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D U MODELE PRINCEPS D ’ AGGLETON ET BROWN (1999) AU M ULTI E FFECT M ULTI N UCLEI MODEL (MEMN) D ’A GGLETON (2011)

L’implication du LTM, en particulier de l’hippocampe et du cortex périrhinal, dans les processus de recollection et de familiarité n’est plus à démontrer (Brown et Aggleton, 2001, Eichenbaum, 2007, Squire et al., 2007). Cependant, si de nombreuses études démontrent un rôle de l’hippocampe dans la recollection alors qu’une seule observe un déficit pur de la familiarité suite à une lésion du cortex périrhinal (Bowles et al., 2007). Le circuit de la recollection du modèle de 1999 s’articule autour de l’hippocampe et du noyau antérieur du thalamus tandis que celui de la familiarité compte le cortex périrhinal et le noyau dorso- médian du thalamus. Un rôle spécifique est ici postulé pour chacune des 2 structures intra- thalamiques. Comme nous avons pu le voir le modèle a été testé dans le cadre de lésions thalamiques chez l’homme et chez l’animal sans qu’un consensus n’émerge clairement quant au rôle spécifique des noyaux thalamiques dans chacun des processus (Zoppelt et al., 2003, Cipolotti et al., 2008, Pergola et al., 2012). Les résultats ne corroborent pas nécessairement le modèle, même en ce qui concerne la recollection (Pergola et al., 2012, Tu et al., 2014). Partant des noyaux, si les lésions du noyau antérieur entraînent dans la

98 majorité des cas une baisse de la recollection en mémoire de reconnaissance, une atteinte du noyau dorso-médian est la cause de troubles tantôt du rappel tantôt de la reconnaissance. En outre, aucun cas présentant une lésion thalamique avec une atteinte de la familiarité sans atteinte de la recollection n’a été rapporté à notre connaissance.

Avec l’évolution des techniques d’imagerie, Aggleton et al. (2011) révisent le modèle princeps et y introduisent, à partir d’études chez l’animal et chez l’humain, des notions de connectivité cortico-thalamique et thalamo-corticale structurale et dans une moindre mesure fonctionnelle (Saunders et al., 2005). Prendre le problème de l’amnésie thalamique par le biais des faisceaux qui relient entre elles les structures de grise d’un circuit pourrait bien clarifier les choses. C’est ainsi que le Multi-Effect Multi-Nuclei model (MEMN) propose un continuum de structures diencéphaliques allant du noyau antérieur impliqué dans la recollection, au noyau dorso-médian impliqué dans la familiarité, via les noyaux intralaminaires possiblement impliqués dans les 2 processus. Ce qui rend possible un rôle « indirect » du noyau dorso-médian dans la recollection. Tournant résolument le dos à une approche localisationniste, le MEMN intègre les connexions multiples, directes et indirectes qui font communiquer le diencéphale avec le LTM (Cf. Figure 57).

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Figure 57. (En haut) schéma de Saunders et al. (2005) issu des données de la littérature animale, dont se sont inspirés Aggleton et al. (2011) pour représenter (en bas) la connectivité entre le LTM et structures diencéphaliques sur laquelle se basent les hypothèses du MEMN. L’ellipse délimite le thalamus.

En 2011, Aggleton et al. ont mis à jour le modèle initial de la neuro-anatomie des processus mnésiques (Aggleton et Brown, 1999, Aggleton et al. 2011). En intégrant une représentation « connectomique » le MEMN introduit la notion de connexions multiples, directes et indirectes, communes à plusieurs structures, ébranlant la notion d’indépendance et de structure-dépendance des processus cognitifs (Cf. Figure 57 (en bas) et 58).

Figure 58. Connexions directes (flèches pleines) et indirectes (flèches pointillées) entre structures du LTM et noyaux thalamiques par le MEMN.

100 Le MEMN pose la question de la spécificité fonctionnelle des structures intra-thalamiques dans les processus mnésiques. Si le LTM assure les fonctions de récupération en mémoire antérograde en collaboration avec le cortex préfrontal auquel il projette et duquel il reçoit des connexions directes, pourquoi avoir besoin du diencéphale et plus particulièrement du thalamus ? Pourquoi une lésion thalamique rend-elle une personne amnésique ?

Plusieurs hypothèses sont avancées dans la littérature, s’appuyant sur les connexions directes existant entre les structures diencéphaliques et intra-thalamiques et les structures du LTM.

