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Soitkun corps algébriquement clos. Le but de cette section est le suivant : étant donné une variété X plongée dans Pnk, trouver au moins un point fermé deX¯k dans chaque composante irréductible de X. Le fait de ne pas se préoccuper des multiplicités rend cette tâche plus facile que la décomposition primaire. Dans un premier temps, voyons comment trouver les points fermés des composantes zéro-dimensionnelles deX, appelés points isolés.

B.4.1 Trouver des points isolés

Lemme B.4.1. [Ier89, Lem. 3.1] Soitkun corps algébriquement clos. Soientf1, . . . , fmdes polynômes homogènes dek[x0, . . . , xn]de degré inférieur àd. Alors pour touts6n, le ferméV(f1, . . . , fs)dePn a au plus ds composantes irréductibles de codimension inférieure à s. En particulier, il a au plus dn composantes irréductibles.

Supposons X défini par m polynômes homogènes f1, . . . , fm ∈ k[x0, . . . , xn] de degrés respec-tifs d1, . . . , dm 6 d. Quitte à ajouter des équations redondantes si m < n, ou à agrandir X en ou-bliant certaines équations si m > n, nous pouvons supposer n = m. Notons Lx(u) = Pn

i=0xdiui ∈ k[x0, . . . , xn, u0, . . . , un]et fˆi(x, t) =txdii+ (1−t)fi(x)∈k[x0, . . . , xn, t]. SoitX ,ˆ →Pn×A1le fermé défini par lesfˆi.

Proposition B.4.2. [Ier89, Lem. 2.3] NotonsX¯ = ˆX∩D(t)l’adhérence dansPn×A1de l’intersection deXˆ avec l’ouvert principal D(t)(où A1 = Speck[t]), et X¯0 l’intersection de X¯ avec le fermé V(t). (En bref :X¯0= limt→0t) AlorsX¯0est de dimension zéro et contient tous les points fermés isolés de X.

La procédure est décrite dans [Ier89, §2.2]. Elle consiste à construire un polynômeR(u0, . . . , un) dont les zéros sont les mêmes que ceux deQ

x∈X¯0Lx(u0, . . . , un). CeR∈k[u0, . . . , un]est un résultant multivarié qui se calcule en tempsO(dn)[Ier89, Prop. 2.5].

Il suffit ensuite de poserRi(t) =R(t,0, . . . ,0,−1,0, . . . ,0) et de factoriserRi(t)pour connaître la (puissanced-ième de la) projection sur lei-ième axe de coordonnées des points deX¯0. Ceci fournitd2 coordonnées possibles sur chaque axe, et il suffit de tester lesd2n combinaisons possibles pour savoir si elles définissent un point fermé deX.

B.4.2 Trouver des points dans toutes les composantes

B.4.2.1 Pour un fermé de l’espace projectif

Soit X ( Pn donné par des équations homogènes. La stratégie pour trouver au moins un point dans chaque composante irréductible deX consiste à se ramener au cas précédent en intersectant X avec une succession d’hyperplans.

Considéronsn hyperplans H1, . . . , Hn en position générale (voir définition B.3.1) ; par exemple ceux définis parx1, . . . , xn. Notons, pouri >0,Li =H1∩ · · · ∩Hi. Notons encoreL0=Pn.

Lemme B.4.3. SoitC une composante irréductible deX. Alors il existei∈ {0, . . . , n}tel queC∩Li soit non vide et de dimension nulle.

Démonstration. La suite dim(C∩Li) est décroissante. De plus, dim(C∩Li) 6 dim(Li) = n−i et dim(C∩Li)>dim(C∩Li−1)−1. C’est donc une suite décroissante, qui décroît par pas de 0 ou 1, et qui stationne à 0. Soitile plus petit indice tel que C∩Li soit de dimension nulle. Si i= 0, alors C∩Li=C est non vide et de dimension nulle. Sii >0, cela signifie quedim(C∩Li−1) = 1. D’après le théorèmeB.3.2, l’intersectionC∩Li est non vide.

