au potentiel de récolte économiquement rentable, et un objectif biologique, en maintenant en place, pour toute la durée de vie du prochain peuplement (ex. : de 70 à 90 ans), une cohorte d’arbres aptes à remplir certaines des fonctions attendues de la rétention variable (complexité structurale et recrutement de bois mort).

Étant donné que les caractéristiques de peuplement requises pour l’application de la CPPTM (structure irrégulière, abondance de petites tiges marchandes, etc.) sont généralement perdues à la suite d’une coupe totale, la CPPTM représente un gain, tant sur le plan écologique qu’économique. Ainsi, avant de mettre en place toute autre forme de rétention variable, on cherchera à utiliser le plein potentiel d’application de la CPPTM.

 

6.2.4 Raréfaction des attributs des forêts perturbées naturellement dans le contexte des