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SYNTHESE

Les travaux de cette thèse permettent d’avoir une vision multi-échelle de l’évolution de roches de couvertures argileuses complexes impliquées dans un système de stockage géologique du CO2 (SGC). La stratégie mise en œuvre depuis l’échelle expérimentale sur phases purifiées jusqu’à la modélisation intégrative à grandes échelles de temps (10 000 ans) et d’espace (échelle métrique) nous a permis d’identifier certains processus géochimiques prépondérants, d’afficher leur cohérence entre expérimentation et modélisation et de souligner leur impact opérationnel. Ils permettent en effet de proposer un modèle réactionnel intégrant l’impact sur les propriétés géochimiques et hydrogéologiques lié à l’injection de CO2.

Plus fondamentalement, ces travaux apportent de nouveaux paramètres quantitatifs (cinétiques) et mettent en évidence de nouvelles transformations structurales (illitisation en milieu acide). Plus largement, cette étude contribue à l’acquisition de données qualitatives (réactivité de roches argileuses à long terme) et quantitatives (distance de pénétration du CO2 dans la formation de couverture) répondant ainsi à une partie de l’évaluation générale de performance et de sûreté du SGC.

Les expériences de réactivité sur roches totales montrent que le principal effet du CO2(SC) est l’acidification de la solution. Celle-ci entraîne une déstabilisation majoritaire des phases minérales carbonatées initiales. La réactivité des minéraux argileux au sein des roches brutes est plus lente et moins marquée. Le processus d’illitisation de l’I/S en milieu acide est amorcé lorsqu’une source de potassium est disponible (dissolution du feldspath-K).

Les minéraux carbonatés initiaux substitués en fer (dolomite ferrifère) se dissolvent abondamment, ainsi que la calcite, alors que les minéraux substitués en Mg sont plus stables (dolomite, calcite-Mg). La dissolution de ces minéraux intervient directement sur le contrôle du pH du système. La précipitation prioritaire de dolomite est observée, ce qui indiquerait la plus grande stabilité thermodynamique des minéraux carbonatés magnésiens dans les conditions expérimentales.

Les expériences de réactivité sur les deux minéraux argileux purifiés en conditions de SGC ont été réalisées avec un dispositif original comprenant, entre autres, une "cage à argile", et démontrent un processus réactionnel spécifique d’illitisation en milieu acide. Ceci confirme les amorces de formation d’illite observées sur roches totales en conditions de SGC. Les formations d’illite à partir d’un interstratifié illite/smectite, et d’un intermédiaire réactionnel smectitique riche en potassium à partir d’une montmorillonite-Na nécessitent également une source de potassium et d’aluminium dans le système (dissolution de feldspath-K). La précipitation de nodules siliceux est aussi observée

Ces réactions couplées sont reproduites par la modélisation. Le calage du modèle de réactivité sur les observations expérimentales (pH et [SiO2]tot, RSi) permet de valider les données thermodynamiques et cinétiques déterminées ou choisies pour la smectite. Ces données sont ensuite utilisées pour les calculs intégrés de la modélisation numérique à plus grande échelle spatio-temporelle. Pour l’interstatifié illite/smectite, la création d’une solution solide sera nécessaire dans de futurs travaux, ainsi que l’introduction de données thermodynamiques spécifiques et réalistes de ce minéral complexe.

La modélisation intégrative du transport réactif au sein de roches de couvertures a permis de confirmer, de quantifier et de hiérarchiser, sur le long terme, les réactions géochimiques observées, sur le court terme, dans les expériences sur phases argileuses purifiées et sur roches argileuses brutes. Ce travail de modélisation 1-D de diffusion aqueuse du CO2 dans

En outre, les résultats de modélisation montrent que la dissolution des minéraux carbonatés permet de tamponner partiellement l’attaque acide du fluide enrichi en CO2. Cependant, l’originalité de cette étude repose sur l’intégration dans un modèle de réactivité d’un nouveau chemin réactionnel d’illitisation en milieu acide mettant en jeu les minéraux argileux et jouant un rôle fondamental de la fonction de barrière chimique.

