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Nos recherches : discours télévisés, politique et perspectives

Avant de développer la question de la temporalité dans l'analyse des médias et plus particulièrement de la télévision, nous allons revenir sur les problématiques construites dans nos recherches, problématiques qui relèvent majoritairement de questions politiques. Celles-ci, développées initialement dans le contexte disciplinaire de la science politique, débordèrent très largement le champ des professionnels de la politique pour interroger certains points précis de la construction sociale et culturelle de l'État-nation. En outre, nos approches des médias furent dès notre thèse centrées sur les discours médiatiques, intégrant les logiques institutionnelles et économiques de ces derniers.

Nous allons tâcher dans cette première partie d’éclairer ces orientations, avant de détailler comment nous avons travaillé à la production de corpus médiatiques couvrant des périodes de plusieurs années. En effet, il s'est agi au fil de nos différentes publications d'interroger les évolutions des configurations sociales et les nécessités croisées liant les champs politiques et médiatiques. Nous montrerons donc le caractère diachronique de nos terrains d'études et le choix de méthodologies adaptées, ces choix étant dictés par la volonté de saisir des processus sociaux évolutifs. Au terme de cette partie, notre parcours de recherche devrait apparaître plus clairement : un parcours interrogeant les évolutions socio-politiques par le biais des discours télévisés.

I. Discours télévisés et politique

Prendre en considération la dimension communicationnelle du politique, c’est avant tout considérer que l’activité politique possède un versant discursif qui en oriente la nature. Jacques Gerstlé éclaire particulièrement bien cette nature communicationnelle de la politique, qui « ne se définit pas par un ensemble de secteurs ou de problèmes définitivement isolables dans la société puisque n’importe quelle question dans la société peut devenir politique. La politique se nourrit d’enjeux économiques, sociaux, culturels, religieux, ethniques, linguistiques, etc. L’activité politique concerne donc l’émergence des problèmes collectifs, la révélation des demandes adressées aux

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autorités publiques, l’élaboration de projets de solution, le conflit entre ces projets et son mode de règlement. Dans chacun de ces processus se trouve impliquée la communication et sa contribution à l’activité politique est omniprésente qu’il s’agisse de la socialisation et de la participation, de l’élaboration de l’agenda, de la mobilisation ou de la négociation » (Gerstlé, 1992, 11). Au fil de notre parcours, cette dimension communicationnelle du politique fut l’objet de toute notre attention, avec une focalisation sur deux interrogations majeures :

- celle relative à la construction d’un espace institutionnel, géographique, linguistique et culturel commun : l’Etat-nation ;

- celle relative à la représentation politique considérée du point de vue de la sociologie politique (représentants des pouvoirs publics) : c’est-à-dire que nous nous sommes attachés aux traductions discursives de cette représentation, relayée notamment par les médias.

Ces deux questions imbriquées, ont, depuis notre thèse, alimenté nos problématisations. Initiée par un questionnement politologique, poursuivie par le constat de la centralité des médias, notre démarche de recherche vise à éclairer les processus socio-politiques par une approche communicationnelle, dont les médias sont des supports.

1/ Un questionnement initialement politologique…

Le point de départ de notre parcours de recherche fut une thèse de doctorat en science politique soutenue à l'université Toulouse I en 2000. Cherchant à mettre en évidence la production et la consolidation conjointes d’un territoire national et d’élites politiques locales et nationales, cette recherche s’était intéressée à la régionalisation politique et télévisée en France depuis les années 1960. Elle a ainsi analysé la télévision régionale comme une « dispositif d’intégration politique nationale », favorisé par la conception gaullienne de l’Etat et des institutions publiques. Cette perspective, proche de celle qu’Yves de la Haye a pu développer concernant la presse écrite au XIXe siècle, a cherché à comprendre comment l’Etat développe son propre « mode de rationalisation-justification » (de la Haye, 1984, 18) en s’appuyant sur le « secteur de l’information et de

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la communication » afin de consolider son action, désormais orienté vers « un nouveau terrain : celui de l’opinion publique » (idem, 17).

