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Recherche thématique ou recherche ponctuelle ?

ANALYSE DES DONNÉES

L’ANALYSE DU TEXTE DE DÉPART ET DU TEXTE D’ARRIVÉE

2.1 Recherche thématique ou recherche ponctuelle ?

Dans la première partie de cette thèse, nous avons dit que l’acquisition de connaissances répondait à un besoin, l’objectif consistant à pallier le manque de connaissances pré-existantes. A partir de là, nous avons essayé de savoir si cette démarche consistait en une recherche thématique, qui se focalise sur le thème en rapport au texte de départ, ou en une recherche ponctuelle destinée à résoudre les problèmes spécifiques liés au texte.90

Un certain nombre de traducteurs ont expliqué qu’ils avaient des difficultés à répondre car ils ne faisaient pas la différence en traduisant

90 Point traité dans la phase-pilote, pendant trois séries d’entretiens et dans deux séries de trois questionnaires respectivement consacrés à l’identification des problèmes du texte de départ, à la démarche d’acquisition de connaissances selon la technicité du texte de départ et à l’utilisation d’Internet dans l’activité traduisante (soit 115 traducteurs au total)

entre recherche thématique et ponctuelle. Malgré ces difficultés, nous fonction des problèmes posés par le texte, par exemple à l’occasion de la survenue de problèmes de reformulation.

Peut-on alors dire que l’acquisition de connaissances se fait uniquement au moment de traduire ? Les répondants essaient-ils de se spécialiser dans leur domaine de spécialité en dehors de leur activité traduisante au sens strict ? Les traducteurs ont expliqué que leur activité ne laisse pas la place à un effort de spécialisation qui ne s’inscrit pas dans l’activité traduisante ; d’après eux, les contraintes auxquelles est soumis le traducteur professionnel font que l’acquisition de connaissances en dehors du texte n’est pas vraiment réalisable.

La plupart des répondants (81 sur 97, soit 83%) ont dit que les traductions étaient souvent demandées dans l’urgence et qu’ils n’avaient pas le temps d’aller plus loin que les problèmes soulevés par le texte.

Mentionnons le commentaire d’un traducteur spécialisé en finance :

Je n’ai pas le temps de consacrer du temps à lire sur le domaine. Ca serait bien si je consacrais une demi-heure à lire des journaux quotidiennement sur le domaine, à relever des termes afin de compléter ma base de données. Mais, dans la réalité, j’ai souvent une urgence et tout le temps disponible dans la journée doit être consacré à cette urgence. On remet à plus tard la lecture mais parfois, on ne le fait pas. J’aimerais bien arriver à faire plus de lectures mais je pense qu’il y a beaucoup de traducteurs qui sont dans ce cas-là.

Un autre traducteur précise :

Récemment, j’ai fait une traduction sur un domaine médical que je ne connaissais pas. Je me suis dit après qu’il faudrait que je m’y intéresse quand j’aurai un peu de temps. En ce moment, je n’ai plus le temps de me dire : « Je vais me passionner pour ça, je vais lire ça. » Je n’ai pas le temps.

L’acquisition de connaissances se fait sous la pression du temps et sert surtout à résoudre des problèmes de traduction ponctuels. Cette démarche obéit à ce que Nicolas Froeliger appelle des « difficultés conjoncturelles » (1999 : 103). Un traducteur spécialisé en médecine souligne qu’après deux ans d’expérience dans le métier, il s’est aperçu très vite de la quasi-impossibilité de consacrer du temps à se spécialiser, indépendamment de son activité traduisante :

Au début, je voulais consacrer du temps à me spécialiser. Il y a une période où j’ai beaucoup lu et où je me disais que si je tombais sur un terme ou un groupe de mots, je le rentrerais dans ma base de données. Je ne le fais pas car c’est trop contraignant et ne peux pas m’y tenir. J’ai voulu le faire au début en notant sur papier et mettre ensuite l’information sur ordinateur mais je perdais du temps. J’ai laissé tomber et je ne fais vraiment que de la traduction.

Ces observations concordent avec le point de vue de Joelle Commeau-Fanghanel (2001 : 41) pour qui les connaissances acquises ne rendent pas compte de l’ensemble d’un domaine technique. Si le traducteur peut traduire un texte en acquérant des connaissances en fonction des problèmes posés, il demeure que sur le long terme, sa base de connaissances est parcellaire et ne rend pas forcément compte de tous les concepts-clés d’un domaine. Pendant un entretien, un interlocuteur spécialisé en finance a expliqué ce problème :

Dans le domaine de la finance, il y a toujours des choses qu’on ne connaît pas et des textes difficiles à traduire. J’ai déjà acquis des connaissances sur un grand nombre de textes que je traduis mais il y a tout le temps des sous-domaines que je ne connais pas assez bien ou que j’aimerais mieux connaître. C’est un défi permanent. Il faut surtout avoir le temps de lire parce que le même domaine peut revenir. Ca arrive souvent sur les produits dérivés ou la gestion de portefeuilles.

Je trouve moins de termes facilement. Il y a d’autres textes qui sont ordinaires et où il y a peu de recherches. Il y a aussi les textes qui sont publiés par les entreprises dans un but financier et qui sont des rapports annuels. A ce moment-là, l’entreprise va rentrer dans les détails de son activité interne.

Dès le départ, les « difficultés conjoncturelles » ne permettent pas de combler le retard du traducteur par rapport au spécialiste et de mettre en place une vraie démarche de spécialisation sur le long terme. Les contraintes du quotidien et le manque de connaissances spécialisées font que le traducteur est spécialisé dans la traduction d’un sujet (et dans la résolution de ses problèmes de traduction) plutôt que dans un domaine

technique. N’oublions pas également qu’il traduit pour gagner sa vie et qu’il doit accepter une quantité suffisante de travail afin de s’assurer des revenus décents ; il ne peut pas se permettre de consacrer quelques jours par semaine à se spécialiser, car un temps mort correspond à une perte d'argent.

2.2 Les mécanismes déclencheurs d’une recherche