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Médias et Histoire : construction et délimitation des objets d’étude

Après avoir resitué les médias – et donc la télévision – en lien avec les procès sociaux, il s'agit dans ce chapitre de proposer une réflexion sur la construction d'objets de recherche portant sur les médias dans une perspective socio-historique. La question des échelles d'analyse a toujours été au centre de nos interrogations. En effet, nos travaux de recherche, axés comme nous l’avons vu sur une socio-histoire de la télévision, ont été de manière récurrente confrontés à deux questions, véritables dilemmes pour le chercheur travaillant la question des médias :

- comment monter en généralité et traiter sur un plan macro-social le rôle des médias, en même temps que l'on doit prendre en considération l'extrême variété des micro-situations de réception ?

- comment borner l’analyse en termes de durée prise en compte ?

Pour ce faire, nous allons clarifier une notion qui a toujours été sous-jacente à nos travaux sans avoir été réellement explicitée, la notion de temps médiatiques, avant de montrer que la variation d’échelles de durée et de focales observées (des individus aux groupes institutionnalisés) peut permettre de mieux problématiser l’ancrage socio-historique (en lien avec les processus précédemment mis en évidence).

I. Définir focales et échelles de temps pour l’analyse des médias

La conceptualisation des temps médiatiques se fonde sur l'approche processuelle que nous avons précédemment établie. Elle cherche à réintégrer dans l'analyse des médias les différents processus sociaux évoqués, en faisant varier des échelles à un double niveau : social et temporel. Ce sont ces échelles que nous allons à présent définir, considérant que certaines approches épistémologiques en Histoire peuvent aider le chercheur en SIC à problématiser le « temps long ». C’est dans cette perspective heuristique que se situent ces quelques développements.

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1/ Du procès de communication aux échelles d’analyse

Pour l’observateur du social, rien ne permet a priori de distinguer l'existence de niveaux spécifiques ou séparés les uns des autres. L’historien Bernard Lepetit, qui s'est intéressé à la question des échelles en histoire, a montré que l'échelle n'est pas seulement temporelle ou géographique, elle est aussi et surtout à penser en termes d'étendue sociale :

« la prise en compte des variations d'échelle se situe d'abord du côté de l'objet. L'importance différente des ressources dont disposent les acteurs et la diversité de l'étendue des champs dans lesquels ils sont susceptibles d'agir sont parmi les traits essentiels du panorama social, et forment les sources principales de sa modification. La variation d'échelle n'est pas l'apanage du chercheur ni principalement le produit du processus de construction de la recherche. Il est d'abord le lot des acteurs » (Lepetit, 1996, 81).

Cependant, ainsi qu'il note plus loin, le principe du fonctionnement du social « est pour sa part unique et ne privilégie qu'une seule échelle, celle du microscopique à laquelle opèrent les processus causaux dont dépendent tous les autres » (idem). Cette justification de la démarche micro-historienne n'exclut cependant pas les démarches traditionnelles d'histoires macro-sociales, que B. Lepetit estime tout autant valides. Ce type de débat recoupe certaines oppositions lancinantes de la sociologie (micro/macro, individus/société), que l’on retrouve transposées dans les études sur la communication médiatique.

Pour prégnantes qu'elles soient, ces difficultés furent en partie levées par notre découverte de la démarche sociologique de Norbert Elias. Dès notre thèse de doctorat, nous avions rattaché notre enquête sur l'institutionnalisation de la télévision régionale à ce courant de la sociologie : « Prise en compte sur un plan micro-sociologique de la

psychologie des acteurs, et sur un plan macro-sociologique de la complexification de la société : le « procès de civilisation » tel qu’il fut défini par N. Elias tente de réunir ces deux pôles d’analyse » (Lafon, 2000, 49). Et, en effet, les sciences de l'information et de la communication comme d'autres disciplines telles que la science politique, reconnaissent la valeur de cet apport, son œuvre mettant « à la disposition des SIC des catégories d'analyse (configuration, interdépendances, autocontrôle, etc.) ainsi que des objets anthropologiques communicationnels spécifiques (les mœurs, les manières d'être de se comporter, « la sensibilité » comme produit de l'intériorisation de normes sociales,

