• Aucun résultat trouvé

Recherches sur l’insertion socioprofessionnelle et les trajectoires des jeunes adultes 

3.   RECHERCHES PORTANT SUR LES JEUNES NON DIPLÔMÉS 39

3.1  Recherches sur l’insertion socioprofessionnelle et les trajectoires des jeunes adultes 

Le tableau synthèse qui suit présente les recherches en matière d’insertion socioprofessionnelle répertoriées au Québec. Ces recherches ont été effectuées dans des organismes ayant pour mission l’insertion des jeunes adules non diplômés, dont les carrefours jeunesse-emploi.

Tableau 1

Synthèse de recherches sur l’insertion socioprofessionnelle

Chercheurs Contextes des

études/populations Méthodologie Apports/Limites Bourdon et al.

(2009); Supeno (2013); Supeno et Bourdon (2013)

45 jeunes adultes non diplômés en situation de précarité (18 à 24 ans) dans 3 CJE de 2 régions du Québec

Analyse qualitative Entretiens semi- dirigés

Apports : étude longitudinale/ Insertion

socioprofessionnelle,

transitions, bifurcations et sphères de vie; réseaux sociaux et apprentissage. Accompagnement et projection dans l’avenir. Limites : échantillon et milieux (3 CJE dans 2 régions du Québec Gauthier et al., (2004); Trottier, Gauthier et Turcotte (2005) Vultur, Gauthier et Trottier (2006) Vultur (2007, 2009) Trottier, Gauthier et Turcotte (2007) Milieux d’insertion/ 98 jeunes non diplômés (sans DES ou DEP, 5 ans après leur sortie)

Analyse qualitative Entretiens semi- dirigés

Apports : typologie de jeunes ayant quitté les études; projets de formation ou d’emploi; acteurs de leur insertion, complexité et trajectoires professionnelles.

Apports : attitude face aux programmes d’aide à l’insertion : positive ou méfiance ou indifférence. Apports : rapport en lien avec l’école et les programmes. Apports : rapport au temps (fin des études et 5 ans plus tard) selon typologie.

Limites : échantillon et milieux d’insertion.

Trottier et Gauthier

(2007) 46 jeunes non diplômés (sans DES ou DEP) Analyse qualitative Entretiens semi- dirigés

Apports : facteurs multiples de l’insertion et projets de vie; suggestion d’examiner les dispositifs de formation aux adultes et conditions.

Limites : autres dimensions à examiner.

Bourdon et Bélisle

(2005) Jeunes de 16 à 24 ans dans organismes adaptés (jeunes de la rue)

Analyse qualitative Entretiens semi- dirigés

Apport : services éducatifs. Limites : échantillon et milieux et organismes.

Faisant partie des chercheurs de l’Observatoire Jeunes et Société et du Centre d’études et de recherche sur les transitions et l’apprentissage (CERTA), l’équipe de Bourdon et al. (2009) a mené une étude longitudinale auprès de 45 jeunes adultes entre 18 et 24 ans, non diplômés, dans trois CJE en Estrie et en Montérégie. Ces chercheurs dressent un portrait des transitions et des parcours de vie de ces jeunes en mettant l’accent, entre autres, sur l’importance des réseaux sociaux (Supeno et Bourdon, 2013). En outre, l’ouvrage de Bourdon et Vultur (2007) traite du travail des jeunes et regroupe des experts qui examinent les parcours professionnels et l’insertion professionnelle. Ainsi, les recherches précitées concernent surtout l’insertion professionnelle, mais font ressortir deux courants de recherche, soit a) un certain déterminisme ou b) un accent sur les stratégies individuelles de ces jeunes adultes non diplômés qui peuvent agir en tant « qu’acteurs de leur insertion », et ce, en dépit des multiples déterminants de leur réussite scolaire et des contraintes auxquelles ils ont à faire face dans le marché de l'emploi (Fournier, Monette, Pelletier et Tardif (2000); Gauthier et al., 2004; Trottier et al., 2005). Des chercheurs français privilégient également cette position (Nicole-Drancourt et Roulleau-Berger, 1995, 2001; Rose, 1999, 2007) selon laquelle « ils disposent toujours d’une capacité d’interprétation, d’invention de rôles, de situations nouvelles qui leurs sont offertes » (Nicole- Drancourt et Roulleau-Berger, 1995, p. 113). Nous constatons cependant le peu d’information sur ces stratégies dans les recherches répertoriées sauf pour Gauthier et al. (2004), qui concluent que la principale stratégie de repositionnement s’avère le retour aux études (ou le raccrochage scolaire) pour les jeunes en situation de précarité.

