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LES DROITS COMMUNS DE LA FAILLITE ATTENTATOIRES À L’INTÉRÊT DES CRÉANCIERS

67. La vie d’un débiteur peut rapidement devenir cauchemardesque quand il ne dispose plus des ressources suffisantes pour braver l’accablement de ceux qui le harcèlent pour récupérer leur dû. Les raisons ne manquent pas aux créanciers pour faire valoir leurs revendications. Pour redonner une chance de survie à l’affaire du débiteur et qu’il puisse également rembourser ses créanciers, les législateurs américain58 et français59 proposent des plans de réorganisation aux effets similaires. Le débiteur peut ainsi apurer le passif et reconstruire son affaire pendant une période donnée durant laquelle il est protégé de ses créanciers. Il est dit « en difficulté » ou « insolvable ». Il ne peut plus honorer ses dettes et a donc besoin de cette immunité temporaire. Dans le cadre de la titrisation, cette action bienfaitrice pour le débiteur peut s’avérer terriblement nuisible pour les porteurs de titre. Les jugements de faillite sont généralement assortis de coûts légaux colossaux et de longs délais.

68. La protection démesurée de l’automatic stay et la période suspecte. – Les droits américain et français prévoient des protections plus ou moins vastes pour le débiteur en difficulté. En France, ce dernier doit partager ses pouvoirs avec les mandataires de                                                                                                                

58 11 U.S.C. §§101 (Chapitre 11 du Bankruptcy Code).

59 En droit français, il est appelé plan de sauvegarde (Livre VI, Titre II, Chapitre VI du Code de

commerce : Du plan de sauvegarde) ou plan de redressement (Livre VI, Titre III, Chapitre Ier du Code de commerce) selon la procédure applicable.

justice60 déterminés en fonction de la procédure choisie par le juge. Aux Etats-Unis, les débiteurs en difficulté bénéficient d’une protection gigantesque au détriment de l’intérêt direct de leurs créanciers61. Effectivement, le Bankruptcy Code, qui règle toutes les questions liées à la faillite, leur confère des pouvoirs étendus et leur permet de jouir de l’automatic stay62. Cette notion se définit comme une période de temps

pendant laquelle tous jugement, activité de recouvrement, saisine et restitution de propriété sont suspendus et ne peuvent bénéficier aux créanciers pour les créances générées avant le dépôt de la demande de faillite du débiteur. Sous réserve de certaines exceptions63, le dépôt de la demande de faillite provoque immédiatement la suspension des recours des créanciers contre le débiteur pendant la durée entière des négociations du plan de réorganisation64. Ainsi, toute tentative judiciaire ou non judiciaire de recouvrement sur les biens du débiteur pendant ce laps de temps65 est vaine. L’automatic stay interdit largement, sans vergogne, les actions des créanciers et garantit une protection étendue des intérêts du débiteur. Comme l’affirment beaucoup d’auteurs66, « the Bankruptcy provides a breathing spell » pour le débiteur. Cette période lui permet de résoudre ses difficultés plus sereinement. En droit français, l’article L. 622-7 du Code de commerce67 offre une protection très similaire : une période dite « suspecte » qui met également un terme aux actions des créanciers. En                                                                                                                

60 Article L. 621-4 du Code de commerce.

61 V. Jason H.P. Kravitt, Mayer Brown LLP, Securitization of Financial Assets, Second Edition, Aspen

Publishers 2011, Chapter 5, pages 5-12 et suivantes ; Patrick D. Dolan, Securitizations: Legal and

Regulatory Issues (Securities Law Series), 2014, Chapter 2 p. 2-4 et suivantes.