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mais aussi les formes de structuration sociale et les jeux d'acteurs, etc.) » (Olivesi, 2006, 193-194). Sa sociologie des configurations et des interdépendances permet notamment de relier les plans micro et macro-sociaux, parce qu’il a su les intégrer dans une vision processuelle : c'est ainsi que le procès de civilisation se décline en deux plans, celui de la civilisation des mœurs et de l'autocontrainte d'une part, la psychogenèse, et celui de la

sociogenèse et de la construction d'un appareil d'État d’autre part. Ces deux plans furent pris en compte dans nos analyses de la télévision régionale et de l’information véhiculée par le 19/20 de France 3, qui montraient comment l’Etat a développé une régionalisation télévisuelle de manière stratégique en lien avec la régionalisation politique (sociogenèse), tout en apportant une expérience médiatique renouvelée des territoires locaux, désormais intégrés dans un cadre de représentation standardisateur (psychogenèse) (Lafon, 2000, 2012d). Notre compréhension du modèle développé par N. Elias rejoint celle qu’exprime Roger Chartier : « Ce grand modèle est une source d'inspiration très forte : il évite le morcellement en histoires séparées les unes des autres ; il restitue l'importance du politique par rapport à la dominante d'une histoire économique et sociale ; il lie les œuvres singulières aux habitus sans lesquelles elles n'auraient pu être conçues, dans le cadre cette fois d'une histoire intellectuelle ou esthétique. Ce cadre est donc très riche et, pour ma part, j'ai toujours essayé de le confronter à des corpus particuliers. » (Chartier, 2010, p. 42).

Cette distinction de niveaux d’analyses et leur articulation opérée par N. Elias a donné lieu à une lecture attentive par Paul Ricœur, qui, dans son ouvrage La Mémoire,

l’Histoire, l’Oubli, en souligne la rigueur conceptuelle, non sans avoir pointé une limite, le « choix de l'échelle macrohistorique qui reste non problématisé tant qu'il n'est pas confronté à un choix différent » (Ricœur, 2000, 261). Nous préciserons ce point sur les échelles de temps dans le point suivant. Pour l’heure, sur la question des focales ou niveaux d’analyse, nous pouvons suivre la manière dont P. Ricœur éclaire la distinction social/psychique, que l’on va introduire pour fonder notre distinction de deux temporalités : temps social et temps vécu (focale macro, focale micro), chacune de ces deux temporalités pouvant être analysée sur des durées variables :

« Le phénomène de diffusion de l'autocontrainte est à cet égard intéressant : il donne l'occasion d'introduire, en même temps que le concept de couche sociale (avec d'abord la paire guerrier/courtisan, puis la paire aristocrate/bourgeois), celui de couche psychique, proche des instances de la théorie psychanalytique (surmoi, soi, ça), en dépit de la méfiance d'Elias à l'égard de ce qu'il tient pour l'antihistoricisme de la théorie freudienne. Ce phénomène de diffusion de couche en couche (sociale et psychique) fait

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apparaître lui aussi des phénomènes de dispersion et de recentrement, à la faveur du phénomène de diminution des contrastes qui fait de nous des « civilisés » » (Ricœur, 2000, 264).

Ces remarques de P. Ricœur sur l’œuvre de N. Elias nous donnent à voir que la dimension psychique des individus est un point central de son modèle théorique. Un recueil de textes récemment paru rassemblant des écrits de N. Elias sur ces questions,

