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Le rapprochement des modèles : l’influence du trust anglo-américain sur le

LES ORGANISMES DE TITRISATION EN FRANCE ET AUX ÉTATS-UNIS

91. Le rapprochement des modèles : l’influence du trust anglo-américain sur le

modèle civiliste français. – Les interventions répétées du législateur français

semblent être directement guidées par les caractéristiques du trust anglo-saxon. Effectivement, la comparaison de la structure du FCT retenue en droit français avec celle du trust en droit américain révèle des similitudes notoires96. En effet, il existe bien un constituant (la société de gestion et le dépositaire) qui décide que certains biens seront administrés (par la société de gestion) dans l’intérêt d’une ou plusieurs personnes (les porteurs de parts). En outre, les relations entre le FCT et la société de gestion rappellent également le mécanisme de la fiducie directement inspiré du trust : certains auteurs parlent de fiducie-gestion97. Effectivement, il s’agit de l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but

                                                                                                               

94 Article R. 214-107 à R. 214-109 du Code monétaire et financier.

95 Article L. 214-182 du Code monétaire et financier : « Les conditions dans lesquelles le fonds peut

émettre de nouvelles parts après émission initiale des parts sont définies par son règlement.

Le fonds peut émettre des titres de créance négociables et des obligations ou des titres de créance émis sur le fondement d'un droit étranger.

Les conditions dans lesquelles le fonds émet des titres de créance sont définies par son règlement. »

96 David Ginocchi, Dorian Guinard, Sarah-Marie Maffesoli, Sébastien Robbe, Les modèles juridiques

français et américain : influences croisées, L’Harmattan, 2009, p. 67 et suivantes.

97 Philippe Malaurie et Laurent Aynès, Les biens, Defrénois, Droit Civil Et Procédure Civile,2010, p.

déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires98. Dans le cas de la titrisation, même si le FCT n’est pas un fiduciaire, il y a bien un transfert d’actifs au FCT, actifs qui sont administrés par une société qui doit gérer ces actifs pour le bénéfice de tiers (les investisseurs)99.

92. De plus, l’influence américaine est encore plus flagrante avec l’instauration de la SDT par l’ordonnance de 2008 en droit français. Celle-ci, contrairement au FCT, est dotée de la personnalité morale qui peut constituer un mécanisme alternatif au trust où une masse patrimoniale séparée est affectée dans l’intérêt des investisseurs. Effectivement, la SDT permet de remédier à l’idée selon laquelle chaque patrimoine doive correspondre à une personne biologique. En déterminant un but spécifique à la SDT, il est créé une sorte de patrimoine d’affectation par le biais de sa personnalité morale. Ainsi, le patrimoine d’affectation, longtemps rejeté par les systèmes de droit civil se fraye un chemin officieux par la voie de la personne morale de la SDT100. 93. Même si l’utilisation d’une personne morale permet d’affecter le patrimoine de la

SDT à un but social précis, elle présente certaines limites dans le cas de la titrisation. Tout d’abord, l’utilisation de la SDT ne sert pas forcément l’intérêt de chaque investisseur. Effectivement, le patrimoine de la SDT ne protège pas un investisseur contre les revendications d’un autre investisseur qui pourrait éventuellement saisir les biens de ce patrimoine. Ainsi, il faudrait autant de SDT que d’investisseurs pour garantir l’indépendance de leur patrimoine. De plus, les flux financiers liés aux actifs circuleraient dans le patrimoine de la société, ce qui les mettrait à disposition de tous les créanciers de la société. Enfin, la société pourrait répondre de ses propres dettes à hauteur de son patrimoine personnel en incluant les actifs des investisseurs.

94. Ensuite, l’absence de patrimoine d’affectation présente également des désavantages pour la SDT. Ainsi, le risque d’impayé des débiteurs cédés serait directement pris en charge par la société qui serait aussi encline à rembourser les investisseurs avec son patrimoine personnel.

                                                                                                                98 Article 2011 du Code civil.

99 Thierry Granier, Richard Routier, Paul Le Cannu. Droit Commercial ; instruments de paiement et de

crédit ; titrisation, Septembre 2010, n° 703.

100 Valerio Forti, La titrisation des créances en droit comparé. Contribution à l’étude de la propriété,

95. En outre, la personnalité morale n’est pas aussi avantageuse que le patrimoine d’affectation. Effectivement, ce dernier, assimilable au trust, permet d’affecter un patrimoine séparé à un ou plusieurs bénéficiaires précis. Constituer un patrimoine d’affectation est moins onéreux qu’une personne morale car cela n’implique pas la création d’un nouveau sujet et tous les coûts inhérents (frais d’enregistrement de la société de gestion ou frais de gestion des organes, etc.). C’est d’ailleurs pour cette raison que le trust est préféré aux Etats-Unis : il évite la création d’une organisation complexe.

96. Le patrimoine d’affectation serait très pertinent car il permettrait la gestion des actifs cédés dans l’intérêt des investisseurs. Ces derniers seraient sûrs que personne ne pourrait saisir les biens du patrimoine affecté, que les créances des opérations constitueraient des patrimoines distincts de celui de la société et des autres opérations et que les flux financiers ne transiteraient pas dans le patrimoine de la société. De plus, la société ne répondrait que de ses propres dettes à hauteur de son patrimoine personnel en excluant celui géré dans l’intérêt des investisseurs. En définitive, la société de gestion présente des avantages certains en terme de personnalité morale mais, sans patrimoine d’affectation, ne propose toujours pas d’alternative équivalente au trust.

§2