La plus courante et la plus historique concerne le fait que le noyau antérieur du thalamus et quelques noyaux de la midline sont les seuls à posséder des connexions directes et réciproques avec l’hippocampe et le cortex entorhinal. Ce qui pourrait expliquer l’implication de ces structures dans la mémoire (Ghika-Schmid & Bogousslavsky, 2000, Kishiyama et al., 2005).

La connectivité du noyau dorso-médian est également en cause. En effet ce noyau reçoit des afférences du cortex périrhinal et entorhinal, ce qui expliquerait son implication dans la mémoire de reconnaissance. Mais il projette des efférences au cortex préfrontal, et non pas au LTM. Ce qui expliquerait les troubles du rappel consécutifs à une lésion du noyau dorso- médian mis en évidence par des études récentes (Pergola et al., 2012, Tu et al., 2014).

La troisième hypothèse anatomique concerne les noyaux intralaminaires et de la midline dont on connait encore mal les fonctions mais dont on sait qu’ils reçoivent quelques afférences de l’hippocampe et du cortex parahippocampique.

Sur la base du modèle initial d’Aggleton et Brown, le MEMN postule que non plus 2 mais 3 groupes de structures et faisceaux organisés en continuum sous-tendent les processus de reconnaissance (Cf. Figure 59). Sont décrits dans le modèle i\ le complexe corps mamillaires - noyau antérieur du thalamus, interconnectés par le tractus mamillo-thalamique comme substrats de la recollection, ii\ les noyaux de la midline et les noyaux intralaminaires à l’interface entre recollection et familiarité dont on postule un rôle indirect dans la reconnaissance via leur implication dans les fonctions attentionnelles et d’éveil, iii\ le noyau dorso-médian comme substrat de la familiarité du fait de ses connexions avec les cortex

101 périrhinal et préfrontal (il est précisé que le noyau dorso-médian, du fait de ses interactions avec les noyaux intralaminaires et de son rôle dans d’autres fonctions cognitives, pouvait indirectement impacter la recollection).

Figure 59. Continuum de structures diencéphaliques entre recollection (R) et familiarité (K pour Know) (Aggleton et al., 2011). MB Mammillary body, ATN Anterior thalamic nucleus, Mid Midline nuclei, Intra Intralaminar nuclei, MD Mediodorsal nucleus.

Les auteurs posent une hypothèse supplémentaire, fonctionnelle cette fois sur la base d’études menées essentiellement en TEP mais aussi en fMRI ils postulent que les manifestations cognitives observées ne seraient que la conséquence indirecte de la lésion par un phénomène diaschisis, selon le terme déposé par Von Monakov en 1914. Soit d’un dysfonctionnement cérébral métabolique à distance de la lésion. De nombreuses études ont par ailleurs rapporté une relation entre lésion thalamique unilatérale et défaut fonctionnel bilatéral des aires corticales, notamment le cortex cingulaire postérieur et le cortex préfrontal. Cela expliquerait les nombreux cas rapportés présentant un faisceau de troubles inattendu au vu de la localisation lésionnelle dans le thalamus. A commencer par le défaut de recollection observé après une lésion du MD (Cipolotti et al., 2008, Pergola et al., 2012, Tu et al., 2014). Les perturbations cognitives et comportementales présentées par les patients à la suite d’une lésion thalamique pourraient bien résulter non pas du seul dommage structural, mais aussi d’un phénomène dysfonctionnel qui affecterait le réseau entier. Au total, les résultats des études ayant testé l’un ou l’autre de ces modèles se contredisent et sont pour beaucoup difficiles à interpréter du fait de nombreux biais méthodologiques. En effet, la plupart du temps le recrutement est hétérogène, les lésions uni- et bilatérales sont regroupées, ainsi que les gauche et droites alors que les effets de latéralisation dans le thalamus sont connus. Par ailleurs, ces lésions étant rares, les effectifs sont souvent faibles. On trouve donc peu d’études de groupes et lorsque c’est le cas les

102 méthodes statistiques ne sont pas nécessairement adaptées. L’évaluation neuropsychologique des sujets est parfois incomplète, et la mesure de la participation des processus de recollection et de familiarité souvent indirecte. Enfin, l’imagerie est parfois de basse résolution ou même absente, et les méthodes de localisation (exclusivement manuelles) trop approximatives.

Ainsi tout le long de ce travail de thèse et à travers les 3 études présentées, un soin particulier a été porté sur la rigueur et l’adéquation des méthodes utilisées.