Au-delà de Freud. Sociologie, psychologie, psychanalyse, montre bien son intérêt pour la psychanalyse, qu’il entend relier à la sociologie dans une conception processuelle : « la sociologie et la psychanalyse, telles que je les comprends, ont ceci en commun qu’elles utilisent comme point de départ un concept dynamique – l’être humain en tant que processus » (Elias, 1990, 131). Cependant, N. Elias pointe bien vite les limites de la théorie de S. Freud, principalement l’a-sociologisme de la psychanalyse (que P. Ricœur relève en parlant d’antihistoricisme). Si ce que S. Freud dit de l’individu est bien dynamique, ce qu’il « a à dire des aspects sociaux de la vie humaine pâtit en revanche de l’absence de cadre processuel » (idem, 164-165). Ainsi, le projet de recherche de N. Elias consiste à penser toutes les dimensions de la vie humaine de manière dynamique, vie collective (couche sociale) et vie individuelle (couche psychique), ces deux aspects étant inséparables et participant l’un de l’autre.

Ainsi, si ces « couches », couche sociale (à laquelle se rattachent des mouvements de « sociogenèses ») et couche psychique (« psychogenèse ») sont les objets observés selon une focale choisie, alors leurs évolutions et les jeux d’échange entre ces couches sont les processus que l’on cherche à mettre à jour, à comprendre. Ainsi, par exemple, une analyse centrée sur la télévision, ou plus précisément un fait télévisuel bien délimité, visera selon ce schéma à décrire : 1/ les institutions et rapports sociaux liés au média et concernant le fait observable, et 2/ les actions et pratiques des individus impliqués lors de ce fait. Le tout dans une perspective diachronique, afin d’observer les mouvements d’échanges entre ces deux plans, amenant à leurs évolutions respectives et conjointes. Cette démarche a ainsi permis dans l’un de nos travaux de montrer que l’émergence de certaines maladies dans l’espace public (cancer, maladie d’Alzheimer) relevait de ces deux plans : à la fois une demande sociale croissante d’information que l’on pourrait relier au procès de civilisation des mœurs, et à la fois une prise en compte par l’Etat et certains acteurs politiques – précisément les présidents J. Chirac et N. Sarkozy – de ce nouveau secteur d’intervention politique fortement légitimant (Lafon & Romeyer, 2008 ; Lafon & de Oliveira, 2012). Cette enquête s’insérait dans le cadre d’un séminaire de

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recherche mené au sein du Gresec entre 2008 et 2011 et ayant bénéficié d’un financement, intitulé « média, communication et santé ». Il s’agissait alors d’identifier des temporalités d’émergence des maladies dans l’Espace Public, par l’analyse notamment de l’apparition de cette thématique dans les médias d’information et de divertissement. L’hypothèse était que l’émergence des maladies pouvait suivre un schéma ordonné, caractérisé par une première publicisation portée par des associations de malades et des interventions individuelles (témoignages) dans les médias, ensuite par une systématisation des discours d’information impliquant notamment des acteurs du champ scientifique, et enfin par des interventions politiques, éventuellement au plus haut sommet de l’Etat. Cette hypothèse semblait se vérifier dans le cas du cancer, puis de la maladie d’Alzheimer dans un second temps, qui avaient connu une telle émergence se concluant par des plans et chantiers présidentiels (Lafon & de Oliveira, 2012). Une troisième pathologie avait été prise en compte dans l’étude sans avoir toutefois révélé une systématisation de ce « mécanisme » : il s’agissait des allergies respiratoires. La démarche retenue permettait ainsi de relier et d’articuler dans une évolution temporelle, sur la période 2000-2008, des discours médiatiques révélateurs, pour reprendre la terminologie précédemment adoptée, d’une couche sociale (institutions ayant intérêt à de telles communications, rapports croisés des champs politique, médiatique et de la santé), sous tendue par une couche psychique (du côté des publics-consommateurs de discours médiatiques sur la santé). Par une entrée principalement médiatique, il devenait ainsi possible de révéler des « modalités d’émergence des questions de santé dans l’espace public » comme l’indique l’introduction au dossier publié à la suite de ce séminaire (Pailliart & Romeyer, 2012). Ce faisant, se trouvent impliqués et liés dans des relations d’interdépendances divers champs sociaux et divers publics composés d’individus intéressés aux questions de santé, ce qui pose la nécessité de bien articuler ces niveaux d'analyse, que nous qualifions de focale, de les expliciter puisque chacun d’entre eux est justifiable de méthodologies spécifiquement définies. Sur ce point, la réflexion suivante de B. Lepetit est éclairante :

