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CONCLUSION – TITRISATION & CROWDFUNDING

334. L’étude de la titrisation est passionnante. Elle inspire de nouvelles techniques et permet d’estimer leur viabilité. Pourtant, ce qui la rend encore plus fascinante, c’est la relation qu’elle entretient avec les investisseurs. D’abord, elle les prend sous son aile, ensuite, elle les éduque pour finalement les laisser prendre leur envol.

335. Depuis son lancement jusqu’à aujourd’hui, le droit des titres329 a tenu une ligne d’action très protectrice des investisseurs. Pourtant, depuis la crise des subprimes, il faut être plus nuancé. D’un pas haletant, les législateurs se tournent progressivement vers ceux qui avaient toujours été immaculés de tout devoir dans les opérations de titrisation : les investisseurs. En effet, les droits ne les traitent pas comme les autres organes de la titrisation sur lesquels ils portent un regard plus accusateur. Ainsi, ils les informent et améliorent leur diligence face à des parties hostiles. Un investisseur

averti en vaut deux. Qu’adviendrait-il des investisseurs si le droit n’intervenait pas ou

peu ?

336. Le 5 avril 2012, Obama promulgue le JOBS act330 et affirme « It was critical that we

cut taxes and make more loans available to entrepreneurs. So today after a long and tough fight, I am signing a small business jobs bill that does exactly that. ». Ainsi,

cette nouvelle loi autorise la US Securities and Exchange Commission (SEC) à proposer des règles qui permettraient au grand public d’accéder au crowdfunding. La Commission européenne a également invité les citoyens à s’exprimer sur les avantages d’une éventuelle loi permettant le développement du crowdfunding en Europe.

337. Le crowdfunding consiste en l’utilisation d’une plateforme internet pour lever des fonds grâce aux contributions d’investisseurs indépendants. Ainsi, des entrepreneurs                                                                                                                

329 Securities Law.

ou petites entreprises présentent leur projet et le montant qu’ils nécessitent sur un des sites prévus à cet effet qui leur donnent accès aux investisseurs du monde entier. Grâce au crowdfunding, n’importe qui peut être un investisseur. C’est la traduction littérale du « financement par la foule ».

338. En quoi le crowdfunding est-il étroitement corrélé au droit des titres ? Le

crowdfunding est pleinement une question de droit des titres et pose plusieurs

difficultés non résolues de façon satisfaisante à ce jour. Tout d’abord, les investissements via ces plateformes se font en réalité par l’achat de titres qui devraient normalement déclencher des exigences onéreuses d’enregistrement. Ensuite, la question de la qualification juridique de la plateforme internet trait d’union entre les investisseurs et les entrepreneurs peut laisser également dubitatif. Enfin, l’accès à tout type d’investisseurs pose la question de leur degré de connaissances et d’information : sont-ils en mesure d’évaluer le risque ?

339. S’il stimule la croissance économique et la création d’emplois par les petites entreprises, le crowdfunding est un mode de financement qui n’est pas sans danger pour les investisseurs. En effet, sa structure fait étrangement penser à une opération de titrisation dépourvue de ses protections. Ainsi, il ébranle les marchés de la dette par des plateformes comme LendingClub Corp. et Propser Marketplace Inc. qui se sont développées en donnant à des individus lambda la capacité d’investir dans des prêts. Ainsi, Social Finance, par exemple, permet à des étudiants de refinancer leur dette à un taux plus bas en permettant aux anciens de devenir leurs prêteurs331… Les investisseurs gagnent ainsi de l’argent par le remboursement des prêts. Cela semble familier, n’est-ce pas ?

340. Les mêmes questions que nous nous sommes posés pour l’étude de ce mémoire émergent. Qu’advient-il des investissements quand la plateforme internet est insolvable ? Force est de constater que ces plateformes ne sont pas des entités

bankruptcy remote. Par exemple, une cour hollandaise a récemment approuvé la

faillite d’un de ces intermédiaires : Sellaband, une plateforme internet liée à des projets musicaux. Que se passe-t-il si le projet n’est pas réalisé ou si l’emprunteur ne                                                                                                                

331 Pui-Wing Tam, « Crowdfunding Lures Investors Seeking Stock Over Goggles », dans Bloomberg, 9

peut rembourser son emprunt ? Une fois encore, il ne semble pas que les investisseurs soient protégés des risques de faillite de leur débiteur. Le risque est d’autant plus exacerbé que la base des investisseurs est illimitée. Tout le monde peut participer : du moins averti au plus professionnel des investisseurs. Pourtant, la UK Financial

Conduct Authority estime que 50% à 70% des nouveaux projets collapsent332. Ensuite, dans une interview très pédagogique, la Michigan Securities Division répond à la question « How does an investor know if the company that is offering and selling its

securities via the internet is legitimate? » par « Investors should always thoroughly investigate all investment opportunities ». Le risque est bien réel.

341. En définitive, la question du crowdfunding fait parler d’elle des deux côtés de l’Atlantique. Effectivement, le JOBS act a insufflé un vent régulateur dans l’Union Européenne et ses Etats membres. Il ferait un excellent sujet de droit comparé : « La

mise en œuvre du JOBS Act en Europe ». Même si nous n’entrerons pas dans les

méandres de cette analyse, nous pouvons affirmer d’ores et déjà qu’elle alimente le fil conducteur de ce mémoire : nous sommes passés de la protection à la responsabilisation des investisseurs. Dans la titrisation, la responsabilisation est forcée par le droit tandis que, dans le crowdfunding, elle atteint son paroxysme en utilisant uniquement la conscience propre des investisseurs.

342. Futurs investisseurs, gardez à l’esprit que le risque est de ne pas savoir ce que vous

faites.

                                                                                                               

332 Mirzha de Manuel, “Investor Protection and Crowdfunding”, dans CFA Institute Magazine,