Gauthier et al. (2004) ont effectué une étude qualitative et rétrospective portant sur l’insertion professionnelle et le rapport au travail de 98 jeunes qui ont interrompu leurs études secondaires (47) ou collégiales (51) en 1996-1997, dans les régions de Montréal, de Montérégie et de l’Outaouais. Ces chercheurs ont procédé à une recension d’écrits scientifiques portant sur les difficultés d’insertion des jeunes non diplômés, soit la précarité des emplois, le taux de chômage plus élevé, les salaires

moins élevés et leur méconnaissance des mesures ou des méthodes de recherche d’emploi pouvant les aider. Ils ont ainsi examiné les cheminements scolaires, les trajectoires professionnelles, le rapport au travail ainsi que le type d’usage que les jeunes font des mesures d’aide à l’insertion et leur rapport à l’avenir. Les mêmes auteurs insistent sur la complexité de l’insertion professionnelle et ses variables multiples telles le diplôme, l’argent, les biens de consommation, la relation à l’entreprise, le statut, l’âge, leurs ambitions professionnelles et leurs stratégies d’insertion. On peut constater, en premier lieu, les similitudes des résultats de recherche avec ceux déjà présentés en rapport avec les différents facteurs reliés au décrochage scolaire. Toutefois, Gauthier et al. (2004) prennent aussi en compte, outre les caractéristiques personnelles de ces jeunes, leurs projets de formation ou d’emploi. Ces projets s’appliquent même chez les jeunes, surnommés notamment les précaires (chômeurs ou en recherche d’emploi) ou les marginaux (Demazière et Dubar, 1994, 2005; Trottier et al., 2005). Gauthier et al. (2004) introduisent donc ici des éléments relatifs à des projets portés par des jeunes non diplômés, même ceux éprouvant le plus de difficultés. Les auteurs soulignent aussi l’importance et l’impact des relations sociales, du soutien familial et de la présence d’enfants, variables influençant la recherche de stabilité, surtout chez les femmes. D’ailleurs, Trottier et Gauthier (2007) concluent qu’il faut procéder à d’autres recherches examinant, par exemple, la formation d’un couple ou d’une famille.

Il s’agit donc d’une recherche qui va au-delà de l’insertion professionnelle et qui touche également des aspects de l’insertion sociale. Gauthier et al. (2004) et Trottier et Gauthier (2007) prennent ainsi en compte l’ensemble des dimensions de la vie des jeunes en insertion professionnelle et considèrent l’importance d’obtenir le témoignage de ces jeunes tout en insistant sur la dimension temporelle. Par ailleurs, ces recherches n’élaborent pas sur leurs projets de formation ou d’emploi. Quant à Vultur, Gauthier et Trottier (2006), ils se penchent sur la participation minimale aux mesures en place, en soulignant toutefois que les emplois sont trouvés plutôt par les réseaux familiaux ou sociaux, ce qui montre encore une fois l’importance de ces

réseaux. C’est également dans leur rapport au temps que Trottier et al. (2007) confirment que, cinq ans après l’interruption d’études, la plus grande majorité des 46 jeunes non diplômés sont capables de se projeter dans l’avenir. Cette mention de projection et de projets nous semble particulièrement intéressante et revient également dans une recherche de Bourdon et Bélisle (2005) analysant les services éducatifs prodigués au sein d’un organisme communautaire aux jeunes adultes de 16 à 24 ans ayant vécu dans la rue. Les chercheurs soulignent que ces jeunes vivent plutôt dans l’immédiateté et qu’il s’avère difficile pour eux de se projeter. Ainsi, le défi de ces organismes est donc de :

