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1.1. LA ROCHE ARGILO-GRESEUSE DE CHINLE (PLATEAU DU COLORADO)

L’échantillon de couverture de Moab (Utah – Etats-Unis d’Amérique) dans le Bassin du Colorado (Figure 12), provient de la formation argileuse triassique Chinle (245 à 200 millions d’années).

La couleur rougeâtre dominante de cette formation est liée à l’abondance des oxydes de fer présents. Les quelques fissures et fractures qu’elle présente sont colmatées par des carbonates recristallisés (calcite) qui sont vraisemblablement liées à une paléocirculation continue ou discontinue de CO2 d’origine profonde (mantellique et crustale) (Haszeldine et al., 2005). La White Rim, paléoréservoir sous-jacent, est une formation de la fin du Permien (255 millions d’années environ), gréseuse perméable et donc très riche en quartz et feldspaths. Le site de Moab a été qualifié d’analogues naturels du stockage géologique de CO2 (Blanchet et al., 2008), dû aux caractéristiques géologiques et minéralogiques observées et aux processus de transport réactif et de confinement de CO2 décrits. Lors de ces paléocirculations, la Chinle et la Moenkopi, toutes deux roches argileuses, auraient alors joué le rôle de couverture en limitant la migration de CO2 vers les horizons supérieurs.

L’échantillon référencé 010-D3, a été prélevé lors d’une campagne d’échantillonnage réalisée en avril 2006.

Figure 12 : Echantillon de couverture (Chinle) du Bassin du Colorado (Etats-Unis) Blanchet (2008)

La fraction sélectionnée pour les expériences ne présente pas de variations géochimiques et microstructurales majeures dues aux paléocirculations ou aux altérations de l’effleurement considéré. Une estimation de la composition de la roche du Colorado a été réalisée (Tableau 3) en croisant les analyses de DRX et les analyses chimiques (Blanchet et al., 2008 ; Credoz et al., 2009).

Tableau 3 : Compositions minéralogiques des deux roches argileuses étudiées (Credoz et al., 2009), la Chinle (chapitre 1) et la zone de transition de Charmotte (chapitre 2) comparées à des modèles de roches de la littérature

Modèles de couverture

Nordland

Shale S hale

Callovo-

Oxfordien Chinle Zone de transition Site d'étude Sleipner

(Norvège) (Italie) Bure (Bassin de Paris) Moab (Utah-EUA) Charmotte (Bassin de Paris) Illite (I)(1) 24,7 2 35 0 2 Smectite (S)(1) 8,8 15 15 0 0 Interstratifié I/S(1) 0 0 0 40 25 K aolinite 18 5 0,5 0 3 C hlorite 4,1 6 0 0 0 Muscovite 0 19 0 0 0 Quartz 21,5 20 25 35 10 K ‐F eldspath 2,1 0 2 5 0 Albite 12,4 0 0 0 0 C alcite et calcite‐Mg 1 29 17 10 50 Dolomite, ankérite(2) 0 4 3 3 5 S idérite 1,6 0 0 0 0 P yrite 2,8 0 1 0 2 G ypsum/Anhydrite 0 0 0 0 3 Oxydes de fer 0 0 0,5 7 0 Source: Gaus et al. (2005) Gherardi et al. (2007) Trotignon et Bildstein (2005) Credoz et al. (2009) Credoz et al. (2009) (1)

Les modèles de roche ne permettent pas d'intégrer les I/S, assimilés à des montmorillonites ou des illites

(2)

La dolomite peut être ferrifère et proche de l'ankérite

Dans la roche de Chinle, la fraction argileuse est majoritairement composée par un interstratifié illite/smectite à 80-90% illitique décrit dans la partie 2 (chapitre 2). Au niveau de la fraction carbonatée, cette roche est composée de calcite pure, de dolomite et d’une calcite magnésienne (substitution de Ca par Mg). La Chinle contient également du quartz et du feldspath-K et des oxydes de fer.

1.2. CONDITIONS EXPERIMENTALES

Les expériences d’interaction Roche/Eau/Solution sont répertoriées dans le Tableau 4. Elles ont été menées au sein d’une cellule de Teflon® placée dans un autoclave non agité PARR® en acier inox 316 de 100 mL (système batch). Cet équipement permet le contrôle externe de la température et de la pression, avec une pression maximale de fonctionnement de 180 bars et une température maximale de 250°C.

Tableau 4 : Expériences menées sur la roche argilo-gréseuse de Chinle Référence des expériences Roche Temp.

(°C) pCO2 p(Argon)

Composition solution

Durée (jours) "CNaCl0,1MCO2SC80C150b30" Chinle 80 150 0 NaCl 0,1 M 30 "CNaCl0,1MCO2SC80C150b90" Chinle 80 150 0 NaCl 0,1 M 90 "CNaCl0,1MAr80C110b30" Chinle 80 0 110 NaCl 0,1 M 30 "CCO2SC80C150b30" Chinle 80 150 0 Anhydre 30 "CV2CO2SC80C150b30" Chinle 80 150 0 V2 30 "CV2CO2SC80C150b90" Chinle 80 150 0 V2 90

La roche est broyée et 1,25 g de la fraction inférieure à 500 µm est placé dans la cellule en Teflon® contenant 25 mL de solution NaCl à 0,1 M.