« aucune échelle ne jouit d'un privilège particulier. Les macros-phénomènes ne sont pas moins réels, les micros-phénomène pas plus réels (ou inversement) : il n'y a pas de hiérarchie entre. Les représentations à différentes échelles ne sont pas des projections de réalités qui se trouveraient derrière elles. (…) Ainsi, la multiplication contrôlée des échelles de l'observation est susceptible de produire un gain de connaissance dès lors que l'on postule la complexité du réel (les principes de la dynamique sociale sont pluriels et se donnent à lire selon des configurations causales différentes) et son

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inaccessibilité (le mot de la fin n'est jamais donné et la modélisation est toujours à reprendre) » (Lepetit, 1996, 92).

2/ Des focales aux échelles de temps médiatiques

Il nous semble que la distinction des deux principales focales précédemment entrevues permet d'opérer une partition pratique en permettant de centrer le regard simultanément sur un double plan, inter-individuel et macro-social. Ce faisant, ce qu’il s’agit d’observer, c’est l’ensemble des échanges entre ces plans, échanges qui permettent de saisir la dynamique sociale dans ses développements. À titre d'exemple, et pour discuter un terrain en lien avec les cas précédemment évoqués, notre recherche sur les fictions télévisées abordant la question du cancer (Lafon, 2007) a permis de relier deux réalités sociales :

- une réalité micro-sociale, celle du rôle de la fiction pour les individus et de son application dans le cas étudié, à savoir la recherche par les téléspectateurs d'une « confrontation distanciée » à la maladie ;

- une réalité macro-sociale, celle de la télévision comme industrie culturelle fonctionnant à l'audience, aboutissant à l'essor sur trois décennies de la diffusion de ce type de fiction en prime time.

Ce faisant, nous avions pu questionner les modifications dans le temps long du rapport social à une maladie, ainsi que l'usage des médias et de la télévision, en particulier à cette fin. Cette dernière remarque nous amène à introduire une seconde dimension à l’analyse – outre les focales –, celle de la temporalité et de ses échelles. « Les échelles temporelles peuvent être définies en termes de segments chronologiques (plus ou moins long) ou de rythme de l'intensité du changement (plus ou moins rapide) » (Delacroix, 2010, 726). Une analyse peut couvrir une temporalité plus ou moins étendue et, sur ce point encore, nous adopterons une bipartition un peu artificielle mais pratique, en distinguant temps long (diachronie) et temps court (synchronie). Cette nécessaire articulation entre temporalités et niveau d'analyse est bien pointée par la réflexion suivante de Bernard Miège :

« Il est essentiel de relier, de façon fine, les développements de la communication aux mouvements des sociétés, en articulant les niveaux micro- et macro-sociaux, temps

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court et temps long. Il est manifeste qu'actuellement une proportion importante de chercheurs s'intéresse seulement au court terme et aux interactions de la vie sociale quotidienne ; ce « réductionnisme » doit être critiqué » (Miège, 2004, 18)

.

Prenant en compte cette double échelle, temporelle et sociale, nous avons tenté de résumer dans le tableau suivant les différentes temporalités qu'il est possible de prendre en compte dans une analyse portant sur un objet médiatique.

Tableau 5 – Echelles et focales des études médiatiques

Echelle de durée longue Echelle de durée courte Focale

macro

Temps médiatiques sociaux diachroniques

Temps médiatiques sociaux synchroniques Focale micro Temps vécus médiatisés

diachroniques

Temps médiatique vécus synchroniques

Afin de clarifier ces diverses temporalités qu’il est possible de prendre en considération, nous les avons articulées dans un concept central, celui de « temps médiatique ». Déjà en 1995, Marc Lits avait coordonné un dossier de la revue Recherches en communication sur « le temps médiatique ». Mais l’appréhension du concept s’avérait alors toute autre, son acception se rapprochant plutôt de la notion de « temps médiatisé », traduisant le rythme accéléré de la mise en récit médiatique (Lits, 1995, 58).

