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Introduction. Dans la continuité des travaux de Papez et prenant en compte les données de la littérature humaine et animale, le modèle anatomo-fonctionnel d’Aggleton et Brown (1999) postule l’indépendance des processus de recollection et de la familiarité. Ces processus seraient sous-tendus par deux circuits anatomiques distincts, comportant chacun un noyau thalamique (Yonelinas et al., 2002). La recollection, correspondant à un processus de récupération d’un item avec des éléments spatio-temporels du contexte d’encodage, serait sous-tendue par le noyau antérieur du thalamus (NA) du fait de ses connexions directes et indirectes (via le tractus mamillo-thalamique) avec l’hippocampe. Parallèlement, en raison de ses connexions avec le cortex périrhinal, le noyau dorso-médian (DM) serait le substrat de la familiarité, processus plus rapide de reconnaissance perceptive (Aggleton et Brown, 1999).

Dans de nombreuses études dans le domaine, peu ont testé le modèle dans le cadre de lésions thalamiques chez l’homme (Tsivilis et al., 2008, Vann et al., 2009). Si un certain nombre d’entre elles ont rapporté la relation entre le complexe NA/TMT et la recollection, aucune n’a clairement décrit le substrat thalamique de la familiarité (Kishiyama et al., 2005, Cipolotti et al., 2008, Carlesimo et al., 2014 pour revue). De manière générale, le rôle du DM dans la mémoire de reconnaissance reste à ce jour incompris, les études se contredisant quant à sa possible implication dans la recollection (Cipolotti et al., 2008, Pergola et al., 2012, Mitchell et Chakraborty, 2013, Tu et al., 2014). Aggleton et al. (2011), dans leur version révisée du modèle, proposent alors un continuum plutôt qu’une dissociation, allant du NA/TMT au DM, en passant par les noyaux intralaminaires qui joueraient un rôle de transition de la recollection vers la familiarité, ouvrant ainsi sur une hypothèse de rôle indirect du DM dans la recollection.

Dans la présente étude, nous nous attendions à un observer une recollection altérée en cas de lésions du complexe NA/TMT versus une familiarité déficitaire en cas de lésion du DM.

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Méthode. Les patients ont été recrutés dans l’étude dans les suites d’un premier infarctus thalamique unilatéral gauche, indépendamment de la plainte cognitive. Un groupe de sujet contrôles apparié à été recruté également. Tous les participants ont été soumis à un bilan neuropsychologique standard exhaustif, à trois tâches expérimentales de mémoire de reconnaissance, à un examen neurologique clinique, et à un examen d’IRM 3D morphologique (T1 et Flair). Tous les examens eurent lieu dans le même lieu et dans le même ordre. Afin d’augmenter la robustesse de l’estimation de la contribution respective des processus de recollection et de familiarité, trois tâches ont été utilisées, choisies pour leur convergence rapportée dans la littérature (Yonelinas et al., 1998, Diana, 2008). Les trois tâches comportent une phase d’encodage et de reconnaissance en choix forcé de type oui/non. L’estimation de la participation de la recollection et de la familiarité est permise soit par le rapport subjectif du participant lors de la récupération des items (verbalisation du contexte d’apprentissage dans la tâche RKG, pour Remember-Know-Guess et échelle d’indice de confiance dans la réponse dans la tâche ROC, pour Receiver Operating Characteristics) soit par la catégorisation des réponses lors de la tâche objective PDP (pour Process-Dissociation Procedure) (Tulving, 1985, Yonelinas et al., 1994, Jacoby et al., 1991). Le score de Fazekas et Schmidt pour évaluer les lésions de la substance blanche et la segmentation manuelle des lésions thalamiques ont été réalisés par deux examinateurs indépendants. La méthode d’évaluation de l’intégrité du TMT décrite dans le premier article a permis de constituer deux sous-groupes : dMTT (pour damaged MTT) et iMTT (pour intact MTT). Des tests statistiques non-paramétriques ont été utilisés pour les comparaisons des groupes patients et contrôles et les corrélations (U Mann-Whitney et Rho Spearman), ainsi que des tests de permutations pour les comparaisons des sous-groupes dMTT et iMTT ont été réalisées.

Résultats. Nous avons recruté 14 patients présentant un infarctus thalamique gauche (à au moins 3 mois de l’AVC) dont 12 ont été finalement inclus, ainsi que 25 sujets contrôles. Le profil neuropsychologique de chacun des patients met en évidence une amnésie antérograde verbale et un trouble exécutif modéré. Les lésions atteignent toutes le DM alors que le NA est intact chez tous. Le TMT est lésé chez 7 patients, correspondant au sous- groupe dMTT. Les résultats aux tâches de reconnaissance montrent la recollection est

129 altérée chez les patients quelle que soit la tâche alors que la familiarité est systématiquement préservée. La recollection et la familiarité, moyennées à travers les tâches, sont fortement corrélées chez les patients (Rho=.85, p=.05). Le sous-groupe dMTT affiche les indices de recollection et de familiarité les plus bas. Enfin les comparaisons des indices de mémoire de reconnaissance entre les sous-groupes dMTT, iMTT et contrôles montrent des indices plus bas chez les dMTT par rapport aux iMTT et aux contrôles. Les iMTT ont un indice de performance globale et de recollection plus bas que les contrôles tandis que l’indice de familiarité n’est pas différent du groupe contrôle.

Discussion. Dans cette étude nous montrons que si aucune lésion du NA n’est décrite, tous les patients présentent une lésion du DM. Par ailleurs, quelle que soit la tâche utilisée, les comparaisons de groupes montrent systématiquement une atteinte de la recollection sans atteinte de la familiarité. Cela n’était pas attendu car en désaccord avec le modèle (Aggleton et al., 2011). Que signifie ce résultat ? On peut invoquer le postulat d’Aggleton et al. (2011) selon lequel le DM pourrait avoir un rôle indirect dans la recollection du fait de ses connexions avec les noyaux intralaminaires eux-mêmes recevant quelques afférences du subiculum. Les noyaux intralaminaires étant également lésés chez quasiment tous nos patients. Cette atteinte pourrait directement affecter la recollection (Schmahmann, 2003). Néanmoins dans les deux conditions la familiarité devrait au moins être autant altérée, ce qui n’est pas le cas ici. Le thalamus est-il un substrat de la familiarité, processus perceptif de relativement bas niveau ? Une autre possibilité est que nos tâches ne nous aient pas permis de capturer la familiarité. Peut-être que des tâches de dissociation, comme la SAB, pour Speed-Accuracy Boosting task, pourraient être plus appropriées que les paradigmes d’estimation que nous avons choisis (Besson et al., 2012).

130 Running title: Recognition memory after thalamic stroke

Medial thalamic stroke and its impact on familiarity and