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10. Conclusion et recommandations

10.2. Recommandations

La pharmacovigilance actuelle ne cesse de montrer ses limites, même si bien sûr les effets secondaires font partie des médicaments. Mais autant ils sont acceptables, s'ils sont modérés, pour un médicament efficace, autant ils sont difficilement admissibles pour un médicament peu utile (pas d'étude démontrant une réelle efficacité). Au terme

de cette revue de la littérature et au vu des effets indésirables médicamenteux recensés, nous formulons les recommandations suivantes :

Recommandations aux autorités sanitaires

Nous préconisons de revoir de fond en comble le système :

Que la formation initiale en pharmaco-thérapeutique soit renforcée en fonction d’objectifs précis et exigeants :

- apprentissage de la lecture critique d’articles,

- apprentissage du bon usage du médicament, incluant notamment le respect des indications et le suivi des traitements avec sensibilisation à la question spécifique des prescriptions hors-AMM, qui doivent rester exceptionnelles et motivées,

- apprentissage de la décision thérapeutique concrète et personnalisée,

- formation à la pharmacovigilance, sa finalité et ses aspects pratiques, en particulier la présentation des fiches de notification des effets indésirables,

- formation au « réflexe iatrogène » du prescripteur (c'est-à-dire la nécessité de penser au rôle du ou d’un des médicaments pris par le malade devant l’apparition de tout symptôme ne relevant pas de la maladie traitée),

- participation des Centres Régionaux de Pharmacovigilance à ces actions de formation, placées sous la responsabilité conjointe des enseignants de Pharmacologie et de Thérapeutique,

- Que soit créée une validation spécifique et exigeante destinée à vérifier l’acquisition d’une authentique compétence en pharmaco-thérapeutique,

- Que la pharmacovigilance et plus particulièrement la notification des effets indésirables fassent l’objet d’un module particulier dans le cadre du développement professionnel continu (DPC),

- protéger les lanceurs d'alerte comme les cliniciens, pharmaciens et sages-femmes, pour qu'ils ne soient pas soumis à des pressions des industriels concernés ;

- exiger des laboratoires qu'ils fournissent "les données complémentaires des essais cliniques" ;

- mettre en place un Comité scientifique faisant partie des principales instances du système de pharmacovigilance ;

- constituer "un organisme public d'information sur le médicament" pour les professionnels de santé mais aussi le grand public ;

- surtout faire bénéficier le doute "au malade et non au médicament", en particulier

"en ne retardant pas les décisions dans l'attente d'hypothétiques études complémentaires" ; et

- assurer la formation continue des professionnels de santé sur la déclaration et la gestion des effets indésirables médicamenteux.

Recommandations aux prescripteurs et aux dispensateurs :

Force est de constater une prise en compte insuffisante des effets indésirables du médicament et leur sous-notification dans la pratique quotidienne des médecins et des dispensateurs. Les raisons en sont diverses. Pour faciliter les évolutions nécessaires, nous recommandons :

o Que la notification des effets indésirables soit largement facilitée par des déclarations simplifiées, notamment électroniques, même si des informations ultérieures sont nécessaires pour les valider.

o Que soient favorisées les relations entre les prescripteurs, les dispensateurs et les Centres Régionaux de Pharmacovigilance, ainsi qu’avec les réseaux constitués des autres vigilances et les registres spécifiques de certaines maladies.

o Que toute notification fasse l’objet d’un retour personnalisé au notificateur, de la part des organismes responsables.

o d’adhérer aux recommandations officielles de l’OMS et du PNLP dans la prise en charge du paludisme simple et compliqué afin d’assurer une harmonisation des régimes thérapeutiques et la pharmacovigilance dans le cadre de l’implémentation des antipaludiques en circulation sur le marché pharmaceutique

o se mettre à jour sur les connaissances actuelles en ce qui concerne les interactions médicamenteuses associées aux antipaludiques ;

o de s’assurer de la conformité des ordonnances et surtout sur les interactions médicamenteuses des médicaments qui y figurent ; et

o de veillé à la bonne pratique d’utilisation des antipaludiques par les patients et de signaler tout effet indésirable médicamenteux au système de pharmacovigilance.

Le rôle des pharmaciens est également central, compte tenu de l’opportunité qu’offre la dispensation des produits antipaludiques pour le recueil d’informations relatives à leur tolérance. Le renouvellement de l’ordonnance et toutes les délivrances sont à cet égard des moments-clés pour la recherche et la notification des effets indésirables. Nous recommandons ainsi :

o que le contact entre le médecin prescripteur et le pharmacien dispensateur soit facilité, en mettant à profit le rôle maintenant précisé de pharmacien d’officine correspondant dans le cadre de la loi hospitalière ;

o que, dans le cadre du développement professionnel continu (DPC), soit instituée une formation commune aux médecins et aux pharmaciens, portant plus particulièrement sur les différents aspects de la pharmacovigilance, en y incluant la notification des effets indésirables médicamenteux.

Recommandations relatives au système de pharmacovigilance

La pharmacovigilance repose sur une observation individuelle des effets indésirables et sur une démarche d’imputabilité, qui en l’état actuel de nos connaissances, ne peuvent être ni remplacées, ni ignorées.

- nous mettons en garde contre l’exploitation hâtive et non scientifique de signaux ou de résultats d’enquêtes limitées et souhaite, en particulier, que le calcul du nombre de décès attribuable découle d’études épidémiologiques sérieuses et non d’extrapolations hasardeuses dont l’impact sur l’opinion publique et les professionnels de santé pourrait générer des conduites thérapeutiques inappropriées et irrationnelles.