L’essor du média télévisuel et des techniques de communication politique depuis les années 1950 ont en effet participé de ces logiques politico-communicationnelles de circonvolution d’une opinion publique. Bernard Miège note ainsi que « depuis le début des années quatre-vingts un déplacement s’est opéré dans les préoccupations des chercheurs (…). L’irruption des techniques du marketing politique, dans une société où les mécanismes de la représentation politique révèlent souvent leur inadaptation ou voient leur importance négligée par les responsables politiques, va favoriser ce déplacement des préoccupations ; et il n’est pas exagéré de reconnaître que la sociologie politique en est progressivement venue à occuper le devant de la « scène scientifique » en matière de communication de masse : alors même que les orientations de la recherche se sont considérablement élargies, c’est vers elle que se concentrent les demandes et les interrogations des responsables politiques, des dirigeants des médias ou des « stars » de la télévision » (Miège, 2004, 204-205). Ce constat d’un déplacement des préoccupations vers la sociologie politique nous semble révélateur d’une prise de conscience par les acteurs sociaux d’actions stratégiques à mener en termes d’« ingénierie communicationnelle ». Nos objets d’étude, centrés sur le média télévisuel, se situent dans ce contexte social et historique.

En revanche, nous cherchons à nous éloigner d’une vision médiacentrée en proposant une distance critique vis-à-vis de la télévision et des techniques de communication politique, perçues comme des institutions socialement construites et datées. De ce fait, nous accordons, ainsi comme le préconise B. Miège, une attention particulière à « l’étude de l’information comme action produite, résultant bien sûr d’un processus de production plus ou moins complexe et identifiable, mais consistant surtout en un prélèvement d’actions humaines érigées, à la suite d’une alchimie maintenue plus ou moins consciemment à distance des usagers-consommateurs, en événements sociaux » (Miège, 2004, 206). Démarche que nous adoptons à la suite d’auteurs comme Yves de la Haye, Eliseo Veron, mais aussi Raymond Williams, qui posent de manière pertinente l’analyse des discours médiatiques comme interface des rapports de pouvoir et comme lieux de productions de liens sociaux.

La convocation de ces auteurs plus de trois décennies après leurs productions nous semble fort opportune, puisqu’elle permet de réactualiser, avec les acquis de recherches qui se sont succédé depuis, une vision baignée de marxisme et de structuralisme - bien

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qu’elle n’en fut déjà à l’époque plus tributaire. Ce retour à une réflexion en termes de structures est pertinent pour tout un pan de nos recherches sur le politique et les médias. En effet, la construction des « événements sociaux » (cf. supra) - conduite éminemment stratégique de la part des acteurs politiques de l’Etat - se traduit par un « travail permanent sur la consolidation du consensus », le « développement d’un discours politique sur les thèmes de l’intérêt national » ou encore la recherche de « boucs émissaires unificateurs » (de la Haye, 1984, 19). Ce travail est en particulier et de manière croissante réalisé par des institutions politico-médiatiques, au premier chef l’audiovisuel de service public. Les cultural studies britanniques se sont d’ailleurs livré à cette analyse des modes d’imposition d’un cadre culturel dominant. Relayées par les institutions politiques et médiatiques, certains éléments d’« hégémonie » - pour reprendre la terminologie de Raymond Williams - sont ainsi rendus actifs par tout un ensemble de « processus d’incorporation » (Williams, 2009, 36-38).

Entre autres éléments d’hégémonie, la question de la construction du territoire national – notamment par l’étude du maillage médiatique dont il a fait l’objet et par l’analyse des discours politiques médiatisés – apparaît comme une question centrale pour comprendre les raisons de l’essor de la télévision en France à partir des années 1950. Notre thèse liait de la sorte très étroitement la question territoriale et politique à celle de l’essor de la télévision : « notre point de départ sera le territoire, pris dans ses dimensions

géographiques, culturelles et politiques, sans toutefois souscrire aux acceptions métaphoriques du terme (concepts de territoire mental ou imaginaire, par exemple). Dans leurs approches respectives, aussi bien P. Alliès, J-F. Tétu que I. Pailliart ont pris comme point de départ l’exemple de la formation de l’Etat-Nation sur un territoire donné, en soulignant - pour les deux derniers - le rôle concomitant des médias dans ce processus » (Alliès, 1985, Tétu, 1995, Pailliart, 1989) » (Lafon, 2000, 275).