Ceci suggère l’algorithme suivant pour trouver au moins un point de chaque composante irréductible deX : déterminer, pour chaque i∈ {0, . . . , n}, les points isolés deX ∩H1∩ · · · ∩Hi. La complexité est doncnfois celle de la recherche de points isolés.

B.4.2.2 Pour une partie constructible d’un espace projectif

Lemme B.4.4. Soient H1, . . . , Hs des hyperplans en position générale dans Pn. Soit C un fermé de Pn. AlorsCest contenu dans au pluscodim(C)des hyperplansHi.

Démonstration. La dimension de l’intersection decodim(C) + 1de ces hyperplans, qui sont en position générale, est strictement inférieure àdim(C).

Lemme B.4.5. SoitC un fermé irréductible dePn. Soit H un hyperplan dePn. Alors soitC ⊆H, soitdim(C∩H) = dim(C)−1.

Démonstration. Si C n’est pas inclus dans H alors C ∩H est un fermé strict de C. Prenons-en une composante irréductible de dimension maximale C0. D’une part, dim(C0) > dim(C)−1 par la propositionB.3.2 appliquée à l’intersection de C et H. D’autre part, dim(C0)<dim(C)puisque C0 est un fermé irréductible strict deC.

Corollaire B.4.6. Si C est un fermé dePn de dimensiond, et siH1, . . . , Hs sont des hyperplans en position générale avecs >dimC, alors il existei1, . . . , idtels que l’intersection deCavecHi1∩· · ·∩Hid

soit de dimension nulle.

Démonstration. Il y a au pluscodimChyperplansHicontenantC. Il reste donc au moins un hyperplan ne le contenant pas : prenons-en un et notons-le Hi1. Alors C∩Hi1 est inclus dans au plus n des hyperplansHi, dont ceux qui contiennentC. Il y a donc au moins un hyperplanHi2 qui ne le contient pas, etdim(C∩Hi1∩Hi2) = dim(C)−2. Une récurrence immédiate conclut.

Lemme B.4.7. Si C est un fermé dePn de dimensiond, et si H1, . . . , Hn−d sont des hyperplans en position générale contenantC, alorsC=H1∩ · · · ∩Hn−d.

Démonstration. L’intersection est irréductible, de même dimension queCet contientC qui en est un fermé.

Adaptons l’algorithme précédent au cas d’une partie constructible d’un espace projectif. Considé-rons donc un fermé réduitY dePndéfini par les équations homogènesf1= 0, . . . , fm= 0, et un ouvert X deY défini par des inéquations homogènesg16= 0, . . . , gs6= 0. Notons, pour chaquei∈ {1. . . s},Vi le fermé dePn défini pargi. SoitdX un majorant des degrés desfi et desgj. Construisons d’abord un ensembleS={H1, . . . , HD} d’hyperplans dePn en position générale, avecD=sndnX+ 1.

Commençons par calculer les points isolés deY (dont font partie les points isolés deX). Ensuite, intersectonsY avec chacun des hyperplansHi. Les lemmes suivants montrent qu’alors toute compo-sante de dimension 1 deX intersecte au moins l’un desHi en un nombre fini non nul de points isolés, et que toute composante de dimension supérieure a une intersection non nulle avec au moins l’un desHi. Pour chaquei, la même procédure s’applique ensuite récursivement àY∩Hi. Elle s’arrête après une profondeur de récursion den. Au total, elle nécessite le calcul deO((sdnX)n) =O(sndnX2)intersections, et pour chacune de ces intersections, la détermination des points isolés du fermé de Pn défini par O(m+n) équations de degré O(dX). Chaque calcul d’intersection nécessite alors O((m+n)dO(n)X ) opérations dansk. La complexité totale du calcul est donc demsndO(n

2)

X opérations dansk.

Lemme B.4.8. SoitC une composante irréductible deX de dimension 1. Si S est un ensemble de sndnX+ 1 hyperplans en position générale alors il existeH ∈S tel queC∩H soit de dimension nulle et non vide.