Les réactions de transformation de montmorillonite en beidellite, de kaolinitisation et d’illitisation se présentent comme étant les phénomènes majeurs de limitation d’ouverture de la porosité lors de l’altération géochimique due à l’interaction de CO2 avec des roches argileuses. Lorsque la beidellite n’est pas autorisée à précipiter, c’est la précipitation de kaolinite et d’illite qui augmente. La précipitation de phases siliceuses dans les premiers centimètres de la roche est aussi un facteur important qui permet de limiter l’ouverture la porosité.

L’ensemble de la réactivité des roches de couvertures souligne certains chemins réactionnels susceptibles d’avoir un impact direct en termes opérationnels, à savoir sur la cohésion mécanique des roches et leur stabilité géochimique.

Sur le court terme (période d’injection), l’altération des ciments carbonatés est susceptible d’ouvrir la porosité de la roche et de créer d’éventuels chemins préférentiels pour l’écoulement du fluide réactif. De plus, ceci est à même d’altérer la structure de la roche et sa tenue mécanique.

Sur le moyen et long terme (période de sûreté), l’altération des phases argileuses, notamment au travers du processus d’illitisation, réduit significativement le volume d’occupation de la fraction argileuse. La réaction globale d’illitisation s’accompagne de précipitation de silice. L’ouverture finale de porosité consécutive au processus d’illitisation résulte du bilan entre ces deux termes réactionnels.

Sur le court, moyen et long terme, le moteur de la réactivité géochimique est l’acidité du système. Dans un scénario de sûreté pénalisant (diffusion d’une solution renouvelée à pH 3,4 pendant 10 000 ans), la couverture argileuse homogène est fortement altérée sur les premiers centimètres de roche (ouverture de porosité de 10 à 60%), puis altérée plus modérément sur les 40 cm suivants (limitation de l’ouverture de porosité de 10 à 20% par illitisation). La roche de couverture, qui peut mesurer plusieurs centaines de mètres, remplit donc bien ses fonctions de scellement du CO2 dans le réservoir, sous réserve d’une injection de CO2 en deçà de la pression d’entrée capillaire.

Dans un scénario de référence (migration d’une solution à pH 4,7 pendant 10 000 ans), la porosité n’est que peu perturbée (ouverture de 2% sur le 1er cm de roche puis colmatage à 1% sur les 40 cm suivants), les fonctions de confinement et de scellement sont alors complètement remplies par la couverture.

Ces travaux de thèse s’inscrivent directement dans la démarche globale d’évaluation de performance et de sûreté, en fournissant des données quantitatives et qualitatives sur l’évolution des propriétés de la couverture en conditions de SGC. En considérant donc une couverture homogène (sans fissure, fracture, hétérogénéité de composition) et continue à l’échelle du modèle local, le stockage géologique de CO2 s’avère performant et sûr du point de vue géochimique.

La démarche, les résultats, les interprétations, les lacunes de données et les interrogations exposés lors de cette étude montrent la complexité pour une étude exhaustive du système Couverture/CO2/solution saline au niveau géochimique. La difficulté de modélisation et d’intégration des résultats expérimentaux sur des grandes échelles de temps et d’espace représentatives pour un stockage performant et sûr à long terme, demeure aussi un défi scientifique et technologique pour les travaux de recherche actuels et futurs.

L’évaluation de performance et de sûreté d’un site potentiel de stockage géologique de CO2 doit donc à tout prix prendre en compte ces difficultés de R&D, afin de faire du stockage géologique de CO2 une solution industrielle efficace et réelle face aux émissions croissantes de CO2 vers l’atmosphère et à la perturbation générale du cycle mondial du carbone.

PERSPECTIVES

Cette thèse a permis de démontrer la pertinence d’un approche intégrée multi-échelle de temps et d’espace en combinant expérience, analogue naturel et modélisation dans la description globale de la réactivité d’un site de SGC. Ces travaux permettent une hiérarchisation des processus réactionnels en termes d’impact sur la performance et la sûreté du stockage en considérant notamment l’importance de la composition en minéraux argileux de ces formations de scellement.