Nos questionnements étaient alors, par leur ancrage initial en science politique, centrés sur la question de la construction territoriale et publique, au cœur de nombreuses recherches menées à la fin des années 1990. Les approches sur le politique et le local se situaient se situaient alors dans le contexte des lois de décentralisation de 1982-1983, très discutées dans le champ scientifique, avec une forte orientation communicationnelle liée à l’essor de la communication territoriale, alors initialement qualifiée de « publique » (Alibert, de la Haye, Miège, 1982). Nous nous étions d’ailleurs intéressés de près à l’utilisation des techniques vidéo par la mairie de Toulouse, qui diffusait ses propres émissions sur la chaîne locale hertzienne privée (en la finançant de

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ce fait par achat de temps d’antenne), Télé Toulouse, créée en avril 1988 (Lafon, 1999). Ces actions communicationnelles nous étaient alors apparues comme les productions d’un service administratif dont la professionnalisation était modérée (absence de journalistes ou de professionnels de la communication, prédominance de métiers techniques) et les actions pragmatiques et largement intuitives, adoptant une « posture

intermédiaire qui n’est pas sans rappeler la démarche de l’infotainment, mélange d’information

et de divertissement, le tout accompagné d’une promotion active satisfaisant la hiérarchie politique par une connaissance intuitive des axes de campagne des élus et du principal d’entre eux : D. Baudis » (Lafon, 1999, 136).

Cette activité qui était alors qualifiée de « journalisme territorial » était en plein essor, suscitant colloques et prises de position dans le champ scientifique comme dans l’espace public, avec la publication d’ouvrages visant à promouvoir et à légitimer ce nouveau champ professionnel. La dimension professionnelle croissante de la communication politique était alors bien été analysée par les SIC et en particulier par le Gresec, notamment en la resituant dans des processus historiques de construction de l’Espace Public (Miège, 1989 ; Pailliart, 1995). Cette problématique de la communication territoriale, largement traitée jusqu’à la fin des années 1990, connaît un regain d’intérêt, comme le montre l’approche en termes de « travail territorial des médias » (Noyer, 2011). Cette question recouvre désormais « une certaine communauté de travaux » interdisciplinaires visant à « éclairer la communication de l’Etat » : « ainsi l’analyse territoriale est-elle également une analyse de l’Etat et sur l’Etat en local » (Pailliart, 2011, 150-152).

Tous ces objets relatifs à la dimension territoriale des médias et des pratiques communicationnelles locales ont une vertu essentielle, celle de montrer la diversité géographique du territoire national. Historicisés, ils obligent à poser un regard renouvelé sur la (re)construction des identités locales, les cultures locales et les modes de vie de sociétés rurales ayant été au cours du XXe siècle progressivement remises en question par les modes de vie urbains. La question de la construction d’un Etat-Nation recoupe également largement celle de la représentation politique, à savoir l’institutionnalisation d’un appareil politico-administratif et la construction symbolique à visée légitimante de ces institutions (légitimité étant entendue comme « l’acceptation du pouvoir », Gingras, 2008, 3). Cet objet, le territoire national et sa construction, objet initialement politique au sens strict, gagne ainsi à être ouvert aux questionnements pluridisciplinaires et notamment info-communicationnels : les médias sont aussi des

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relais de publicisation de toute une « ingénierie symbolique démocratique » produisant un « gouvernement du social » (Ollivier-Yaniv, 2009) qu’il s’agit de prendre en compte. Cet apport des Sciences de l’Information et de la Communication vient ainsi amender utilement nos problématisations initiales, non moins nécessaires mais davantage socio-historiques – voire juridiques –, en science politique.