Démonstration. NotonsC¯l’adhérence deCdansY : c’est un fermé dePn. Pour touti, commeCn’est pas inclus dansVi, l’intersection deC¯ avecViest de dimension nulle. En particulier,C∩Viami 6dnX points, et le nombre de points deC∩(S

iVi)estm6sdnX. Comme les hyperplansHisont en position générale, chacun desmi points deC∩Vi est contenu dans au plus nd’entre eux. Par conséquent, en prenantnm+ 16nsdnX+ 1hyperplans de S, au moins l’un d’entre eux intersecteC¯ en un point qui n’est pas à l’infini.

Lemme B.4.9. SoitC une composante irréductible deX. NotonsdX = dim(X). SoitS un ensemble desndnX+ 1hyperplans en position générale. Il existeH1, . . . , Hd∈S tels queC∩H1∩ · · · ∩Hd soit de dimension nulle et non vide.

Démonstration. NotonsC¯ l’adhérence deCdansY. Pour chaque indicei∈ {1, . . . , s}, le lemmeB.4.1 assure que C¯ ∩Vi a au plus dnX composantes irréductibles. Il existe donc au plus sndnX hyperplans deS contenant l’une des composantes irréductibles de l’un desC¯∩Vi. Prenons-en un qui ne contient aucunC¯∩Vi, et notons-le H1; en particulier, pour touti, la dimension de H1∩C¯ estdim( ¯C)−1, et celle deH1∩C¯∩Vi est égale àdim( ¯C)−2. Par conséquent,H1∩C¯ contient un point deC. Il existe alors au plusnsdnX hyperplans deS contenant l’un desC¯∩H1∩Vi; leur ensemble contient celui des hyperplans précédemment écartés contenant l’un desC¯∩Vi. Ceci fournitH2 qui ne contient aucune de ces intersections. Continuons ainsi jusqu’à obtenirH1, . . . , Hd−1. Le lemme B.4.8 permet alors de construireHd tel que tels queC0 := ¯C∩H1∩ · · · ∩Hd soit de dimension nulle, et contienne un point qui n’est dans aucun desVi, c’est-à-dire un point deC. Le nombre d’hyperplans en position générale à éviter est majoré parnsdnX; tout ensemble densdnX+ 1hyperplans en position générale contient donc un élément convenable.

Par conséquent, il suffit de construireO(nsdnX)hyperplans en position générale dans Pn. Ceci se fait en temps(nsdnX)O(n2)avec l’algorithme décrit dans la sectionB.3.1.

B.4.3 Le cas équidimensionnel

Cette méthode, bien plus élégante que celle présentée ci-avant, est décrite dans [Jin20, Alg. 8.5]. Soit X = Speck[x1, . . . , xn]/(f1, . . . , fm) un schéma affine de type fini surk dont toutes les composantes irréductibles sont de même dimensionr. Soitν:X →Ark une normalisation de Noether deX. Lemme B.4.10. La restriction deν à toute composante irréductible deX est encore surjective.

Démonstration. SiCest une composante irréductible deX alorsν|C est encore un morphisme fini, et doncdim(ν(C)) = dim(C) = dim(X) =rpar équidimensionnalité deX. De plus, encore par finitude, ν(C)est un fermé deArk de dimensionr, il est donc égal àArk.

La fibreν−1(0) = : SpecRintersecte donc chaque composante irréductible deX. Une décomposition primaire deR (présenté par générateurs et relations), qui est unek-algèbre finie, fournit pour chaque composante primaireCune base de Gröbner de son réduit. Ceci permet d’obtenir par factorisation une liste dek¯-points, qui contient au moins un élément de chaque composante irréductible. L’algorithme est donc composé de 4 étapes : un calcul de normalisation de Noether, une décomposition primaire, des calculs de bases de Gröbner d’idéaux zéro-dimensionnels puis des factorisations.

Nous n’avons pas précisé, dans la section sur les bases de Gröbner, la complexité des différents algorithmes ; cependant, la complexité de la normalisation de Noether décrite dans [Dic+91, Alg. 1.13]

est déjà, pour un idéal dek[x1, . . . , xn] engendré par m équations de degré maximal d, de l’ordre de m3dO(n2). Il n’y a donc pas de gain de complexité notable par rapport à la méthode par recherche de points isolés d’intersections avec des hyperplans présentée dans la sectionB.4.2.2.