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MÉTHODOLOGIE DU PRÉSENT TRAVAIL

DÉMARCHE ENTREPRISE

Après avoir présenté des concepts centraux dans le processus de traduction et de la traduction technique, nous expliquons ici les démarches que nous avons entreprises pour répondre aux questions soulevées dans la partie précédente. Dans ce chapitre, nous expliquons la finalité de notre travail et justifions notre méthode d’investigation.

1.1 La recherche d’informations auprès d’un échantillon de traducteurs techniques professionnels

1.1.1 Le choix de la méthode d’investigation

Dans une précédente étude, nous avions analysé la démarche de traduction de deux textes techniques par des étudiants33 (Lagarde 2002).

Ces textes avaient été choisis en fonction des difficultés qui avaient été identifiées préalablement. L’objectif était de voir comment 43 étudiants en traduction (niveau Master I en Langues Etrangères Appliquées) résolvaient les problèmes posés par ces textes, et si leurs stratégies de traduction et de résolution des difficultés posées avaient évolué au cours d’une année universitaire (2001-2002). Pour collecter les informations, nous avions organisé des entretiens avec ces étudiants.

Nous avons décidé d’élargir notre domaine de recherche en nous focalisant sur des traducteurs techniques professionnels. Les travaux sur le processus de traduction écartent souvent leur point de vue (Sorvali 1998 : 240) ou les opposent aux étudiants en traduction (apprentis-traducteurs) afin de comparer leurs démarches de traduction (voir Krings 1986 ; Jääskeläinen 1989 ; Künzli 2001). Le traducteur professionnel peut

33 Textes de physique écrits en anglais et à traduire en français. Référence : Broad, William et Wade, Nicholas (1982) Betrayers of the truth. New York. Simon and Schuster. 256 p.

pourtant apporter une vraie contribution non seulement à la recherche traductologique, mais aussi à la formation des traducteurs. Les études qui mettent à contribution des étudiants donnent des résultats exploitables sur le plan didactique (voir les études réalisées avec des étudiants et qui ont employé des méthodes d’introspection) mais ne permettent pas de prendre en compte les contraintes professionnelles du métier. Or, ces futurs traducteurs seront confrontés dans leur vie professionnelle à des contraintes qu’ils n’ont pas dans le milieu universitaire.34

Aux fins de la présente étude, nous analysons l’activité traduisante d’un échantillon de traducteurs professionnels en étudiant un corpus constitué d’explications écrites (questionnaires) et orales (entretiens).

Cette démarche est rétrospective car elle fait réfléchir le traducteur sur les raisons pour lesquelles il adopte telle stratégie.

Pour ce qui est des explications orales, nous avons organisé des entretiens avec des traducteurs techniques professionnels. Il y a encore quelque temps, cette méthode qualitative n’était pas énormément utilisée dans les études traductologiques car les entretiens étaient souvent considérés comme trop subjectifs et peu fiables (Sorvali 1998 : 240).

Pourtant, cette démarche permet d’obtenir un grand nombre d’informations en tous genres et de connaître les intentions, les problèmes, les décisions, les attitudes et les préférences des participants à l’étude. Dans la présente étude, les traducteurs ont répondu à des questions sur leur démarche d’acquisition de connaissances ; pour illustrer leurs propos, ils pouvaient prendre exemple sur des textes qu’ils avaient traduits, mais le corps des entretiens ne s’est pas appuyé sur des textes. Un entretien permet d’avoir des informations qu’il est difficile d’obtenir avec la méthode de « pensée à haute voix » ou avec des questionnaires. Pendant les entretiens, les traducteurs n’étaient pas sous pression ; nous sommes d’avis qu’ils sont plus à même de donner des réponses précises et pertinentes en étant à

34 A ce sujet, un certain nombre d’étudiants en traduction considèrent que les programmes actuels en traduction ne reflètent pas la demande du marché et que les programmes d’études doivent être améliorés (Li 2002).

l’aise ; la « pensée à haute voix » met par exemple le traducteur dans une situation artificielle dans laquelle ses émotions ont une influence sur sa démarche (voir House 2000 ; Hansen 2005a). Les traducteurs ne sont pas également dans leur environnement de travail habituel et n’ont pas accès à leurs sources habituelles (Künzli 2001 : 509).

