• Aucun résultat trouvé

Dans les évaluations de performance et de sûreté du stockage géologique de CO2 et du stockage géologique des déchets radioactifs, des fonctions de confinement et de scellement sont attribuées aux formations argileuses (Jullien et al., 2005, Bildstein et al., 2009). La roche argileuse est, soit la couverture surplombant le réservoir-hôte du CO2, soit la roche- hôte pour l’entreposage profond des colis de déchets.

Dans les deux cas de figure, les fonctions de confinement et de scellement reposent sur les propriétés caractéristiques de ces roches inhérentes à leur richesse en minéraux argileux.

Faible perméabilité et forte porosité

Les deux propriétés hydrogéologiques principales des matériaux sont une faible perméabilité et, paradoxalement, une bonne porosité, selon la composition et la diagénèse. Jullien et al. (2005) montrent que la tortuosité élevée et la microporosité des argiles impliquent cette faible perméabilité.

D’autre part, le réseau de pores est certes important mais fermé. Ce qui empêche la migration de fluide au travers du matériau argileux et la faible perméabilité. Il faut tenir compte des trois échelles de tailles de pores : la macroporosité (0,1-10 µm), la mésoporosité (10-100 nm) et la microporosité (0,5-10 nm) (Salles, 2006). Les données moyennes de perméabilité relevées dans les études sont alors faibles, de l’ordre de 10-12 à 10-14 m.s-1. Dans les travaux de Karacan et Mitchell (2003) et Karacan (2007) sur l’injection de CO2 dans les veines de charbon, les auteurs montrent que la structure et les propriétés particulières de faible perméabilité et de bonne porosité des argiles présentes (kaolinite, kaolinite/illite) offrent une bonne capacité de piégeage de CO2(g).

Gonflement et rétention d’eau

Pour compenser les défauts de charge existants, les smectites intègrent des cations plus ou moins hydratés dans l’espace interfoliaire. En fonction de la taille et de l’énergie d’hydratation du cation dans l’interfoliaire, la dimension de cet espace varie ainsi que la taille générale du feuillet. C’est la capacité de gonflement des smectites. Le cation K+ présente de faibles énergies d’hydratation et ne fera que peu évoluer la dimension de l’espace interfoliaire (cas de l’illite). Les cations Mg2+, Ca2+, Na+ présentent de plus fortes énergies d’hydratation. Ils s’entourent alors d’un plus grand nombre de molécules d’eau, impliquant le gonflement important des smectites lors de leur entrée dans l’espace interfoliaire.

Dans les travaux de modélisations réalisés sur Toughreact, Xu et al. (2006) prennent en compte le gonflement des argiles dans leur étude de la variation de porosité lors du stockage de CO2. Ils introduisent un facteur de réduction de densité (fmax = 5%) pour la simulation du gonflement. Ensuite, ils calculent la densité des argiles suivant deux cas de figures : le cas d’une eau minérale à faible force ionique et le cas d’une eau à force ionique élevée.

Cependant, les auteurs se cantonnent à l’étude de l’efficacité de l’injection de CO2 dans le réservoir. On peut alors imaginer que, dans la couverture riche en argiles gonflantes, ce phénomène de gonflement des argiles s’opère et soit impliqué dans la conservation de l’intégrité de la roche en bouchant la porosité perturbée par le transport réactif du CO2 et en diminuant ainsi sa migration.

Echange d’ions

L’échange d’ions est le phénomène d’entrée et de sortie de cations monovalents et bivalents plus ou moins hydratés dans l’espace interfoliaire des argiles. Il est directement lié aux déficits de charge existants au sein des feuillets et la compensation induite par les cations interfoliaires. Il représente donc une source de piégeage de cations en solution. L’échange d’ions repose sur : la valence du cation (monovalent, divalent), la taille du cation et la concentration du cation en solution. Le cation Na+ possède un rayon ionique plus faible que K+. Na+ entre et sort plus facilement de l’espace interfoliaire. Une montmorillonite potassique est alors plus difficilement déstabilisée par l’échange d’ions qu’une montmorillonite sodique du fait de la faible mobilité du K interfoliaire. Plus largement, une illite (espace interfolaire majoritairement riche en K+) est donc moins échangeuse d’ion qu’une montmorillonite face à l’enrichissement d’une solution en cations et en protons.