L’organisation de la pharmacovigilance doit être la plus coordonnée et la plus réactive possible. A cet effet, nous recommandons :

o Que la pharmacovigilance devienne partie intégrante de l’activité régulière du praticien.

o Que, à partir du quadrillage géographique conservé des Centres Régionaux de Pharmacovigilance, le caractère médical de l’analyse des cas reste centralisé dans un souci d’intégration scientifique des faits. certaine l’accident au médicament. Des méthodologies appropriées aux polythérapies, sources de fréquents accidents, doivent permettre d’appréhender le rôle des associations médicamenteuses dangereuses. Cela nécessite une allocation rapide de moyens permettant l’identification de cas nouveaux ou sévères, notamment inattendus, rares et/ou tardifs.

o Que, la pharmacovigilance devant ainsi être développée, l’évaluation du rapport bénéfice/risque reste de la compétence de l’instance déterminant l’AMM (Direction de la Pharmacie et du médicament),

o Que le circuit administratif entre les différentes instances soit aussi simple et souple que possible pour éviter tout risque de fonctionnement cloisonné. L’optimisation d’un système d’assurance qualité et de traçabilité s’avère également nécessaire.

o Que les relations scientifiques entre les instances d’évaluation et le titulaire de l’AMM, ainsi que son responsable de pharmacovigilance, soient plus exigeantes et plus efficaces, pour permettre de partager toutes les informations et de procéder à l’analyse conjointe des cas cliniques. Ces relations sont essentielles pour optimiser les résultats de l’investigation.

o Qu’il soit fait appel aux Sociétés Savantes et aux Organismes de recherche en cas de besoin.

o Qu’une formation universitaire spécifique continue d’être exigée pour diriger un Centre.

Recommandations relatives à la Pharmaco-épidémiologie

Vu l’importance de la réalisation d’études postérieures à la mise sur le marché, essentiellement de type pharmaco-épidémiologique, tant sur le plan quantitatif (incidence d’effets indésirables déjà identifiés) que pour permettre l’identification de cas rares, inattendus et/ou tardifs survenant lors du traitement de larges populations, pour lesquels la relation entre la prise du médicament et la survenue de l’effet indésirable est difficile à démontrer, nous recommandons :

- Que ces études soient développées et valorisées (contribuant à une estimation des coûts des soins induits par la iatrogénie) ; qu’elles fassent systématiquement et sans délai l’objet de publications scientifiques, y compris les études dont les résultats sont négatifs ; qu’elles soient davantage prises en compte et que leurs résultats soient rendus publics avec déclaration publique d’intérêts.

- Que ces études bénéficient de méthodologies appropriées : études de cohortes, études cas-témoins, tolérance observée au cours d’essais thérapeutiques randomisés post-AMM, exploitation des bases de données des services spécialisés.

- Si l’imputabilité est prouvée ou fortement suspectée, que les études épidémiologiques soient suivies, chez les patients atteints de paludisme, par la recherche, dans des études cas-témoins, de mutations ou de polymorphismes sur les gènes des protéines intervenant dans l’absorption, le métabolisme ou les effets du médicament antipaludique ou, de façon plus extensive, d’études à la recherche de variants sur l’ensemble du génome (« Genome wide association studies »).

- Que la participation des praticiens privés et publics à ce type d’études fasse partie intégrante de leurs missions. Qu’elle soit reconnue et honorée en tant que telle pour les cliniciens.

- Que les délais de réalisation et le financement de ces études soient clairement définis en fonction des objectifs initialement fixés, en particulier lors de l’octroi de l’AMM.

- Que ces études puissent bénéficier réglementairement de toutes les données existantes, publiques et privées, nationales et internationales utilisant notamment les données des banques de données. Toutes ces données doivent êtres rendues facilement accessibles.

Recommandations relatives au Patient et au Citoyen

La finalité du système est l’utilisation optimale des antipaludiques au bénéfice des malades. L’importance du rôle des patients dans le processus de pharmacovigilance est capitale. Dans ce cadre, nous recommandons :

- Que soient mises à la disposition des patients des informations pratiques adaptées à la notification des effets indésirables (où, comment, auprès de qui notifier… ?) des antipaludiques.

- Que les patients puissent être accompagnés, même en cas d’automédication, par les professionnels de santé avec qui ils sont en contact, pour optimiser l’usage du médicament et notifier d’éventuels effets indésirables.

- Que l’on s’appuie sur les associations de malades comme source et comme relais d’informations spécifiques.

- Que ce type de démarche fasse partie intégrante du cursus scolaire, dans le cadre de l’indispensable éducation des citoyens et des patients (éducation thérapeutique) sur le médicament, ses bénéfices, ses dangers, l’importance de l’observance et les dangers du mésusage de l’automédication (internet notamment)

- Que la première année des études universitaires des professionnels de santé, soit utilisée pour permette de transmettre ces messages à une large partie de la population.

- De fréquenter les services sanitaires en cas de paludisme afin d’assurer une meilleure prise en charge optimale avec un minimum de risque ;

- S’informer auprès des professionnels de santé des risques liés à un antipaludique donné ;

- Signaler au professionnel de santé le plus proche tous les effets indésirables accompagnant la prise d’un antipaludique ; et

- d’acheter des médicaments antipaludiques dans les structures sanitaires officielles parce que les contrefaçons, c’est-à-dire des préparations contenant peu ou pas de substances actives, sont très courantes en Afrique.

- Se documenter et de réfléchir avant d’agir.