2/ …poursuivi par le constat de la centralité des médias…

Ainsi se dessine un objet scientifique à la fois politique et communicationnel : l’Etat-Nation et ses territoires, mis en discours par leurs acteurs dans une représentation politique intégrant désormais les logiques médiatiques. En effet, l’apport des deux disciplines, science politique (avec des auteurs comme Jacques Gerstlé, Erik Neveu, Eric Darras) et sciences de la communication (Bernard Miège, Isabelle Pailliart, Robert Boure, Caroline Ollivier-Yaniv par exemple), s’avère sur ce point majeur pour saisir la manière dont le champ politique cherche à « rénover ses dispositifs de figuration » dans un contexte de « relations publiques généralisées » (Miège, 1989, 110). Nos problématisations sur ces questions se sont par conséquent enrichies de ces deux approches, au point que nous considérons désormais les discours médiatiques comme un point de rencontre d’intérêts communs des champs médiatique et politique.

Acteurs politiques et médiatiques se trouvent ainsi impliqués dans des « logiques

d’investissements croisés », que nous avons par exemple analysées avec le cas du passage

d’Olivier Besancenot chez Michel Drucker (Lafon, 2009). Penser les investissements croisés sur ces marchés politiques et médiatiques revient donc en quelque sorte à identifier certaines logiques d’acteurs précises, et avant tout à mettre en lumière les objectifs des « investisseurs », qu’il s’agisse d’acteurs politiques ou médiatiques (cf. infra, partie III, chap. 2). Il existe par conséquent des configurations communes dans lesquelles peut se développer un « discours politique », distinct d’une parole non construite. Le discours politique, et davantage encore lorsqu’il est télévisé, relève donc pour une large part de stratégies (mâtinées de tactiques), reposant sur une « croyance unanime dans le pouvoir lié de la télévision et des sondages. Car ce n’est pas tant la télévision et les sondages qui font les rois, mais bien la croyance médiacratique (dans la toute-puissance de la télévision et la validité des sondages) qui s’avère ainsi opératoire dans le réel » (Darras, 2008). Ce point d’une croyance en la puissance du média et des

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sondages est d’ailleurs une question largement abordée dès les années 1980 par certains auteurs (Beaud, 1984, 331 ; Champagne, 1990).

Notre intérêt pour la télévision repose pour une large part sur son caractère « massif » en termes d’audience et sur son caractère structurant en termes d’effets supposés, tout au moins en termes de visibilité (Derville, 2005, 109-115, Heinich, 2012). C’est aussi pour ces mêmes raisons que nos recherches ont progressivement « glissé » de la télévision locale privée hertzienne – aux audiences confidentielles – à la télévision régionale publique à l’audience pérenne et importante quantitativement (voir « totale » dans les années 1970 lors de la diffusion simultanée des actualités régionales sur les trois chaînes publiques). C’est ainsi que nos premiers objets de recherche ont pris en considération Télé-Toulouse et les émissions de la mairie de Toulouse sur cette chaîne locale (Lafon, 1999), avant de se réorienter par notre doctorat sur la télévision de service public. Cependant, nous avons dès ces premières publications fondé nos études sur une prise en compte des discours télévisuels, au croisement des approches discursives et sociologiques (cf. infra, même chapitre, III, 3/). Bernard Miège faisait le constat de certains manques des recherches françaises portant sur les médias depuis leurs origines : « dans les conceptions le plus souvent défendues, il est rarement fait appel à la fois aux ressources de la sémiologie et à celle de la sociologie » (Miège, 2004, 203). C’est cette voie que nous nous efforçons de suivre, en mobilisant les acquis pluridisciplinaires des analyses portant sur les médias et en particulier la télévision, en fort essor depuis les années 1990. Malgré cet essor, les « études médiatiques » en France (pour éviter l’anglicisme Media Studies qui ne recoupe pas de champ de recherche institutionnalisé) furent à ce point écrasées par les approches disciplinaires que certains observateurs les ont qualifiées de french blind spot (Cusset, 2012). Certes, la sociologie de Pierre Bourdieu avait dès les années 1970 importé et publié les écrits d’auteurs anglo-saxons sur la question médiatique (notamment Richard Hoggart). Certes, les études cinématographiques et linguistiques ont pu aboutir à l’essor de recherches sémiologiques sur les productions médiatiques (encore que les objets d’études furent conjoncturels et disparates). Des intellectuels brillants (M. de Certeau) ont aussi pu se saisir de l’objet, en se fondant sur des enquêtes publiques. Mais en réalité, jusqu’à la naissance - ou plutôt jusqu’à la consolidation - des sciences de l’information et de la communication à partir du milieu années 1980, les études sur les médias et la télévision ont peu produit d’ouvrages ou articles scientifiques (mis à part certains travaux pionniers comme ceux, au Gresec, d’Y. de la Haye et de B. Miège).