L’injection de CO2 est réalisé à partir d’une bouteille de CO2 liquéfié pressurisé à l’hélium à 125 bars sous pression (72 bars à 20°C) dans le réacteur contenant la solution et le solide, pour l’obtention d’une phase supercritique lors de la montée en température du système (150 bars à 80°C) (voir annexe 2). Dans ces conditions, le CO2 supercritique est partiellement soluble dans la solution saline (Takenouchi and Kennedy, 1964; Kaszuba et al., 2003; 2005). Pour l’expérience témoin, l’injection de gaz est réalisée avec de l’argon (gaz inerte), avec une pression de 110 bars à 80°C.

Les conditions de pression sont proches de celles rencontrées dans le contexte géologique profond (1500-2000 m). La température atteint classiquement 40 à 65 °C suivant les gradients géothermiques des sites considérés. Une température de 80°C permet d’augmenter les cinétiques de dissolution et de précipitation

Ces conditions opératoires sont tirées des travaux réalisés dans le cadre du Programme ANR Géocarbone-Intégrité (2006-2009) qui fixait notamment des températures et pression de 80ºC et 150 bars respectivement (Credoz et al., 2009 ; Hubert 2009).

Le CO2 possédant la propriété d’être un bon solvant de l’eau, une troisième expérience a donc été menée en conditions anhydres sur un mois avec seulement la roche et le CO2(SC), pour juger de l’impact du fluide supercritique sur la roche argilo-gréseuse.

Dans un système de stockage géologique, les couvertures sont en conditions réductrices de l’ordre de -200 à -150 mV. (Gaucher et al., 2006). Dans la majeure partie des travaux expérimentaux réalisés à l’air ambiant (Eh = +400 mV) sur les réservoirs et les couvertures, la réactivité du système est malheureusement soumise aux conditions oxydantes de l’étude expérimentale. Des phénomènes d’oxydation sont susceptibles d’être observés après réaction (Montes-Hernandez et al., 2003).

Suite aux études de sensibilité réalisées sur le système Solution/Roche/CO2 en fonction des conditions redox du milieu, un protocole a été réalisé pour s’affranchir au maximum de l’activité du dioxygène atmosphérique sur le système avant l’injection de CO2. Les circulations consécutives d’argon et de CO2-H2 au sein du réacteur permettent d’atteindre des potentiels redox proches de 0 mV. Dans les travaux de De Lima et al. (2009), l’augmentation de la durée de ces circulations permet même de se placer en conditions réductrices (~ -100 mV).

Les expériences sont menées sur un mois et trois mois qui sont les durées nécessaires pour l’observation de changements significatifs sur les minéraux argileux et carbonatés.

A la fin de chaque expérience, les réacteurs sont mis à refroidir à température ambiante pendant 24 h et le CO2 gazeux est ensuite purgé pendant 6 h. Le solide est séparé de la solution par centrifugation à 7000 rpm pendant 10 min. La solution est acidifiée (avec HNO3 suprapur) et placée au froid (4°C) avant analyse.

L’acidité et la salinité de la solution à 80°C pouvant corroder l’enceinte du réacteur, les concentrations en Fe, Ni, Cr sont contrôlées.

La méthode de caractérisation du solide et de la solution avant et après réaction est explicitée dans l’Annexe « Méthode de caractérisation utilisée ».

1.3. RESULTATS

Deux expériences similaires ont été menées avec la roche de Chinle, la solution saline NaCl 0,1M et le CO2(SC) à 80°C et 150 bars, l’une à un mois, l’autre à 3 mois. En parallèle, une expérience avec CO2(SC) anhydre et une expérience avec argon ont été réalisées.

Une première caractérisation a été réalisée par DRX (Figure 13) pour discerner les grandes évolutions des minéraux carbonatés d’une part (cinétiques réactionnelles plus importantes), puis les minéraux argileux et silicatés d’autre part (cinétiques réactionnelles plus faibles). Les observations et analyses MEB permettent de confirmer les résultats obtenus par DRX et de caractériser l’évolution cristalline des minéraux (voir Annexes, méthodes de caractérisation).

1.3.1.

Evolution des minéraux carbonatés :

Après DRX sur préparation désorientée, l’évolution la plus marquante est la dissolution totale de la calcite pure initiale (à 3,02 Å) après réaction de 30 et 90 jours (Figure 13 ; spectres bleu et rouge respectivement), alors que la calcite substituée par Mg (2,99 Å) ne semble pas altérée. Une calcite-Mg secondaire aurait pu également reprécipiter.

Calcite