62 Période de suspension automatique des poursuites.

63 11 U.S.C. §§ 362 – Exception de l’automatic stay « (b) The filing of a petition under section 301,

302, or 303 of this title, or of an application under section 5(a)(3) of the Securities Investor Protection Act of 1970, does not operate as a stay— … »

64 11 U.S.C. §§ 362 – Automatic stay « (a) Except as provided in subsection (b) of this section, a

petition filed under section 301, 302, or 303 of this title, or an application filed under section 5(a)(3) of the Securities Investor Protection Act of 1970, operates as a stay, applicable to all entities, of— … »

65 11 U.S.C. §§ 531 : Property of the estate (Biens de la faillite)

66 Michael L. Cook, Jessica L. Fainman, Schulte Roth & Zabel LLP New York City, The Bankruptcy

Code’s Automatic Stay, Janvier 2008, p. 1.

67 Article L. 622-7 I du Code de commerce : « Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein

droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires ».

principe, elle commence le jour du jugement d’ouverture. Pourtant, si les éléments d’un état de cessation des paiements sont avérés antérieurs, le juge peut reporter cette période jusqu’à dix-huit mois avant l’ouverture du procès68. En définitive, les intérêts des créanciers sont fortement compromis dans l’automatic stay ou la période suspecte des droits communs américain et français de la faillite et des procédures collectives. 69. L’élaboration du plan de réorganisation. – Ensuite, les droits américain et français

sont encore plus attentatoires à l’intérêt des créanciers dans le cadre du plan de réorganisation du débiteur. En effet, les créances et les participations dans la société débitrice sont classées et traitées dans ledit plan proposé par le débiteur et / ou par les autres créanciers pour remettre le bilan à flot. Ainsi, aux Etats-Unis, le débiteur pourra rechercher la requalification des transactions avant la faillite pour déterminer le contenu de son patrimoine. De cette façon, peuvent être remis en cause les labels que les parties ont entendu donner à leurs opérations. Par exemple, les actifs qui ont été vendus par le débiteur avant la procédure de faillite peuvent être traités comme partie intégrante de son patrimoine par une requalification de la vente en prêt garanti. Ainsi, l’acheteur est considéré comme ayant consenti un prêt auprès du débiteur en faillite et doit être remboursé au moment de la liquidation des actifs financiers. Par conséquent, il n’est pas considéré comme propriétaire des actifs mais comme ayant simplement retenu une garantie dans les actifs financiers en attendant le remboursement par le débiteur69.

70. Le droit français n’est pas plus tendre avec les créanciers du débiteur insolvable70. En effet, il prévoit que certains actes71 arrivés pendant la période suspecte sont nuls de                                                                                                                

68 Article L. 631-8 alinéas 1 et 2 du Code de commerce : « Le tribunal fixe la date de cessation des

paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Sauf cas de fraude, elle ne peut être reportée à une date

antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l'article L. 611-8. L'ouverture d'une procédure mentionnée à l'article L. 628-1 ne fait pas obstacle à l'application de ces dispositions. »

69 Patrick D. Dolan, Securitizations: Legal and Regulatory Issues (Securities Law Series), 2014,

Chapter 2 p. 2-5 et suivantes.

70 Sabine Haddad, « La période suspecte dans la procédure collective pour éviter toute dissimulation »,

plein droit et que d’autres sont annulables par le juge à la demande des parties72. L’objectif de ces mesures est bien entendu de reconstituer l’actif du débiteur. Ainsi, la jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur une action en nullité pour trois cessions opérées lors de la période suspecte par une société en difficulté73. En l’espèce, cette société débitrice avait cédé une créance, un stock de marchandises et son matériel d’exploitation à un créancier. La Cour d’appel avait prononcé la nullité de ces actes. Néanmoins, pour le créancier ces cessions bénéficiaient de l’autorité de la chose jugée car il avait admis sa créance. La Cour de cassation a rejeté son argument et a considéré que « l’admission d’un créancier pour la partie impayée de la créance, même revêtue de l’autorité de chose jugée, ne fait pas obstacle à l’action en nullité des paiements partiels reçus en période suspecte ». Par conséquent, la pérennité des transactions est gravement menacée.

§2

L’APPLICATION DES DROITS COMMUNS DE LA FAILLITE À LA