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Depuis les années 1980 en revanche, les productions universitaires sur les médias se sont multipliées au point de produire des sous-champs spécifiques, aux approches méthodologiques variables. Concernant la télévision, on peut par exemple aussi bien rencontrer des études sémio-discursives (Lochard, Soulages) que sociologiques à orientation sémiotique (Jost). Nous pouvons distinguer schématiquement les recherches sur la télévision en trois groupes, centrés sur :

- les logiques économiques et politiques (industries culturelles, publicisation, professionnalisation, socio-économie des médias) ;

- les pratiques (réception, éthnométhodologie, ancrages sociaux) ; - les discours (analyses du discours, sémiotiques).

Comment nos propres recherches se sont-elles alors positionnées ? Pour répondre à cette interrogation, notons que nous abordons les médias par leurs productions : les discours. Mais, à la différence de conceptions médiacentrées, cette approche se veut externe au discours. De même que Jesús Martín-Barbero propose avec sa conception de la médiation de « déplacer les questions pour permettre la recherche sur les processus de constitution de la culture de masse en échappant au chantage culturaliste qui les change inévitablement en processus de dégradation culturelle » (Martín-Barbero, 2002, 7), nous avons cherché à « déplacer » notre regard sur la télévision. Par exemple, l’usage d’émissions de télévision considérées comme divertissantes par les publics peut avoir une finalité politique, comme nous l’a montré l’analyse de l’émission Vivement Dimanche, qui a donné lieu à deux études (Lafon, 2009, 2012a) : « Considérant que la

notion d’infodivertissement fait écran à la compréhension des rapports unissant les acteurs des champs médiatique (presse écrite vs télévision) et politique, cette étude questionne ces émissions en termes d’investissements et d’intérêts croisés » (Lafon, 2012a, 59). Il ne s’agit donc pas d’étudier le langage médiatique en tant que tel mais, par l’étude de corpus d’émissions télévisées, saisir le fait médiatique dans ses logiques économiques, politiques, culturelles et dans ses pratiques : autrement dit, considérer le fait médiatique télévisuel comme un fait social total (cf. point suivant). Cependant, afin d’éviter une objectivation abusive des médias et leurs actions, nous allons préférer au terme de « fait médiatique » celui de « phénomène médiatique », qui induit une conception processuelle pour l’observateur, d’autant que nous entendons resituer ce phénomène dans ses temporalités.

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3/ …et visant à éclairer les processus sociaux par une approche communicationnelle

Le phénomène médiatique, c’est-à-dire l’institution sociale des médias et leurs pratiques saisissables par leurs discours produits, constitue de notre point de vue un fait social total au sens de Marcel Mauss. Rappelons ici la définition qu’en donnait le sociologue en 1923 dans son Essai sur le don : « Dans ces phénomènes sociaux « totaux », comme nous proposons de les appeler, s'expriment à la fois et d'un coup toutes sortes d'institutions : religieuses, juridiques et morales - et celles-ci politiques et familiales en