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B. LE NON-RECOURS DES HOMMES ADULTES AUX OFFRES

I. Les motifs de non-recours pluriels

I. 1. Un rapport complexe aux institutions

Des « problèmes » de lien entre les institutions quelles qu’elles soient et la population des quartiers CUCS sont soulevés par des habitant-e-s qui ne recourent pas ou peu aux offres et par certain-e-s professionnel-le-s, pointant :

- des décalages entre d’une part les représentations et l’offre des institutions et d’autre part les besoins de la population ;

- une démarche trop souvent descendante : « Souvent on a un peu reproché aux structures d'être dans l'offre et d'attendre que les habitants viennent. » (H_H_D). Un habitant pointe ici un enjeu fort que l’on retrouve sur les trois quartiers, celui de la participation des personnes. Le modèle descendant pratiqué par certaines structures est parfois pointé du doigt comme insuffisant et des démarches alternatives s’appuyant sur les demandes des habitant-e-s sont appréciées, autant par les professionnel-le-s que par les habitant-e-s rencontré-e-s « il y a une démarche contraire aussi, le CS de X innove

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pas mal, la question de la participation des habitants, une directrice notamment convaincue de ces choses-là » (H_H_D). La démarche consiste à aller à la rencontre des gens dans les espaces qu’illes fréquentent comme le marché, les commerces, etc. pour recueillir leurs idées et tenter de monter des projets avec eux et pour eux. Dans ce cadre, un projet vélo pour les femmes était en cours lors de notre étude, et une habitante interviewée nous confiait son bonheur d’apprendre à faire du vélo « à [son] âge ! » (la cinquantaine). Pour autant, les professionnel-le-s pointent des difficultés dans la mise en place de ce type de démarche, et en particulier la difficulté d’engager les jeunes hommes notamment dans un processus temporel « mais le problème c'est que des idées on en a plein mais ça reste compliqué parce qu'il y a un des problèmes avec les jeunes c'est la mobilisation des jeunes sur des actions parce que le problème c'est les jeunes ils font une demande, mais entre cette demande et la réalisation il y a un fossé. On leur dit de venir nous voir en permanence et on n’a pas de nouvelles. Et des fois le temps quand il est trop long entre la préparation et l'action il y a des pertes. Ne serait-ce que sur 4-5 mois. C'est difficile de se projeter. Je reviens à l'exemple du séjour accompagné quand des parents ils ont eux-mêmes du mal à se projeter le jeune il peut pas » (F_P_D). La question de la projection de Soi dans le futur semble en effet récurrente sur les quartiers concernés et semble davantage freiner le recours aux offres des jeunes hommes mais aussi celui des jeunes femmes.

- une méfiance des habitants envers les institutions, en particulier de la part d’habitant-e-s historiques et de personnes issues de l’immigration qui semblent particulièrement pressurées par le modèle assimilationniste d’intégration à la française. Ces personnes pointent des pressions qu’elles ressentent de la part de la société dans son ensemble, via notamment les médias, pressions relatives à leur culture d’origine ou à celle de leurs parents ou grands-parents. Elles peuvent avoir le sentiment que la société française leur demande de rompre avec une culture d’origine (souvent fantasmée et stéréotypée dans la pensée sociale), de rompre notamment avec des valeurs familiales (souvent fortes mais là aussi largement fantasmées), de rompre avec une religion (qu’elles ne pratiquent d’ailleurs pas toutes), et, in fine, de rompre avec une partie d’elles-mêmes. Le corolaire de cette rupture peut alors devenir une intériorisation du stigmate lié à une identité socialement dévalorisée et niée, peut se muter en méfiance vis-à-vis des institutions, mais peut aussi se transformer en résistance et en défiance vis-à-vis des institutions considérées comme des bras actifs d’une société dénoncée comme « raciste » par nombre de personnes.

- une résistance à la pression assimilationniste ressentie par de nombreux habitant-e-s des quartiers issu-e-s de l’immigration. Le port du voile peut ainsi constituer un mode de résistance, dans un retournement du stigmate, proche du « black is beautiful » des Black Panthers, version « islam is beautiful ». Mais le non-recours aux offres socio-éducatives et de loisir constitue aussi pour certain- e-s personnes une façon de résister à la pression à l’assimilation qui se heurte souvent à un échec d’intégration dans un second temps, renforçant plus encore la méfiance vis-à-vis des institutions et la résistance envers leurs discours et leurs offres considérés comme mensongers ou menaçants pour l’identité sociale ;

- une défaillance communicationnelle de la part des institutions (à part sur les évènements festifs mais pas assez ressentie sur les droits des personnes en territoire CUCS) donc un manque d’information sur l’offre qui se traduit par une …;

- une non-connaissance de l’existence de telles structures « j’en ai jamais entendu parler » nous dit une duchéroise de naissance d’une vingtaine d’années et lorsqu’on lui demande si elle serait intéressée par les activités proposées elle nous répond « non, ici c’est juste pour dormir » ;

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- un manque d’implication, de proximité des institutions envers les gens non impliqués déjà dans les associations, notamment pour les informer en direct (et pas seulement par prospectus comme le souligne un habitant) de ce qui se fait et est proposé sur le quartier.

Pour résumer cette première sous-partie, nous laisserons la parole à un habitant : « y a un fossé entre les institutions, tout ce qu’elles peuvent représenter, apporter à la population et la population elle-même. Y a à la fois un fossé, peu de contacts, et un manque d’informations cruel. […]. Je parle toujours de ce que je connais le mieux : les jeunes. Beaucoup de jeunes ne connaissent pas leurs droits sur un CUCS, y a plein d’avantages, d’aides, de dispositifs, mais ils le savent pas. Manque d’information et les institutions ne font pas aussi l’effort de communiquer. […]. Publicité c’est zéro. Le quartier au niveau communication double zéro. A part « venez faire la fête », y a pas de communication disant « on fait telle réunion concernant tel sujet » H_H_M.