Des questionnaires ont aussi servi à collecter les informations. Ils permettent d’avoir des résultats qualitatifs et quantitatifs mais aussi d’augmenter rapidement la taille de l’échantillon. D’autres études traductologiques se sont servies de questionnaires destinés à des traducteurs professionnels ; citons celles d’André Moreau (1986), Carmelo Cancio-Pastor (1995), Marla O’Neill (1998), Janet Fraser (1999) et Khadija Bouderradji (2004). Parmi ces travaux, seul le travail de Marla O’Neill (1998) s’est intéressé à l’activité traduisante (de traducteurs spécialisés en médecine) ; l’auteur a montré que les traducteurs linguistes de formation contactaient régulièrement des professionnels du secteur médical quand ils étaient confrontés à des difficultés dans le texte de départ. Dans les quatre autres travaux mentionnés [Moreau (1986), Cancio-Pastor (1995), Fraser (1999), Bouderradji (2004)], les questionnaires avaient pour objectif de rassembler des informations sur l’exercice de la traduction professionnelle ou sur les formations en traduction. L’étude d’André Moreau (1986) a dressé un état des lieux du métier de traducteur médical.

Carmelo Cancio-Pastor (1995) s’est penché sur le marché français de la traduction professionnelle et sur le profil des traducteurs professionnels en France (leur formation, leurs domaines de spécialité, leur expérience et le nombre moyen de pages qu’ils traduisent par jour). Janet Fraser (1999) a étudié la question de la relation entre le client et le traducteur et Khadija Bouderradji (2004) a fait un état des lieux des avantages et des faiblesses des formations de traducteurs en France.

1.1.2 La complémentarité et l’alternance des deux méthodes d’investigation

Les entretiens et les questionnaires sont deux méthodes d’investigation complémentaires. Les entretiens laissent davantage la place à des réponses qualitatives que les questionnaires, mais les explications données dans des entretiens peuvent aussi être utilisées sur un plan quantitatif. Les questionnaires sont plus adaptés à une exploitation quantitative des réponses, mais permettent d’obtenir des informations qualitatives quand le répondant peut répondre librement. Dans le présent travail, nous privilégions les informations qualitatives sur les informations quantitatives, car elles permettent davantage de connaître les stratégies et les comportements du traducteur devant différentes situations. La valeur ajoutée de cette étude réside dans les explications données par les traducteurs et moins dans un travail à dominante statistique.

Employer deux méthodes d’investigation permet d’augmenter la fiabilité d'une étude (Hansen et Gile 2004) et de progresser dans la recherche d’informations. Dans notre travail, nous avons alterné les entretiens et les questionnaires. Les résultats des entretiens ont permis de progresser dans la préparation des questionnaires et inversement. Nous avons exploité les explications que les répondants avaient données pendant les entretiens (ou dans les questionnaires) et avons essayé d’avoir l’avis d’un plus grand nombre de traducteurs par questionnaires (ou par entretiens). La préparation d’une nouvelle étape a consisté à analyser les explications pour ensuite poser des questions encore plus précises.

Les différentes étapes ont ainsi permis de confirmer des opinions sur le plan quantitatif mais aussi de les confronter sur le plan qualitatif. Dans les premiers entretiens, nos interlocuteurs ont par exemple expliqué que, depuis l’émergence d’Internet, ils utilisaient moins de sources sur support papier et qu’ils en jetaient un certain nombre ; nous avons alors demandé à d’autres traducteurs, dans des questionnaires, s’ils avaient la même démarche et avons approfondi la question, en essayant de savoir si

consulter moins d’ouvrages sur support papier avait eu des répercussions sur le processus de traduction et la recherche documentaire.

DEUXIÈME CHAPITRE