Il existe différents modèles considérant un ou plusieurs sites d’échange sur l’illite (Tournassat et al. 2007), sur un mélange illite/smectite (Beaucaire 2008) ou sur la fraction argileuse (Motellier et al. 2003). Dans ce dernier modèle, Motellier et al. (2003) assimilent d’ailleurs le piégeage ou le relargage de protons par la fraction argileuse à de l’échange d’ions uniquement (Tableau 2).

Tableau 2 : CEC et constantes de sélectivité (K) de quatre sites d’échange d’une fraction argileuse pour H+, Na+, Ca2+ et Mg2+ (Motellier et al. 2003)

Surfaces des argiles et sorption

Présentes sous formes de flocons, de lattes ou plus rarement d’aiguillettes (Velde, 1995 ; Hubert, 2009), les argiles sont des minéraux de petites tailles (< 2 µm) qui présentent une surface spécifique importante (de la dizaine à plusieurs centaines de mètres carrés par gramme de minéral).

Les minéraux argileux présentent deux types de surfaces : les surfaces latérales plus sensibles à la dissolution (effet de bords) et les surfaces basales Nagy, (1995), Kohler et al., (2003); Perronnet et al., (2007). Plus largement, cette spécificité surfacique caractérise tous les phyllosilicates et donc les micas. En conditions acides, Turpault et Trotignon, (1994) démontraient que les surfaces latérales d’un phyllosilicate (biotite) se dissolvaient beaucoup plus rapidement que les surfaces basales. Kohler et al. (2003) ont aussi conclu sur cette différence de réactivité entre ces deux types de surface lors de l’observation sur la dissolution de l’illite.

La surface spécifique importante des argiles et leur charge surfacique impliquent alors une capacité de sorption importante des cations extérieurs à la surface du minéral (Jullien et al., 2005; Pironon et al., 2007). Ces défauts de charge impliquent également, en interne, une capacité élevée d’échange de ces cations extérieurs (CEC) avec ceux de l’espace interfoliaire.

D’autre part, le phénomène de sorption de gaz tel que le CO2(g) à la surface des argiles demeure encore mal connu (Karacan & Mitchell, 2003; Karacan, 2007)

Protonation et capacité de tampon

La protonation est un mécanisme de sorption des protons à la surface des argiles. Plus la surface spécifique est importante, plus cette capacité de sorption des H+ est élevée. Ce phénomène est réversible et la libération de protons est appelée déprotonation. Expérimentalement, il est difficile de caractériser la part de protonation et la part d’échange d’ions qui sont respectivement des piégeages externes et internes de H+. Les données existantes de Tertre et al. (2006) de protonation/déprotonation à 25°C et à 60°C pour les montmorillonites reposent sur un modèle de complexation sur les sites aluminols (≡AlO-) et silanols (≡SiO-) du minéral argileux (Équation 6, Équation 7, Équation 8) :

Équation 6 : ≡Al-OH + H+↔ ≡AlOH2+ logK25°C = 5,1 logK60°C = 6,5

Équation 7 : ≡Al-OH ↔ ≡Al-O- + H+ logK25°C = -8,5 logK60°C = -8,7

Les propriétés de protonation et déprotonation de surface sont très importantes notamment vis-à-vis des perturbations de pH que peut subir la roche argileuse suite à l’injection de CO2. Récemment, des expérimentations et modélisations ont été réalisées pour déterminer la composition chimique de la solution interstitielle d’une roche argileuse compactée (bentonite) et son pH (Bradbury et Baeyens, 2009). Les auteurs montrent que ce sont les sites hydroxylés (≡SOH) et amphotères des surfaces latérales de la montmorillonite qui déterminent le pH initial de la solution. Ces sites ont alors une capacité de tampon d’acidité très élevée, fixant le pH initial de la solution de fond à ≈ 8.