Aussi, nous définirons cette notion de temps médiatique comme une échelle d’observation des faits socio-communicationnels dans une visée processuelle, échelle à double entrée : échelle de durée observée (synchronie/diachronie) et focale retenue (temps médiatique vécu/temps social médiatique).

Cette prise en compte du temps emprunte pour une large part aux concepts de l'Histoire, mais elle les redéfinit afin de les intégrer à une approche communicationnelle. En effet, ainsi que le souligne Antoine Prost, le temps de l'histoire est un « temps social », « celui même des collectivités publiques, sociétés, États, civilisations. C'est un temps qui sert de repères communs aux membres d'un groupe » (Prost, 1996, 102). En conséquence, le temps de l'histoire n'est pas « la durée psychologique, impossible à mesurer, au segment d'intensité et d'épaisseur variable » (idem, 103). Contrairement à notre acception, qui tente de croiser ces différentes temporalités en les introduisant dans la notion de focale. Se croisement des focales et

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des échelles de durées prises en compte permet ainsi de dégager quatre types de temps médiatiques que le tableau ci-dessus a mis en évidence. Bien évidemment, cette catégorisation est davantage un classement systématique qu’un modèle applicable tel quel puisque les recherches entrecroisent bien souvent ces diverses temporalités. Cependant, elle permet de clarifier certains choix opérés lors de la construction d’objets d’étude communicationnels dans une visée de temps long. Nous allons rapidement définir chacun de ces quatre temps médiatiques et les illustrer par certains de nos travaux, tout en signalant dès à présent que nous insisterons sur les temps vécus médiatisés diachroniques qui, à la différence des trois autres types de temporalités, nous semblent peu visibles en tant que champ de recherche, malgré de nombreuses avancées.

Les temps sociaux médiatiques diachroniques en premier lieu correspondent à la prise en considération des logiques structurantes de temps long s'appliquant à un média donné. Concernant nos objets d'études, cette démarche fut privilégiée lorsqu’il s’est agi de retracer l’histoire institutionnelle et politique de la télévision régionale (Lafon, 2000, 2012d), ou encore la progressive mise en place par l'institut national de l'audiovisuel d'un site Internet offrant au public la consultation d'archives télévisées, véritable média télévisuel en ligne (Lafon, 2011a).

Les temps sociaux médiatiques synchroniques se réfèrent quant à eux à la situation actuelle d’un média en cherchant à mettre à jour sa structuration à un instant donné, et en cherchant à saisir sa place parmi les différents champs sociaux. Notre analyse de la médiatisation du champ politique par l'émission de Michel Drucker Vivement Dimanche (Lafon, 2012a) se rattache à ce type de temporalité. Elle s'appliquait en effet à bien situer ce programme dans l'offre télévisuelle actuelle, en prenant en compte les stratégies et investissements actuels et croisés d’acteurs politiques et médiatiques précisément situés.

En se situant dans la synchronicité, la prise en compte de temps vécus médiatisés

synchroniques permet d’éclairer les actions individuelles mises en œuvre à l'occasion d'un événement médiatique, qu'il s'agisse d’actes de réception ou de lecture de la part de publics, ou d'interventions médiatiques de la part d'acteurs sociaux. Analyse particulière ayant donné par son extension lieu au travail précédemment cité, notre étude monographique de l'invitation d'Olivier Besancenot dans l'émission de Michel Drucker, Vivement Dimanche (Lafon, 2009), relève de ce temps médiatique vécu synchronique. Il s'était en effet agi dans cette enquête d’observer comment différentes

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catégories d'acteurs (journalistes de presse écrite, journalistes de télévision « à la marge », acteur politique) interagissaient selon des intérêts communs à l'occasion de la construction d'un événement médiatico-politique. Nous n'avions cependant pas – et