Travailler à la fois dans l’immédiateté, pour soutenir l’engagement, et sur la durée, pour susciter l’intégration, par les apprenantes et apprenants, d’une perspective de long terme, favorisant la persévérance en dépit des contrariétés momentanées ainsi que l’autonomie dans la formulation et la conduite d’un projet de formation et d’insertion à long terme (Bourdon et Bélisle, 2005, p. 183)

Puisqu’il s’agit d’un organisme communautaire dont la mission rejoint en partie celle des entreprises d’insertion socioprofessionnelle, il semble particulièrement intéressant de noter que cette recherche introduit également l’importance de la conduite d’un projet, bien qu’elle concerne des jeunes de 18 à 24 ans. Par ailleurs, les recherches précitées n’ont pas été effectuées en milieu d’entreprises d’insertion socioprofessionnelle. Ainsi, nous considérons qu’une recherche au sein d’entreprises d’insertion socioprofessionnelle pourrait apporter plus d’information sur ces derniers éléments, puisqu’il s’agit de jeunes adultes de 18 à 35 ans ayant probablement débuté leurs relations amoureuses et l’établissement de leur propre famille, tout en mettant en œuvre des projets professionnels également.

Une étude récente de Supeno (2013) apporte un éclairage différent en ce qui a trait aux projets de jeunes adultes dans des organismes, dont les CJE. Il s’agit de la notion de sphères de vie, incluant : ménage, résidence, scolarité, formation, emploi,

relations et accompagnement. Ces éléments de sphères de vie sont en interrelation étroite, comme le spécifie Supeno (2013) dans l’extrait qui suit :

En premier lieu, un changement survenant dans une sphère de vie localisée se propage à l’ensemble des autres sphères. Il y a ici un processus de contamination qui permet la constitution progressive d’une assise stabilisatrice dans le parcours sur laquelle les jeunes adultes peuvent s’appuyer. (p. 166)

L’auteur insiste également sur l’importance des relations et de l’accompagnement de ces jeunes, notamment au sein des organismes ou institutions (CJE ou cégep) et mentionne que ses résultats « semblent pointer vers une programmation offrant une continuité des structures ou des dispositifs d’accompagnement plutôt qu’une architecture privilégiant un accompagnement pointu et ponctuel » (Supeno, 2013, p. 177).

Nous faisons ici le lien avec une étude de Beaucher et Mazalon (2003) portant sur l’évolution de projets professionnels ou d’aspirations professionnelles de 27 élèves inscrits en FMS en alternance travail-études (ATE). Ces auteurs soulignent que « la référence au projet est devenue incontournable dans les différentes sphères de l’existence, tant au niveau individuel que social » (p. 25), et que la connaissance du projet de l’élève peut aider à son devenir professionnel. Dans ce sens, il nous apparaît important de s’intéresser aux projets des jeunes non diplômés, non seulement en termes de projets professionnels, mais aussi à travers différentes sphères de leur vie. Ainsi, à l’instar de Supeno (2013), nous suggérons, pour y arriver, l’étude de leurs projets personnels et professionnels (Beaucher et Mazalon, 2003) pouvant éclairer les sphères de vie (résidence, famille, travail, etc.), et ce, même si la construction de projets peut s’avérer difficile pour certains d’entre eux (Fournier et al., 2003; Supeno et Bourdon, 2013).

Par conséquent, plusieurs recherches abordent ou mentionnent les projets de jeunes adultes non diplômés au sein d’entreprises, d’organismes ou d’institutions scolaires, mais aucune des recherches répertoriées ne dresse un portrait de ces projets ou n’explicite leurs éléments constitutifs. Rappelons que les recherches précitées sont souvent effectuées au sein d’organismes œuvrant auprès de jeunes de moins de 25 ans et non dans des entreprises d’insertion, sauf pour celle de Vultur (2007). En effet, les entreprises d’insertion socioprofessionnelle visent des jeunes adultes jusqu’à l’âge de 35 ans qui, malgré leur passage au sein de CJE, par exemple, demeurent sans diplôme et sont souvent en situation de précarité. Voyons maintenant sur quoi portent certaines recherches en milieu d’entreprises d’insertion au Québec.

3.2 Recherches sur l’insertion socioprofessionnelle au sein d’entreprises